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Elisabeth Badinter contre le féminisme : affaires de pub ?

par Marie Bénilde,

Selon Le Canard enchaîné du 3 décembre 2003, Arte a renoncé à la soirée « féminisme » qu’elle projetait de programmer lundi 8 décembre. « Motif principal : depuis quelques jours, les Chiennes de garde faisaient le siège de la chaîne pour récuser la présence d¹Elisabteh Badinter qui s¹est toujours, et fermement, opposé à leurs thèses », dixit Le Canard. Si on en croit Le Monde radio-télévision de ce week-end, la soirée est finalement programmée mardi 9 décembre. Deux assignations en justice ont été déposées contre un documentaire de Sophie Jeaneau, intitulé « Chiennes d’arrière-garde ? », qui se veut un réquisitoire contre les féministes françaises. Elisabeth Badinter devait participer au débat qui suivait la projection de ce documentaire.

Mais qui est au juste Elisabeth Badinter ? Son dernier livre, Fausse route, dédié à sa fille Judith, est très éclairant sur l’anti-féminisme de cette intellectuelle. Pour elle, les féministes se sont rendu coupables, ces dernières années, de vouloir instaurer « un nouvel ordre moral ». Elisabeth Badinter ne se soucie guère de démêler le féminisme français de ses dérives américaines : elle se sert au contraire de la caricature outre-atlantique pour railler, dans son ensemble, un modèle féministe « obsédé par le procès du sexe masculin et la problématique identitaire ». Elle moque le « thème de l’éternelle oppression masculine » et la « victimisation du genre féminin ». Avant d’assurer : « A souligner sans cesse l’image de la femme opprimée et sans défense contre l’oppresseur héréditaire, on perd tout crédit auprès des jeunes générations » [1].

Reste à déterminer quelle est la véritable « identité » de l’auteure de ces lignes : l’essayiste de XY. De l¹identité masculine ou la présidente du conseil de surveillance de Publicis ?

Fille de Marcel Bleustein Blanchet, fondateur de ce groupe publicitaire dont elle est le premier actionnaire avec 12% du capital, Elisabeth Badiner assume en effet sans barguigner un héritage paternel qui véhicule encore aujourd’hui des représentations sexistes de la femme. Ne doit-on pas à Publicis, en 2002, cette campagne de la marque de soutien-gorge Barbara qui faisait dire à une mannequin dénudée « quand on me dit non j¹enlève mon pull » ou « mon banquier me préfère à découvert » ?

En 2003, l’association féministe La Meute, qui milite contre la publicité sexiste, a également condamné cette affiche de Publicis pour le fabriquant de soupe Maggi qui vantait le produit Irresistibol avec le slogan : « A quoi rêve les blondes ? Irresistibol, au moins 7 minutes d¹intelligence par jour ». En tant que présidente du conseil de surveillance de Publicis, Elisabeth Badinter est la garante morale du quatrième groupe mondial de publicité. Environ trois fois par semaine, elle se rend dans le bureau inchangé de son père, au siège de Publicis, où elle peut côtoyer ses deux fils Simon et Benjamin, qui président les filiales Médias et Régies Europe (qui commercialise les annonces publicitaires dans la presse) et Médiavision, son équivalent au cinéma. Ces derniers sont avec Judith, les deux autres actionnaires de la Somarel, la holding de contrôle familiale de Publicis. L’oppression héréditaire est plus donc qu’une réalité chez la fille de garde Elisabeth Badinter.

Marie Bénilde

 
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Notes

[1Elisabeth Badinter, Fausse Route, éd. Odile Jacob, avril 2003

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