Le soir du dimanche 26 mars, Shaoyo Liu, père de famille de 56 ans, était abattu à son domicile par un policier dans des circonstances troubles. Depuis, plusieurs manifestations ont été organisées pour réclamer la vérité sur ce drame et dénoncer la brutalité policière.
Dans un article publié hier, Le Parisien révèle le contenu d’une note de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) concernant ce mouvement de protestation. Selon le quotidien, ce dernier serait infiltré par différents acteurs : « réseaux mafieux, agents de Pékin et jeunes révoltés » (cette dernière précision prête à sourire : des manifestations infiltrées par des manifestants ? Original)
Concrètement, la note de la DGSI pointe la présence, dans les manifestations, « d’individus défavorablement connus des services de police ». On trouverait par ailleurs « à la tête du mouvement un proche du Parti communiste chinois et un agent secret ».
Mais la note précise également que le « mouvement de protestation échappe à leur contrôle. En effet, le mouvement rassemble de nombreux jeunes gens, très revendicatifs, et qui ne veulent entendre parler ni des relais de Pékin ni des bandes mafieuses. »
La DGSI reconnaît donc explicitement que le mouvement échappe à un hypothétique contrôle de Pékin et de la mafia. Une nuance qu’on ne retrouvera quasiment pas dans la reprise des révélations du Parisien dans les autres médias.
RTL, par exemple, déduit des informations du Parisien que les « attroupements » qui se sont tenus après la mort de Shaoyo Liu « n’auraient rien de spontané ». La famille de Shaoyo Liu serait « totalement dépossédée du mouvement, laissant place à un rapport de force entre la mafia et L’Empire du Milieu ».
Pour Ouest France, on assiste à « une récupération tactique du mouvement » qui éclipse « une révolte légitime des ressortissants chinois ».
La palme revient à VSD qui laisse entendre que les mobilisations seraient essentiellement le fait des réseaux mafieux.
Certains articles n’éludent pas complètement les précisions du Parisien concernant l’autonomie des jeunes manifestants. Après avoir insisté sur « les réseaux mafieux à la manœuvre » et l’influence de Pékin, Le Monde évoque laconiquement « le désir d’indépendance des manifestants ».
Idem pour Europe 1 après avoir évoqué les « influences mafieuses » et la main de Pékin, précise tout de même que de « jeunes révoltés se seraient émancipés de cette mainmise discrète de la Chine ».
Seul 20 minutes semble avoir eu la présence d’esprit de mettre en balance les révélations de la DGSI. Le quotidien cite les propos de l’avocat de la famille de Shaoyo Liu : « ces accusations servent de contre-feu, elles sont orchestrées pour détourner l’attention du public. Cette note confidentielle permet de faire oublier les accusations de “bavure” en mettant l’accent sur des stéréotypes sur la communauté chinoise ».