Si Caroline Fourest a choisi ce sujet, c’est qu’il y a beaucoup à dire ! Et que personne ne le dit… Forcément : tout le monde ne peut pas être le phare de l’humanité, avant-garde éclairée du paysage intellectuel français, étoile montante du progressisme révolutionnaire.
Si Mme Fourest reconnaît bien à Corbyn une volonté de rupture économique avec l’ordre libéral, volonté qu’elle salue, elle s’empresse de prévenir les auditeurs : sous couvert de révolutionnaire progressiste, Corbyn est en fait un ardent soutien au terrorisme international ! Tout auditeur normalement constitué s’attend donc à des preuves venant à l’appui de ces accusations. Raté : des preuves, malheureusement, Caroline Fourest n’en a pas (et pour cause, ses propos sont soit mensongers soit très tirés par les cheveux, Arrêt sur images l’a bien montré) [1]. Des vérités, en revanche, elle en a ! Et une vérité fourestienne ne se conteste pas : si Mme Fourest le dit, c’est que c’est vrai ; c’est aussi simple que ça.
Première vérité, donc : Corbyn finance les négationnistes
« Des associations s’inquiètent par exemple de ses fréquentations complotistes et antisémites comme cet écrivain niant la Shoah, qu’il a financé. »
Quelles associations ? Quelle fréquentations ? Quel écrivain ? On ne saura pas. Mais puisque Caroline Fourest le dit…
Deuxième vérité : Corbyn est un proche du Hamas et du Hezbollah
« Ceux qu’ils appellent ses amis, des cadres du Hamas et du Hezbollah avec il partage de nombreuses tribunes en expliquant à chaque fois que c’est un plaisir et un honneur. »
Quelles tribunes ? Quand ? Avec qui ? On ne le saura pas non plus. Mais puisqu’on vous dit que si Caroline Fourest le dit, c’est que c’est vrai !
Troisième vérité : Corbyn soutient le terrorisme islamiste
« Il soutient l’association "Cage", financée par des islamistes ou des pro-islamistes pour soutenir les victimes de l’antiterrorisme. Oui vous avez bien entendu, de l’antiterrorisme et non du terrorisme, c’est une question de priorité. »
Au-delà du seul fait que l’antiterrorisme, via notamment son avatar de la « guerre contre le terrorisme » de George Bush junior, mais aussi via les assassinats par drones que commande Barack Obama, a fait effectivement de très nombreuses victimes, il faudrait que la chroniqueuse de France culture étaye un tant soit peu son propos : quels « islamistes » ou « pro-islamistes » ? Quelle définition de ces termes flous, employés partout pour dire tout et son contraire ? Quelle est cette association « Cage » ? Qui la dirige ? Quels sont ses objectifs, ses membres, ses actions ? Bah ! Pas besoin de le savoir : ce sont des IS-LA-MISTES, Caroline Fourest vous dit ! Et si elle le dit… Enfin, vous savez.
Quatrième vérité : Corbyn est un propagandiste éhonté
« Il donne volontiers des interviews à la télévision iranienne et à Russia Today, la chaîne de propagande du régime russe (…). Il la décrit comme la chaîne la plus objective du paysage audiovisuel, ce qui en dit long sur sa vision du monde. »
Donner des interviews à la « télévision iranienne » est donc en soi un acte méritant condamnation. Critiquer les médias iraniens, notamment les médias officiels ? C’est évidemment le droit de tout un chacun. Mais cela mérite sans doute d’aller plus loin que « La télévision iranienne, c’est le mal ». Même si le mal, elle ne l’apprécie pas tellement, Caroline Fourest.
Quant à Russia Today, s’il est incontestable que la propagande russe s’affiche aussi à la télévision, affirmer que Corbyn est un soutien au terrorisme-négationnisme-antisémitisme, sans preuve aucune, est un drôle de moyen de donner des leçons de journalisme…
Cinquième et dernière vérité : Corbyn est un anti-américain primaire
« Corbyn est un pur produit de cette gauche radicale flirtant volontiers avec les pires extrémistes de la planète par anti-américanisme primaire. »
La voilà, l’explication : Corbyn est contre les États-Unis, primairement, bêtement, sans réfléchir ! Forcément, Corbyn est donc soutien du terrorisme, Corbyn est contre la liberté d’expression, Corbyn est contre la liberté tout court, d’ailleurs ! Heureusement, Caroline Fourest avertit son public : « tant que la gauche radicale européenne ne saura pas proposer d’alternative économique sans se défaire de (…) cette indulgence envers les dictateurs, elle n’aura (…) aucune chance de se salir les mains. Elle n’attirera pas la gauche qui sait douter. »
Et Caroline Fourest ne manque jamais de le montrer : elle sait douter ! Sauf d’elle-même...
Soyons clair : Caroline Fourest a le droit de penser ce qu’elle veut, y compris de soupçonner Jeremy Corbyn d’accointances avec le terrorisme. En revanche, qu’elle avance des accusations sur un personnage public sans aucune preuve, sur une antenne de radio, est un problème journalistique réel. Rappelons d’ailleurs qu’en matière de mensonges médiatiques, Caroline Fourest n’en est pas à son coup d’essai et s’est encore récemment distinguée par un mensonge éhonté sur le plateau de Laurent Ruquier.
Enfin, voire même surtout, France Culture est aussi responsable : qu’une radio de service public continue d’accueillir sans broncher la chronique de Mme Fourest malgré les nombreuses fois où elle a été prise en flagrant délit de désinformation, y compris par le CSA qui l’a épinglée suite à une chronique mensongère sur l’Ukraine, pose sérieusement question.
Qu’on se rassure cependant : il semble que cette représentante du panthéon intellectuel français ne doive rendre de comptes à personne.
Benjamin Lagues