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France 3 : l’appel au secours d’une rédaction

Nous publions un texte adopté le 26 janvier par une assemblée générale des personnels journalistes, techniciens et administratifs de la rédaction nationale de France 3 (Acrimed).

Un immense sentiment de honte, c’est ce qu’a éprouvé la rédaction nationale de France 3, le 7 janvier 2015. Une heure après l’attentat contre Charlie Hebdo, l’édition nationale de la mi-journée faisait ses titres sur l’ouverture des soldes et les bains de mer en hiver.

Les téléspectateurs réagissent aussitôt, scandalisés : « Comment pouvez-vous avoir relégué au second plan dans votre journal une information aussi importante et dramatique ? », écrit un téléspectateur. « Comment peut-on continuer de débiter des banalités sachant que des confrères se font massacrer ? Les infos deviennent une entreprise d’abrutissement collectif », poursuit un autre. « C’est fini je ne vous regarde plus. J’ai honte ! », conclut un troisième.


La mort de la rédaction nationale de France 3

Un crash éditorial qui révolte toute une rédaction, mais aussi toute une chaîne : France 3, la chaîne des régions. Mais cela ne suffisait pas. Dans les jours qui ont suivi, nous avons vu une chaîne du service public en écraser une autre. France 2 prenait l’antenne en continu, réquisitionnant tous les moyens techniques, désormais mutualisés, entravant ainsi le travail des équipes de France 3 sur le terrain. Et alors que les citoyens se rassemblaient par millions dans toute la France et que toutes nos stations régionales se mobilisaient, leur chaîne continuait à diffuser jeux et séries !

Ce faisant, la direction de France Télévisions a dévoilé ses véritables intentions et objectifs pour l’avenir. Son projet « Info 2015 » de fusion des rédactions nationales de France 2 et France 3 signe purement et simplement la mort de la rédaction nationale de France 3. Une mort par asphyxie qui a commencé il y a quatre ans lorsque le directeur de l’information, Thierry Thuillier, a décidé de confiner l’information sur la Trois à la « proximité ». Comprendre : le franchouillard, les faits divers et les catastrophes, pour laisser à France 2 l’international, la politique, l’économie. C’est ainsi que des pans entiers de notre travail ont été abandonnés : comme le suivi des quartiers défavorisés et les reportages à l’étranger, où nous étions pourtant les rares à proposer un autre regard.

C’est un modèle d’information lancé il y a trente ans que l’on assassine. Un modèle qui a su faire ses preuves en associant aux sessions d’information locale et régionale, la dimension nationale et internationale. Une formule qui garde le soutien de ses téléspectateurs.


Un lent et réfléchi travail de sape

L’originalité de France 3, c’est aussi un réseau de rédactions composées de femmes et d’hommes de toutes origines et de tous milieux. Nous sommes souvent en désaccord entre nous et avec notre hiérarchie, nous sommes turbulents, mais nous sommes fiers d’appartenir à cette rédaction de France 3, où la liberté d’expression doit rester notre moteur. Nous avons fait de l’esprit critique notre marque de fabrique avec la volonté d’offrir aux téléspectateurs une autre manière de rendre compte de l’actualité.

Le 7 janvier et les jours qui ont suivi, nous avons délibérément été empêchés de faire notre métier d’informer, parce que le choix a été fait de confier la couverture d’un événement majeur à une seule chaîne, France 2. Forts de notre identité, ancrée dans les régions, nous n’aurions certainement pas dit les mêmes choses, ni relaté les faits de la même manière.

Cette faillite éditoriale est le résultat d’un lent et réfléchi travail de sape. Depuis quatre ans, la rédaction nationale de France 3 subit humiliations, déclassement et déprofessionnalisation, sur fond de révolution numérique gérée de façon calamiteuse. En région, on ferme des éditions locales, les bureaux régionaux sont exsangues… Nous disons assez, stop ! Avec France 2, nos confrères et collègues, nous disons oui au partage de certains moyens techniques, dans un souci d’économies, mais nous clamons : non au pillage.

Si nous ne réagissons pas et si les téléspectateurs-citoyens ne nous viennent pas en aide pour sauver France 3, c’est à la fois la pluralité et le pluralisme de l’information à la télévision publique qui vont s’éteindre. France 3 doit vivre, c’est pourquoi nous lançons ce SOS !

Les personnels journalistes, techniciens et administratifs de la rédaction nationale de France 3

Texte voté à l’unanimité le 26 janvier en assemblée générale.

 
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