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"Brusini puni pour insolence ou promu pour excellence ?" (Libération)

Un article de Libération (21 nov. 2003)

Hervé Brusini est formel : " Il n’y a pas d’odeur de naphtaline dans mon dossier ", a-t-il affirmé hier à Libération après l’annonce de son départ de la rédaction nationale de France 3 pour devenir " directeur délégué à l’information ". Quelques heures plus tard, alors que son successeur, Ulysse Gosset, de TF1, se présentait à ses futures troupes, Brusini, un habitué de la rodomontade, a lancé : " Le premier qui me dit que je suis au placard, je lui mets mon poing sur la gueule. " Rires dans l’assistance. Qui n’a pourtant qu’une question sur les lèvres : Brusini est-il promu ou enfermé dans un placard à gêneurs ?

" Politique ". Pour Sylvain Lequesne, président de la Société des journalistes de France 3, " Brusini n’a pas été blackboulé pour des raisons politiques, mais la rédaction s’interroge. " Joy Banerjee, journaliste et représentant SNJ-CGT de France 3, est plus direct : " Je ne peux pas m’empêcher de penser que son départ est politique. TF1 et France 2 portent sans retenue la parole du gouvernement alors que la rédaction nationale de France 3 est dans le collimateur de l’actuelle majorité. " Brusini, lauréat du prix Albert Londres en 1991, paierait en effet quelques-unes de ses insolences. Cet été, en pleine canicule, Matignon a tenté en vain de censurer les images d’un journaliste de France 3 questionnant Jean-Pierre Raffarin sur sa gestion de la crise alors que celui-ci refusait de répondre ( [1]). Parmi les autres griefs retenus contre Brusini, l’Elysée n’a pas du tout apprécié la diffusion en 2000 sur France 3 de la cassette Méry, le collecteur de fonds du RPR. Pour autant, après plus de trois ans à la rédaction nationale qui, confie un proche, l’ont épuisé, Brusini n’est pas jeté à rue. Son nouveau poste de " directeur délégué à l’information " équivaut à celui d’Olivier Mazerolle sur France 2 mais n’existait pas à France 3. Sauf que Mazerolle dirige une rédaction tandis que Brusini ne sera qu’un coordinateur chargé de faire le lien entre les 130 journaux diffusés chaque jour par les treize antennes régionales de France 3. " C’est un job d’enfer, que les rédactions réclamaient depuis des années ", veut croire Brusini. D’autres, comme la Société des journalistes, sont plus circonspects : " Sur le papier, c’est merveilleux, mais on va attendre de voir si ce n’est pas plutôt un placard. "

Déficit. La politique n’est pas tout. Pour un cadre de la chaîne, " ce sont aussi les financiers qui ont eu la peau de Brusini, il est beaucoup plus journaliste que gestionnaire... " La rédaction nationale est en effet dans le rouge : plus de deux millions d’euros, sur un budget avoisinant les 45 millions. Un déficit dû pour beaucoup à la couverture de la guerre en Irak et à la requalification en CDI d’une trentaine de journalistes en CDD. Résultat, explique un journaliste, " depuis un mois, il n’y a plus de pognon pour faire des reportages ". Un seul reporter a été dépêché le week-end dernier à Saint-Nazaire et il n’y a plus d’envoyé spécial en Irak depuis la fin juillet ( [2]). Son successeur, le barbu Ulysse Gosset, devra faire avec les moyens du bord, cependant son arrivée n’inquiète pas la rédaction : " C’est un journaliste avec un grand J. " Son profil d’ancien correspondant de TF1 à Moscou puis à Washington plaide pour lui. " Contrairement à ce que nous craignions, indique un journaliste, on ne nomme pas un directeur de rédaction de droite, chargé de nous mettre au pas. " La véritable inquiétude vient d’ailleurs. Pour un administrateur de France Télévisions, " le départ de Brusini va être suivi par un grand mouvement de chaises musicales des directeurs régionaux et là, à quelques mois des élections régionales, c’est clairement politique. "

Raphaël GARRIGOS 

 
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Notes

[1Lire "Raffarin rêve de médias policés" (note d’Acrimed).

[2Voir notre rubrique L’Irak et la guerre américaine (note d’Acrimed).

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