L’accaparement des terres en Afrique ou en Asie serait-il devenu un sujet impossible à évoquer sans risquer une longue procédure judiciaire ? Informer sur les mises en cause de la Socfin, une holding luxembourgeoise dont plusieurs entités du groupe Bolloré sont actionnaires, par des organisations internationales et des communautés locales serait-il tabou ? Oui semble-t-il, car le groupe Bolloré a déposé une seconde plainte en diffamation contre notre site d’information.
Le groupe Bolloré a déposé une seconde plainte en diffamation contre le site d’information Basta !. Cette nouvelle plainte nous a été notifiée cet été. Elle vise l’ancien directeur de publication, Julien Lusson, et l’un des journalistes de la rédaction, Simon Gouin, pour un article intitulé « Accaparement de terres : le groupe Bolloré accepte de négocier avec les communautés locales », publié fin octobre 2014.
Le site d’information Bastamag, son ancien directeur de publication et trois journalistes de la rédaction (Nadia Djabali, Ivan du Roy et Agnès Rousseaux), font déjà l’objet d’une procédure en diffamation de la part du groupe Bolloré. Cette procédure vise un article de synthèse sur l’accaparement des terres, publié en octobre 2012 (lire ici). S’appuyant sur des rapports des Nations unies et d’organisations internationales, cet article dressait un état des lieux du mouvement d’accaparement de terres en Afrique, en Amérique latine et en Asie, et des grandes entreprises françaises qui y sont impliquées. C’est à ce titre que Bolloré et la Socfin, une holding luxembourgeoise aux multiples filiales qui gère des plantations d’hévéas et d’huile de palme en Afrique et en Asie, et dont Vincent Bolloré est actionnaire, étaient cités dans l’article.
Cette première plainte en diffamation vise également le site Rue 89 et son directeur de publication, Pierre Haski, pour avoir cité l’article dans sa revue de presse signalant « le meilleur du web ». Le procès se déroulera le 11 février 2016.
L’accaparement des terres serait-il devenu un sujet impossible à évoquer sans risquer une longue procédure judiciaire ? Informer sur les mises en cause de la Socfin, dont plusieurs entités du groupe Bolloré sont actionnaires, par des organisations internationales et des communautés locales serait-il tabou ? C’est ce que laisse croire cette seconde plainte. Le groupe Bolloré avait déjà, par le passé, attaqué en justice plusieurs médias, dont France Inter suite à la diffusion d’un reportage sur ses activités au Cameroun.
Cette seconde plainte contre Bastamag intervient dans un contexte où les pratiques de la Socfin au sein de plantations qu’elle possède, en particulier en Afrique de l’Ouest et en Asie du Sud-est, sont toujours pointées du doigt. Des paysans cambodgiens ont d’ailleurs porté plainte en juillet contre le groupe Bolloré devant le tribunal de Grande instance de Nanterre pour violation des droits de l’homme et du droit de l’environnement.
Les pressions de Bolloré à l’encontre de journalistes sont également au cœur de l’actualité. Le collectif Informer n’est pas un délit, qui regroupe une cinquantaine de journalistes ainsi que l’association Reporters sans frontières, s’interroge sur la censure et la déprogrammation de pas moins de quatre documentaires qui devaient être diffusés par la chaîne Canal+, dont Vincent Bolloré est devenu le principal actionnaire.
Censure au sein des médias qu’il possède, poursuites contre ceux qu’il ne contrôle pas : il semble que Vincent Bolloré, propriétaire d’un des plus gros groupes médias au monde (Vivendi), a une conception très restrictive de la liberté de la presse.
Basta ! conteste cette nouvelle accusation en diffamation et vous tiendra informés des suites de l’affaire. En attendant, pour nous soutenir, c’est ici.
Source : bastamag.net