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La dissidente Pascale Clark hébergée par Le « Petit Journal », refuge de tous les rebelles

par Denis Souchon, Henri Maler,

Mais pourquoi diable l’animatrice de France Inter, Pascale Clark, a-t-elle été accueillie par Yann Barthès, dans Le « Petit Journal » de Canal+, le mardi 17 mars 2015 ? Pour afficher sa solidarité avec les salariés de Radio France qui avaient déjà annoncé la grève qu’ils poursuivent depuis le 19 mars ? Pour dire son opposition aux projets du PDG, Mathieu Gallet ? Pour crier son indignation face aux dépenses somptuaires d’aménagement du bureau de Mathieu Gallet ? Pour s’insurger contre l’abus des CDD et des statuts d’intermittents du spectacle par la direction de Radio France ? Non : Pascale Clark poursuit sa croisade en faveur de Clark Pascale et diffuse sa plate-forme revendicative.

On aurait pu croire que la farce en deux actes interprétée par Pascale Clark et Patrick Cohen sur l’antenne de France Inter (et savourée ici même) serait sans lendemain et que la privatisation de l’antenne de France Inter à des fins thérapeutiques (soigner la petite blessure narcissique ressentie par Pascale Clark suite au non-renouvellement de sa carte de presse en 2015) avait achevé le traitement. On aurait pu penser que la marée de critiques, ironiques ou exaspérées, suscitées par l’exhibition de la solidarité éditocratique entre deux comédiens de la rebellitude mettrait un terme au spectacle. C’était mal mesurer l’importance de l’enjeu !

Le mardi 17 mars 2015, Pascale Clark, aveugle à son propre aveuglement, s’est à nouveau épanchée sur le non-renouvellement de sa carte de presse dans Le « Petit Journal » de Canal+ (La transcription intégrale vous est offerte en « Annexe »).


Pascale Clark est la bienvenue

Après avoir résumé la farce en deux actes, Yann Barthès accueille Pascale Clark… qui n’est pas en terre inconnue puisque – précision omise lors de l’émission – elle a travaillé pour Canal + de 2001 à 2008 et qu’elle ne pourra pas cacher son émotion quelque temps plus tard en découvrant que l’un des journalistes qui travaille pour l’émission, Romain Hary, a la carte de presse, avec ce cri du cœur : « Ah Romain il l’a [la carte de presse] ! ».

Mais revenons à l’accueil de la (fausse) rebelle chez les (faux) rebelles : un accueil d’autant plus chaleureux que… la carte de presse a aussi été refusée à quelques collaborateurs du « Petit Journal » en 2012.

- Yann Barthès : « Bienvenue sur le plateau du Petit Journal. Alors vous savez ce qu’on va dire, les gens vont dire Clark chez Barthès, Inter chez Canal, les-bobos-journaleux-de-gauche-corporatistes-se-serrent-les coudes. C’est ça qu’on fait ? »
- Pascale Clark : « Ben oui ! Non ! Pas du tout. »

Rien de tel pour tenter de désamorcer des critiques légitimes que d’en construire une version superficielle et d’en proposer une caricature. Hélas pour Yann Barthès (et pour Pascale Clark) cette tentative de cadrage n’est jamais qu’une visible dénégation impuissante - « Ben oui ! Non » - qui a valeur d’aveu (comme l’a relevé Anne-Sophie Jacques d’Arrêt sur images).

Pascale Clark : « Ben oui ! Non ! Pas du tout. Non, non, c’est quelque chose d’important et qui concerne tout le monde. Enfin tous ceux qui ont ou qui espèrent avoir la carte de presse. »


Pascale Clark se rebelle

Mais avant d’apprendre ce qu’il en est de ce « quelque chose d’important », il nous faut d’abord apprendre en quoi Pascale Clark est importante. Ce qui nous vaut un rappel du fatal accident qui a provoqué la grave blessure dont Pascale Clark n’est toujours pas remise. Et à l’occasion de ce rappel, une nouvelle fois, un mensonge par omission et un éloge de la soumission.

- Yann Barthès : « Vous avez reçu une lettre »
- Pascale Clark : «  Voilà, j’ai reçu un recommandé. C’est impressionnant un recommandé, c’est une mauvaise nouvelle généralement. Donc voilà, refus de la carte de presse cette année pour deux raisons : un, "A’live" n’est pas une émission d’information […] Et deux, je suis intermittente. Oui c’est vrai, comme depuis douze ans. Comme quand je faisais la revue de presse, le 7h50, donc ça, ça n’a pas changé. »
- Yann Barthès : « Justement, les gens ne comprennent pas que l’on puisse être journaliste et intermittent. »

Mensonge par omission.

Pascale Clark omet de préciser qu’elle est intermittente du spectacle. Omission qui, faite aussi par Yann Barthès, ne sera jamais – volontairement ou pas - corrigée pendant tout le reste de l’émission. Or, contrairement à ce que laisse entendre l’affirmation qui suit « intermittent du spectacle » est bel et bien un statut.

Pascale Clark : « On est journaliste, ça c’est un statut, et on est intermittent parce que c’est le sort de tous ceux qui ne font pas partie de la rédaction à France Inter. A mon corps défendant je le précise, hein, je n’ai jamais voulu ça, mais il n’y a pas d’autre solution. »

Éloge de la soumission.

Qu’individuellement Pascale Clark n’ait pas eu le choix, nous voulons bien le croire. Mais, à supposer que Pascale Clark s’intéresse à d’autres sorts que le sien, elle devrait savoir qu’il existe bel et bien une « autre solution », à savoir obtenir collectivement un statut de permanent de la part du seul responsable : l’employeur qui use et abuse du statut d’intermittent et autres contrats précaires (comme le lui rappelait le SNJ-CGT le 16 mars 2015 dans la lettre ouverte adressée à notre rebelle de pacotille, publiée ici même).

Mais pour entendre le « quelque chose d’important et qui concerne tout le monde », il faut encore attendre que Pascale Clark explique longuement qu’elle a toujours eu sa carte de presse, avant qu’elle nous offre, soudain, une fulgurante montée en généralité :

« C’est une question d’identité, c’est une question d’histoire, j’ai toujours été journaliste, j’ai fait une école de journalisme. Et surtout c’est une question de transparence. Qui sont ces gens qui décident d’un seul coup que vous n’êtes plus journaliste alors que visiblement pour Closer ça ne pose aucun problème ? »

Stupéfaction ! Une journaliste aussi curieuse que Pascale Clark ne se s’est jamais interrogée sur les conditions d’attribution de la carte de presse pendant les trente ans au cours desquels cette carte lui a été attribuée et ne commence à le faire que lorsque son « identité » est menacée. L’aurait-elle fait, elle aurait appris « qui sont ces gens » (en consultant par exemple le site de la commission de la carte) : les membres d’une commission paritaire, composée pour une moitié par des employeurs et pour l’autre moitié par des représentants des journalistes élus sur des listes présentées par les syndicats de journalistes). Mais Pascale Clark n’a vraisemblablement jamais entendu parler de ces élections.

Consternation ! En ajustant sa pique contre les journalistes façon Closer, Pascale Clark semble croire que la carte est une prime à la qualité du travail accompli. Ce n’est évidemment pas le cas ! Nous n’irons pas jusqu’à dire, à la manière de Pascale Clark, qu’« il n’y a pas d’autre solution ». Mais encore faut-il savoir de quoi on parle…

Dernière déploration, première revendication :
- Pascale Clark : « Donc voilà, on ne peut pas leur parler, ils ne publient pas la liste des gens qui obtiennent leur carte de presse. »
- Yann Barthès : « C’est ça que vous réclamez aujourd’hui ? »
- Pascale Clark : « Je réclame ça, je réclame la publication de tous ceux qui ont obtenu la carte de presse en 2015. Y a pas de problème a priori, sinon il y a des choses à cacher, c’est... c’est autre chose. »

Et si au lieu d’en appeler à un improbable Snowden, Pascale Clark commençait par s’informer et à informer sur ce qui peut être connu de tous ? Nous reviendrons sur sa plate-forme revendicative, puisque Pascale Clark y reviendra elle-même !


Le « Petit Journal » « enquête »

« Alors à quoi sert cette carte de presse ? » Pour répondre à cette question qu’il pose lui-même, Yann Barthès donne trois exemples de cas où la carte de presse est indispensable : entrée à l’Élysée, accréditation auprès du Président de la République, enquête à l’étranger. Et conclut : « Donc la carte de presse n’est pas obligatoire mais elle est essentielle dans certains cas », avant de demander à Pascale Clark : « Est-elle essentielle pour le vôtre ? » Réponse de l’intéressée : « Pas plus, pas moins qu’avant. Pas plus, pas moins que depuis trente ans. » Il est vrai que les trois exemples donnés par Yann Barthès ne correspondent à aucune des pratiques actuelles de la productrice/animatrice Pascale Clark. On se demande donc toujours pourquoi celle-ci aurait besoin d’une carte de presse pour passer les plats dans « A’live ».

Il restait aux journalistes du « Petit Journal » à démontrer qu’il était impossible de savoir ce que tout le monde peut savoir et d’alimenter les soupçons de dissimulation, en mettant en scène le refus des membres de la commission de la carte de les recevoir. Or, au détour d’une phrase on apprend que « Pour justifier leur refus ils [des membres de la commission de la carte] ont aussi évoqué le précédent qui existe entre eux et nous, Le "Petit Journal". » Et Yann Barthès, pudique, n’ose pas dire ce que nous avons déjà évoqué : qu’en 2012 la commission de la carte de presse avait refusé d’attribuer ladite carte à six membres du « Petit Journal » [1]. On comprend mieux maintenant pourquoi Yann Barthès, en plus d’un réflexe de solidarité éditocratique, se sent autant concerné par la tragédie vécue par Pascale Clark. Se voulant ironique, il ponctue : « Oui, on a eu deux trois problèmes. »

Suit alors une nouvelle mise en scène : la découverte par Romain Hary des réductions que permet d’obtenir la carte de presse dans l’automobile, l’électroménager ou à Disneyland. Ce qu’il nous apprend pourrait présenter un intérêt. Mais c’est en dehors de notre sujet.

Après quoi il est temps de revenir à … Pascale Clark.


Pascale Clark revendique

La scène commence par une mise en cause de la Présidente de la commission, madame Wautelet (dont le visage est montré à l’écran). Celle-ci est implicitement disqualifiée parce qu’elle n’est pas journaliste (alors que la commission comprend des représentants des employeurs) et le nom déformé par Pascale Clark. Puis Yann Barthès, au meilleur de sa forme de Monsieur Loyal, demande à son « invitée » de s’adresser « face cam’ » (face caméra) à la présidente de la commission de la carte de presse qui n’est pas présente sur le plateau.

Pascale Clark nous donne alors à vivre un moment qui va marquer l’histoire des médias pour longtemps :

«  Chère madame Wautelet que je ne connais pas. Je vous demande deux choses, d’abord vous êtes cordialement invitée à assister à mon émission A’live avec toute la commission puisque visiblement vous ne la connaissez pas. Et deuxièmement, j’aimerais que la commission publie la liste de tous les journalistes qui ont obtenu leur carte de presse en 2015. C’est pas compliqué, vous publiez la liste sinon ben on va croire qu’y a des choses à cacher. »

Des « choses à cacher » ? De là à parler de complot, il n’y a qu’un pas… Et vu la force de persuasion qu’elle dégage à l’écran, on peut se demander si Pascale Clark n’est pas à l’origine des révélations de WikiLeaks, LuxLeaks et SwissLeaks. Le monde des médias attend fébrilement les résultats de cette héroïque réclamation de publication d’informations totalement quelconques, qui, nous pouvons en être certains, ne vaudra pas à Pascale Clark d’être contrainte à l’exil.

Plus sérieusement, on se demande encore ce qu’une telle liste des près de 40 000 noms pourrait révéler : un trafic de fausses cartes de presse ? On pourrait tout au plus savoir officiellement ce que l’on peut savoir d’avance : que la carte de presse est attribuée à des journalistes qui n’en ont que le statut, mais guère les qualités professionnelles ! Alors que tant d’autres… Quant à l’éventuelle publication de cette liste, voir, en suivant la note, l‘état du « débat » d’après « Arrêt sur images » [2].


« Une dernière chose qui n’a rien à voir »

Yann Barthès conclut son interview complaisante de Pascale Clark comme il l’avait commencée, par une dénégation : « Une dernière chose qui n’a rien à voir. Demain dans Le Canard enchaîné on apprend que votre PDG Mathieu Gallet aurait dépensé plus de 100 000 euros pour refaire son bureau. Quelque chose me dit qu’on va en entendre parler demain. Une petite réaction ? »

Il faut vivre dans un tout petit monde comme Yann Barthès pour ne pas voir le lien entre la révélation du Canard enchaîné sur Mathieu Gallet et la croisade de Pascale Clark : la similitude de leurs comportements, ceux de membres capricieux d’une caste convaincue d’avoir tous les droits et notamment celui de considérer la collectivité comme étant à leur service.

Le dialogue désinvolte qui s’ensuit témoigne d’un tel mépris social pour ceux que les dépenses somptuaires indignent (à commencer par les salariés de Radio France) qu’il mérite d’être retranscrit intégralement.

- Pascale Clark : « Ben oui, je vais aller voir parce que ça à l’air beau maintenant » [Rires de Pascale Clark, Yann Barthès et du public qui assiste à l’émission. Applaudissements du public].
- Yann Barthès : « Il paraît qu’il aime pas la moquette aubergine qu’il y avait avant. »
- Pascale Clark : « Pardon ? »
- Yann Barthès : « Il paraît qu’il aime pas la moquette aubergine qu’il y avait avant. »
- Pascale Clark : « Ah c’est possible mais je n’y étais pas allée avant non plus, mais là je vais aller voir franchement. »
- Yann Barthès : « Il est beau le bureau ? »
- Pascale Clark : « Lui il est beau en tout cas Mathieu Gallet. »
- Yann Barthès : « ...le bureau refait ? »
- Pascale Clark : « Je ne le connais pas, je ne le connais pas, je vais y aller. »

Ainsi, Pascale Clark n’est pas choquée que son employeur utilise l’argent public pour son confort. Elle ne fait aucun rapprochement entre cet usage (qu’il soit le commanditaire ou « seulement » le bénéficiaire des travaux) et l’appel de plusieurs syndicats à la grève illimitée à partir de jeudi 19 mars 2015 à Radio France, grève contre « les mesures d’économies décrétées par Gallet et une vilaine charrette (pardon, un plan social) de 300 personnes, au moins en projet » (Christophe Nobili, Le Canard enchaîné, 19 mars 2015).


***



L’attitude du duo Pascale Clark / Patrick Cohen, très représentatifs du petit cercle ouaté des éditocrates, avait suscité dans la plupart des médias et sur les réseaux sociaux des réactions où le rire et l’ironie se mêlaient à l’indignation et aux critiques. Nous pensions, en appliquant le principe de charité, que Pascale Clark tiendrait compte de ces réactions, renoncerait au rôle de marquise des ondes et cesserait de rendre publics ses insignifiants états d’âme. Mais c’était sous-estimer son aptitude à persévérer dans son aveuglement et sa surdité, cette fois-ci en compagnie de Yann Barthès.

« Une dernière chose qui n’a rien à voir », comme disait Yann Barthès. Closer avait « révélé » en 2010 que Pascale Clark est une championne de poker. Et alors ? Alors, rien.

Le lendemain de sa grévette, le blog « Des jetons et des hommes » de L’Express publiait un entretien avec Pascale Clark où elle s’expliquait sur son goût pour le poker. Et alors ? Alors, rien.

C’était notre contribution au journalisme people, c’est-à-dire au journalisme pour rien.

Henri Maler et Denis Souchon



Annexe : la transcription intégrale de la séquence.

 
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Notes

[2Un article d’Anne-Sophie Jacques – « Liste des journalistes publiée ? "Seulement avec leur accord" » nous apprend ceci : « Concernant des données nominatives, la Commission, si elle souhaitait publier cette liste, serait contrainte de demander l’autorisation aux détenteurs de la carte, comme l’explique Marc Rees, journaliste de NextInpact, consulté par @si. Même position de la part de la CCIJP. Sa présidente nous fait savoir que "si tant est que la Commission vienne à considérer un jour que cette publication, sous un format numérique permettant sa régulière mise à jour, présente désormais un intérêt, elle déciderait certainement que la présence d’un journaliste professionnel sur un tel annuaire ne peut se concevoir qu’avec son accord préalable. Nous savons d’ores-et-déjà que, pour d’évidentes raisons de sécurité, des journalistes, opérant sur des théâtres de guerre par exemple, ne le souhaitent pas. Ce document serait donc nécessairement partiel. En aucun cas il n’aurait vocation à désigner les vrais des faux journalistes". Et Wautelet de rappeler que "la CCIJP, par le passé et sur le fondement du volontariat, a publié à quelques reprises un annuaire professionnel. L’expérience n’a pas perduré car la publication était obsolète dès le jour de sa parution et surtout ne répondait à aucun besoin". »

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