En janvier 2002, l’écrivain et enseignant Pierre Jourde publiait La littérature sans estomac (ed. L’Esprit des Péninsules) [1] [2], dénonçant la médiocrité littéraire de l’ " œuvre " d’un certain nombre d’ " écrivains " à la mode (Angot, Darrieussecq, Beigbeder...), et, par contrecoup, l’incroyable complaisance d’une partie de la critique. Dans la ligne de mire, entre autres : Josyane Savigneau, rédactrice en chef du Monde des livres, et Philippe Sollers, qui y a colonnes ouvertes.
On ne s’en prend pas impunément aux chiens de garde de la critique littéraire : la polémique enfle, y compris sur le plan judiciaire [3]. L’éditeur de Jourde, Eric Naulleau, au cours d’un déjeuner avec Josyane Savigneau, Patrick Kéchichian et Jean-Luc Douin, s’entend asséner par la patronne du Monde des livres : " Dites bien à ce crétin des Alpes que si je le croise un jour, je lui mets d’emblée mon pied dans les couilles ". La suite des propos va crescendo. Dans un article du magazine Chronic’art intitulé " Le crétinisme alpin ", Jourde répond notamment : " Il faut reconnaître à Josyane Savigneau une qualité rare : elle sait tirer le maximum des capacités intellectuelles dont elle dispose " [4]...
Eric Naulleau fera la chronique de ces gracieusetés dans Petit déjeuner chez Tyrannie (ed. La Fosse aux ours, voir Lire, février 2003).
On en était là quand, fin 2003, Pierre Jourde publie un roman, Pays perdu (ed. L’Esprit des péninsules). Une occasion rêvée pour Josyane Savigneau de tenter de régler ses comptes avec l’auteur de La littérature sans estomac. Pour ne pas accorder à cet insolent une place excessive, elle déversera son fiel dans un modeste encadré intitulé " Aparté ", lequel commence quand même à la Une du Monde des livres (12/12/03), mais sur une colonne d’une trentaine de lignes [5].
" Après quatre tentatives peu remarquées
(par qui ?)
- à côté d’essais universitaires - il récidive, à 48 ans
(quel est l’âge de Josyane Savigneau ?)
, avec un roman au titre séduisant, Pays perdu. "
Dans le paragraphe suivant, Mme Savigneau exécute le style de Jourde à partir de deux extraits, l’un de deux phrases, l’autre de six mots, d’un livre de 168 pages.
Le reste est allusif, et donc réservé aux "happy few" :
" Contrairement à Jourde dans son essai-pamphlet, on ne prétend pas ici être une instance de légitimation absolue
(une prétention plus aisée à exercer quand on dirige un supplément du Monde paraissant chaque semaine qu’en publiant un unique livre...)
, mais seulement dire ce qu’on a lu et comment on l’a lu
(c’est précisément ce que Jourde a fait dans La littérature sans estomac).
Et préciser que les opinions sont multiples, qu’il se trouve des lecteurs et des critiques pour apprécier cette prose.
(Pourquoi donc La littérature sans estomac a-t-elle suscité un tel tir de barrage ?)
(...) Un jury où figurent des écrivains - on taira leur nom de peur de les faire passer pour sourds, ou pour convaincus que " la terre, elle, ne ment pas "...- vient d’attribuer à Pays perdu le deuxième prix GénérationS, créé par Françoise de Panafieu, maire du 17e arrondissement de Paris et député (UMP) (...) "
Il ne suffisait pas que le livre de Pierre Jourde ait été consacré par le " jury " d’un " prix " créé par une " député UMP " (UMP à l’égard de laquelle Le Monde ne manifeste quotidiennement aucune complaisance...). Plus grave : les membres de ce jury ont éprouvé un coupable intérêt pour un livre qui traite du " monde paysan ", celui d’un " hameau, dans une montagne aux hivers rudes ".
Or, il y a soixante ans, Pétain a déclaré que " la terre, elle, ne ment pas ".
CQFD : ces gens sont pétainistes, et Jourde avec !
Emballez, c’est pesé !