Dans ce court article daté du 10 août, Christophe Alix, journaliste à Libération, « analyse » l’augmentation de la concentration dans le domaine des télécommunications en Italie, où le nombre d’opérateurs est passé de 4 à 3 après la fusion des maisons mères de deux des opérateurs. Pour comprendre le point de vue du journaliste sur cette fusion, il est utile de rappeler que Patrick Drahi, propriétaire du groupe Altice détenant Libération (entres autres médias) ainsi que SFR-Numéricable, a vu son offre de rachat refusée par Bouygues il y a quelques semaines seulement. En d’autres termes, le passage de 4 à 3 opérateurs télécoms en France est un objectif récent du patron de Christophe Alix au moment où il rédige cet article.
Peut-être cela a-t-il influencé le journaliste ? C’est du moins une question légitime à la lecture de cet article. Dès la deuxième phrase, le regard porté sur ces concentration semble nettement favorable : « Alors que la France reste bloquée à quatre opérateurs après l’échec de la tentative de rachat de Bouygues Telecom par Numericable-SFR, l’Italie rejoint le club des pays européens à trois opérateurs […] » [1]. Ce regret du « blocage » français est justifié plus loin, dans la prose inimitable d’un journaliste cherchant à défendre un point de vue à l’aide de faits qui le contredisent : « A l’instar de l’Autriche, où les prix ont légèrement augmenté, le passage de quatre à trois opérateurs se traduit généralement par une stabilisation des prix, ce qui permet aux opérateurs d’augmenter leurs marges. » Autrement dit : la concentration permet d’augmenter les marges des opérateurs, avec des prix stables, sauf quand ils augmentent. Le journaliste regretterait-il que nos opérateurs télécoms français ne puissent augmenter leurs marges en fusionnant ? Étant entendu, bien évidemment, que les profits dégagés sont destinés à « accélérer l’innovation et l’investissement », dixit Jean-Yves Charlier, patron d’un des opérateurs italiens fusionnant. Est-ce que les salarié.e.s ont un point de vue différent, éventuellement défendu par leur représentant.e syndical.e ? Est-ce qu’un.e élu.e italien.ne aurait quelque chose à redire à cette évolution d’un marché central de l’économie ? Nous ne le saurons pas : outre Christophe Alix, Jean-Yves Charlier est la seule personne à s’exprimer sur ce sujet dans Libération. Quant aux méthodes permettant cette augmentation des marges, l’ancien directeur du service économie se contente d’évoquer des « synergies ».
Est-il question de licenciements, ou bien de méthodes comparables à celles que Patrick Drahi applique à SFR depuis son rachat, avec des procédés « rugueux » voire « violents » visant à baisser les dépenses [2] ? Pour finir, Christophe Alix relate les dires de « certains observateurs » constatant (à regret ?) que la « structure capitalistique [des télécoms français] rende beaucoup plus compliquées les fusions d’opérateurs dans l’Hexagone ». Voilà qui devrait convenir à Patrick Drahi, que Christophe Alix appelle « as de la finance », sans préciser qu’il possède le journal dans lequel il écrit : il n’y a pas de mal à faire du bien à son patron.
Martin Coutellier