Dimanche 3 juillet 2016, plus de 200 Irakiens étaient tués dans un attentat-suicide commis à l’aube à Bagdad et revendiqué par l’organisation État islamique. Une information qui, si elle a occupé une place significative sur les sites et les chaînes d’information, n’a pas eu les honneurs des « unes » de la presse quotidienne du lundi 4 juillet. Bis repetita ?
Mardi 28 juin, à 22h, heure locale (21h en France), trois terroristes ouvrent le feu dans l’un des terminaux de l’aéroport international Atatürk d’Istanbul, avant de se faire exploser, causant la mort de 42 personnes et blessant 240 personnes.
Des événements qui en rappellent inévitablement d’autres, récents et similaires : les attentats de Paris en novembre 2015, et de l’aéroport de Bruxelles le 22 mars 2016. Mais du point de vue de la médiatisation, force est de constater qu’on est très loin de la frénésie avec laquelle les médias dominants ont « couvert » les attentats de novembre et de mars, qui avaient donné lieu, même en dehors des chaînes « tout-info », à des éditions et des émissions spéciales. Ici, presque rien – un déséquilibre très répandu mais qu’illustre parfaitement le cas du Parisien [1] :
Dira-t-on que les attentats ayant eu lieu tardivement, les délais de bouclage ont empêché de mettre cet événement à la « une » ? Difficile à défendre, en tout cas pour Le Parisien, qui l’évoque en manchette, et lui consacre un article en pages intérieures. À la rubrique… « faits divers » :
Et si c’était le bouclage qui était en cause, les grands quotidiens nationaux allaient-ils se rattraper le lendemain ? Encore raté, car à part Le Monde et Libération [2], les attentats de l’aéroport d’Istanbul n’ont pas davantage fait la « une » le jeudi que le mercredi. Le Parisien persiste et signe :
La Turquie pleure « ses morts », mais Le Parisien se préoccupe d’abord de « nos champs » et de « nos » Bleus… Logique ?
Une certaine « logique » médiatique, qui mêle éloignement géographique, désinvestissement de l’international (place secondaire dans la hiérarchie de l’information et moyens financiers réduits), et occidentalocentrisme. La Turquie, pays charnière, dans les représentations médiatiques dominantes au moins, entre « l’Orient » et « l’Occident », et entre le « Nord » et le « Sud », subit le traitement médiatique correspondant : quantitativement, bien moindre par rapport aux attentats français, belges ou américains, mais supérieur tout de même aux attentats frappant les pays africains, généralement évoqués dans des brèves ou en « off ». Il est vrai que les aéroports nigérians ou tchadiens voient sans doute passer un peu moins de journalistes occidentaux en goguette – d’où peut-être l’angle… particulier de cette « une » de 20 minutes :
Olivier Poche
- Merci à la correspondante qui nous a signalé ces « unes ».