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Télévision privée : cachez ce salaire que je ne saurais voir

Vincent, un correspondant d’Acrimed, nous a transmis un éloquent échange de courriels [1] avec le Service Accueil d’une chaîne de télévision, au sujet du salaire de l’un de ses journalistes.

Au service Téléspectateurs d’une chaîne de télévision.

De : Vincent
Envoyé : vendredi 16 janvier 2004 21:50
À : TELESPECTATEURS, -
Objet : Mes hommages à M. DDP

Bonjour,

Pouvez-vous confirmer les revenus de DDP : « 45 700 euros brut par mois rien qu’en salaire » (source : www.acrimed.org, article 1136 [2]) !

Je suis à votre disposition pour vous aider à diviser par 6,55957 ce salaire [3], ce qui permettra à notre (cher) DDP de partir en retraite les poches pleines, de renouveler (enfin) votre vitrine et de concourir à l’embauche de jeunes talents journalistiques qui, j’en suis sûr, ne manquent pas.

Ou alors, il faut m’expliquer ce que cet homme, certes plein de talent, a de plus que les autres pour mériter un tel salaire, ou plutôt, ce que la plupart des autres n’ont pas pour ne pas mériter le dixième de ses revenus ?

Je serais honoré d’une réponse de l’intéressé, mais je ne me fais pas beaucoup d’illusions : il n’y a rien à gagner, et ce n’est pas mon salaire à 2000 euros qui va vous impressionner.

Cette "chaîne de télévision contrôlée par un industriel français du béton et du téléphone portable", et ses téléspectateurs, ne vivent plus depuis longtemps dans le même monde.

Cordialement
Vincent

La réponse du Service Accueil des Téléspectateurs.

De : Une "chaîne de télévision contrôlée par un industriel français du béton et du téléphone portable"
Envoyé : samedi 17 janvier 2004 16:44
À : Vincent
Objet : RE : Mes hommages à M. DDP

Bonjour,

Nous sommes stupéfaits par le contenu de votre message. Et bien que nous ne soyons ni en mesure de vous confirmer ni d’infirmer le montant des revenus de monsieur DDP, et quand bien même, même si nous avions l’information, nous ne la communiquerions pas, nous pensons que vous outrepassez votre bienséance en souhaitant polémiquer de la sorte. [4]

Que les informations proférées sur le site que vous nous citez soient réelles ou non, nous prenons la liberté de ne pas faire suivre à monsieur DDP ni de nous renseigner pour obtenir une réponse ; et nous vous invitons à manifester votre mécontentement relatif en des différences de salaires incommensurables entre citoyens français, (et il en existe de
bien pires que celles que vous nous citez) , en allant exercer votre devoir de citoyen, à savoir, en allant voter lors d’élections ou de référendum, afin que la situation, si elle ne vous plaît pas ou si vous ne la supportez pas, change !

Cordialement,
Service Accueil des Téléspectateurs

Quel accueil !


Commentaires adressés à Acrimed :

From : "Vincent"
To : "acrimed@wanadoo.fr"
Sent : Saturday, January 17, 2004 8:35 PM
Subject : TR : Mes hommages à M. DDP

Bonjour

Voici une correspondance que j’ai eue avec sur votre information au sujet du salaire de DDP.

Je n’ai rien contre ce brave homme en particulier qui exerce avec le talent que l’on sait.

Je me doute bien qu’il ne s’agit pas du plus gros salaire de France, mais le sujet, même si je l’ai abordé avec humour et dérision, ne fait visiblement pas rigoler.

Ce qui est moins rigolo, c’est que, pendant que les rois de l’audimat trouvent normal de ne pas connaître au SMIC près le montant de leurs revenus, de plus en plus de gens triment pour avoir le bonheur d’en gagner un, de SMIC.

La conscience humaine ne dépend pas seulement des pouvoirs publics ; je croyais que les entreprises privées avaient, elles aussi, leur rôle à jouer dans la société (?)

Ne peut-on pas considérer que la dignité humaine ne peut s’accommoder du droit des uns à gagner des fortunes alors que, dans la même société, d’autres ne peuvent plus survivre ? Le pouvoir n’est-il pas davantage entre les mains des sociétés privées que dans les mains du politique ?

Entre une société entièrement réglementée par des lois et des décrets et une société d’individus responsables, il faut choisir. Lorsqu’il s’agit de prélever des impôts, souhaite alléger le pouvoir de l’Etat. Lorsqu’il s’agit de répondre à des questions embarrassantes, on recourt à l’Etat. L’Etat est là pour tout ce qui n’est pas rentable, pour donner une bonne conscience, pour se décharger de ses responsabilités. Mais il doit s’effacer lorsqu’il s’agit de partager les richesses, afin que ces dernières ne profitent qu’à ceux qui savent se les approprier.

Dommage que le dialogue trouve si rapidement ses limites...

Vincent

 
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Notes

[1Que nous publions avec son accord

[2L’information, non démentie, a pour origine un article du Point du 25 janvier 2002 (note d’Acrimed)

[3Ou de choisir un autre diviseur, pour peu qu’il reste « raisonnable », sans doute ! (note d’Acrimed)

[4Souligné par Acrimed

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