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Contre-réformes et mobilisations sociales de 2003

Paris Match : le poids du mépris, le choc des portraits

par Laurent Daguerre,

En un éditorial et deux portraits, Paris Match, hebdomadaire éclairé et éclairant s’il en fut, règle ses comptes aves les "arriérés", résout le problème des retraites et toutes les questions sociales.

Sus aux arriérés et aux croque-morts

Dans l’éditorial du 15 mai 2003 intitulé « Les arriérés de l’arrière-garde » (Paris Match n°2817), Alain Genestar enflamme et embellit la rhétorique de ses confrères du Figaro Magazine ou du Point, selon laquelle la réforme est "évidente" et la gauche conservatrice et bornée.

L’opposition au projet de contre-réforme des retraites est le fait d’une « gauche conservatrice et arriérée qui, mardi (13 mai NDLR) dans un combat d’arrière-garde, défilait pour que rien ne change au détriment des futurs défavorisés. Nos enfants. »

A. Genestar salue en revanche « le courage » de J.P. Raffarin face à « la foule qui défilait contre lui ». Sa réforme est « pragmatique, indispensable et nécessaire ». Loin d’être de droite, explique très sérieusement A. Genestar, elle est « post-idéologique » et même de « gauche », puisqu’elle sauverait la répartition, les droits acquis, valoriserait le travail et l’égalité entre les salariés.

Le « débat » sur les retraites est donc « navrant » pour A. Genestar qui a une conception plus haute de la politique. La politique au sens « noble » (celle que fait le gouvernement) est rabaissée : « les politiques et les chefs syndicalistes qui manifestent en tête des cortèges pour s’opposer à la réforme agissent comme des bonimenteurs de foire (...). Ils sont les croque-morts qui organisent les funérailles et se partagent la quête sur le dos des enfants. »

Rien sur le fond du sujet. Rien sur les arguments des opposants au projet. Les manifestants ne sont évoqués que sous le terme de « foule ». Explicitement accusés de tuer les retraites par égoïsme envers leurs propres enfants, les manifestants sont implicitement traités d’irrationnels imbéciles puisque la réforme du gouvernement est présentée comme la seule possible.

Le « Bon » et la « Brute »

Le même numéro de notre vénérable hebdomadaire (n°2817 du 15 mai 2003) - sous le titre finaud « Les syndicats attaquent sur les retraites » - publie deux portraits : l’un de Blondel, l’autre de Chérèque. Un bien bel exemple de traitement différentiel.

Le portrait de Blondel est titré : « Papy Blondel fait de la résistance ». D’emblée, Marc Blondel est présenté, au sens physique, comme un vieux qui « s’accroche » : à son dernier mandat, à son discours keynésien, à sa réputation de « monsieur no » acquise, paraît-il, lors des grandes grèves de 1995. Il « esquive », « botte en touche », « s’énerve », « sort de ses gonds ». « Avec lui, inutile de rebondir sur l’incidence de la démographie sur les mécanismes de solidarité actifs-retraités, il répond par le grand bluff de Raffarin. » Avec lui, il y a toujours un « mais », explique Delphine Byrka.

C’est à travers ce biais permanent, qui veut que le discours de Blondel soit dépassé et empreint de mauvaise foi, que sont présentés pêle-mêle des arguments de fond avancés par le syndicaliste, sur l’assurance maladie, la précarité, le refus du gouvernement d’augmenter les cotisations, etc ... Blondel est présenté comme un "grand-père terrible", qu’on ne peut pas vraiment prendre au sérieux.

En revanche, François Chérèque, lui, c’est quelqu’un de sérieux. Titre du portrait : « Chérèque le réformiste va de l’avant ». Le ton est bien différent. Lui, Chérèque, c’est un bosseur qui se livre au « bachotage » et s’est « complètement plongé dans ses dossiers ». « Lui, le syndicaliste qui a choisi la voie de la réforme, se pose des questions » (sous-entendu : c’est pas comme d’autres). Il veut « engager de vrais changements pour les salariés ». Il a déjà de l’expérience, mais il n’est pas vieux comme Blondel. « Les politiques, il les connaît. Et il s’en méfie, surtout à gauche ». De Fillon, il loue la « fermeté » mais déplore son « enfermement », parce qu’il ne veut pas de « nouveaux financements » (NDLR : que dit Blondel ?). Il s’entend bien avec Bernard Thibault, mais dit n’avoir « pas de relations » avec Marc Blondel.

Le « Bon » et la « Brute », donc. Mais où est passé le « Truand » ?

 
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