Quand Olivier Costemalle lui demande si elle ne se sent pas " utilisée comme une sorte de caution journalistique " ?, Christine Ockrent répond :
"Pas le moins du monde. Si cela avait été le cas, j’aurais refusé leur proposition. Philippe Tesson et Albert Du Roy, aussi. A travers nos pérégrinations professionnelles, dans la presse ou à la télévision, nous n’avons jamais servi de "caution". Metro International ne s’est pas improvisé éditeur de journaux gratuits. C’est un groupe puissant, coté en Bourse. Ils n’ont pas besoin de "caution " : ce sont de vrais professionnels."
Où l’on apprend par conséquent :
– que Christine Ockrent n’a jamais servi de caution. Et c’est vrai : en toute indépendance, elle a toujours affiché son adhésion volontaire aux pensées et aux forces dominantes.
– que Christine Ockrent a connu des " périginations professionnelles " qui portent témoignage de cette indépendance. C’est indéniable : en toute indépendance, ses aventures et mésaventures professionnelles l’ont souvent mises au service des institutions et des groupes économiques les plus puissants. Le dernier en date : Orange [1].
D’ailleurs, pour preuve de cette indépendance, Christine Ockrent souligne immédiatement et en toute candeur qu’un groupe puissant n’a pas besoin de "caution" : "C’est un groupe puissant, coté en Bourse. Ils n’ont pas besoin de "caution" : ce sont de vrais professionnels."
C’est bien connu seuls les faibles et les amateurs ont besoin de caution : et en plus ils paient très mal, voire pas du tout ! Quel sens civique !
Ils n’ont pas besoin de " caution " mais ils ont besoin de conseillers : "Notre rôle, c’est d’aider Metro à peaufiner son concept, d’apporter la patte et le savoir-faire bien de chez nous que l’on apprécie, mais sans dévier pour autant de la formule qui s’est révélée très efficace dans les vingt villes où il est publié."
Qu’en termes délicieux ces choses-là sont dites : les conseillers " peaufinent le concept ", sans " dévier "... ni " cautionner ".
Se défendant, comme on va le voir, d’être une " caution " du groupe Métro, Christine Ockrent, pour prouver son indépendance, reprend à son compte l’ensemble des arguments commerciaux de son nouvel employeur. Ce n’est pas une " caution "... mais un " porte-parole "...
Sur le conflit entre Métro et le syndicat CGT du Livre, elle proclame que Metro entend respecter les modalités d’impression et de diffusion traditionnels de la presse quotidienne et annonce fièrement, au nom de son groupe :
"(...) à tout moment, il (Métro) est prêt à fonctionner selon les accords conclus et dans le respect de la signature et de la parole données. C’est parfaitement clair."
Sur la question de la gratuité, sans même que la question ne soit soulevée par le journaliste de Libération, Christine Ockrent tient toute prête la réponse officielle du groupe qu’elle " conseille " :
"Et, si la question est celle de la gratuité, alors pourquoi ne pas s’en prendre à la radio, qui est un journal gratuit, gros consommateur de budgets publicitaires ? Pourquoi ne pas s’en prendre à la télévision ?"
Bonne question... Mais qui soulève celle de la publicité.
Sur les journalistes de Métro , lui oppose-t-on que Métro est " un journal sans journalistes, ou presque...", Christine Ockrent apporte non sa " caution ", mais... sa " garantie " :
"Il y a un tronçon (sic) de rédaction d’une dizaine de journalistes, qui va être étoffé. Le journal est fait, et bien fait, à partir de dépêches d’agence. Et c’est tant mieux : l’AFP est une des meilleures agences du monde, après tout."
Une question ne vient pas à l’esprit civique de Christine Ockrent : pourquoi ne pas " peaufiner le concept " d’un quotidien gratuit de l’AFP, financé par exemple par une taxe sur la publicité qui bénéficie indirectement des aides publiques accordées à la presse ?
Enfin et surtout quand Olivier Costemalle évoque l’hypothèse d’une " concurrence déloyale pour la presse payante " , Christine Ockrent affiche son sens civique et celui de ses employeurs :
"La démarche de Metro n’est pas de se substituer aux quotidiens de qualité qu’on peut trouver à Paris ou dans les vingt autres villes du monde où il est publié. C’est un produit de très bonne qualité, mais c’est de l’information brève, ça ne prétend pas à autre chose. C’est une forme de presse complémentaire de la presse de qualité payante à laquelle nous sommes tous attachés, moi la première. Elle s’adresse à des gens qui ne lisent pas ou qui lisent peu, et à qui on donne, je l’espère, le goût et l’envie d’acheter des journaux payants pour assouvir leur curiosité. Je crois qu’elle exerce véritablement un rôle civique."
Pour expliquer ce rôle civique, Christine Ockrent, en réponse à une autre question, souligne :
"Encore une fois, c’est une formule qui convient bien au public visé, qui n’est pas le même que celui de la presse payante. Regardez ce qui se passe à Rome : Metro a réussi à toucher une population qui ne lisait pas de journaux. Et les quotidiens de qualité, La Repubblica ou le Corriere della sera, maintiennent parfaitement leur cap. On vérifie la même chose à Copenhague, à Toronto ou à Montréal. Mon adhésion au projet et au journal est venue de là."