Les quinquennats s’enchaînent, et de Sarkozy à Hollande, de Hollande à Macron, la lente asphyxie de l’audiovisuel public se poursuit avec une remarquable continuité.
De quinquennat en quinquennat
En 2008, Sarkozy avait annoncé la suppression totale de la publicité à France Télévisions, avant de la maintenir avant 20 h. Supprimer la publicité ? Excellente nouvelle… à condition qu’existe un financement de substitution. Sinon, sous couvert de défendre la qualité du service public, il s’agit exclusivement d’un cadeau offert aux chaînes privées.
En 2012, à peine François Hollande avait-il commencé son règne que, austérité oblige, les mesures d’économie se sont succédées avec 750 suppressions d’emplois à la clé [2].
En 2015, Delphine Ernotte, à peine élue à la présidence de France Télévisions, propose un « plan stratégique » qui, faisant d’austérité vertu, se résume à des mesures de management qui se traduisent par la recherche d’une fusion et d’une centralisation croissantes des rédactions et la marginalisation progressive de France 3 [3].
En 2016, un nouveau Contrat d’Objectifs et de Moyens (COM) est signé avec l’État. Nouveaux engagements : supprimer 500 emplois supplémentaires à France Télévisons d’ici 2020.
Enfin Emmanuel Macron parut
Et le projet de budget de 2018 prévoit 80 millions d’euros d’économie pour l’ensemble de l’audiovisuel public, dont 50 millions d’euros, pour France Télévisions. Ce qui, selon la CGT pourrait se traduire à France Télévisions par la suppression supplémentaire de 700 postes.
Aucune mesure n’est prévue pour compenser l’aggravation continue du sous-financement de France Télévisions et, plus généralement, de l’ensemble de l’audiovisuel public : ni taxe sur la publicité hors-médias, ni augmentation progressive de la redevance, ni modification de son assiette. La redevance elle-même est de plus en plus contestée par des usagers quand le secteur public a de plus en plus de difficultés à faire valoir ses différences avec le secteur privé.
Dans le même temps les « décrets Tasca » restent en vigueur : ceux-ci contraignent la télévision publique à externaliser une grande partie de sa production et à financer des programmes qui restent la propriété des producteurs privés et dont la télévision publique ne peut tirer aucun bénéfice !
Mais le plus redoutable est encore dans les cartons. L’« objectif 7 » du document intitulé « Culture » présenté avant l’élection présidentielle par le mouvement « En Marche » titrait fièrement : « Protéger l’indépendance éditoriale des médias d’information et conforter les médias de service public ».
L’analyse que nous avions proposé de son contenu [4] reste valide :
Parmi les mesures envisagées, on peut y lire cette inquiétante généralité : « Simplifier la réglementation audiovisuelle en matière de publicité, de financement et de diffusion, pour lever les freins à la croissance de la production et de la diffusion audiovisuelles […] ». Sans doute pour « conforter les médias de service public » en le livrant à une concurrence commerciale sans « freins » avec le secteur privé.
Pis : l’une des mesures suivantes propose de « renforcer le secteur public de l’audiovisuel »... mais aux dépens de ce même secteur ! Comment ? « En concentrant les moyens sur des chaînes moins nombreuses mais pleinement dédiées à leur mission de service public. » Et d’ajouter : « Nous rapprochons (sic) les sociétés audiovisuelles publiques pour une plus grande efficacité et une meilleure adéquation entre le périmètre des chaînes et leurs missions de service public. Leurs conseils d’administration seront plus indépendants et plus ouverts dans sa composition. Ils seront chargés de désigner les dirigeants, après appel public à candidatures. » Des « chaînes moins nombreuses ? » Au micro de Sonia Devillers dans l’émission « L’instant M » du 16 mars, Corinne Erhel [5] récusait pourtant tout projet de privatisation d’une chaîne du secteur public. Elle affirmait par ailleurs vouloir « stabiliser les choses » et établir une « coopération renforcée » entre les différents pôles du secteur public en prenant pour exemple, « excellent » selon elle, la chaîne publique d’information en continu Franceinfo.
D’ores et déjà, la fin des vingt éditions de proximité de France 3 est annoncée pour 2018.
Réduire le périmètre du secteur public pour le recentrer sur des missions indéfinies qu’il devrait remplir avec des moyens en constante diminution : tel est le projet du nouveau gouvernement. Traduction probable : un mélange de « télé pédago » pour faire chic et de « télé démago » pour garantir l’audience à moindre coût. Comment, dans de telles conditions, le secteur public pourrait-il être un service public ou une composante d’un service public de l’information et de la culture ?
Henri Maler
PS. Pour un service public de l’information et de la culture [6]
L’information et la culture sont des biens communs. Ils ne peuvent le rester ou le devenir qu’à condition que l’ensemble de leurs moyens de production et de diffusion fassent l’objet d’une appropriation démocratique qui donne la priorité à des médias sans but lucratif.
Une telle appropriation devrait reposer sur la conjugaison de deux formes de propriété : la propriété publique et la propriété coopérative. L’ensemble de ces mesures pourraient permettre de développer un service public de l’information et de la culture, adossé à deux formes de propriétés ou deux secteurs : le secteur public et le secteur associatif.