Un autre Arnaud, le fils Lagardère, (numéro « un » du groupe et associé à 42 % dans le capital de Marie-Claire) s’est empressé de déclarer, selon CIC Securities, que « conformément à sa volonté de se recentrer dans les médias, il souhaitait se renforcer dans les groupes où il était minoritaire » (La Tribune, 5 fév. 2004). Selon Le Figaro du 6 février 2004, il aurait évoqué notamment le groupe Marie-Claire : « Toute évolution capitalistique dépendra des intentions de la famille Prouvost. »
Dans le contexte particulièrement survolté de la presse féminine (plus de 69 nouveaux titres en cinq ans, « consumers féminins » compris, selon Emap Média, sur fond de baisse quasi générale de diffusion des grands titres : - 22,73% en six ans pour Femme Actuelle, - 39,39% pour Prima, - 10, 59% pour Vingt ans ... selon « Stratégie on line » (lien périmé, janvier 2011)), le groupe Marie-Claire est et demeure une proie de choix.
Pourtant, face au géant Hachette-Filipacchi-Médias (HFM), premier éditeur de presse magazine au monde, (238 titres dont Elle, dans 36 pays et un CA de 2,2 milliards d’euros) le groupe Marie-Claire France, avec un CA estimé à 152 millions d’euros et seulement huit titres (neuf avec le dernier né, Mod’s, lancé le 10 février 2004), pourrait sembler assez peu « attrayant ». Oui mais, si le groupe Marie-Claire n’édite que neuf féminins en France, il en édite quarante sur le marché mondial ! Et sa rentabilité est supérieure à 12 % ! Quant à Marie-Claire, son magazine phare, il réalise des pics de performance en matière de revenus publicitaires (avec un tarif de 31 000 euros la page !), et affiche une implantation internationale quasi comparable à celle de Elle (35 éditions étrangères pour Elle, contre 26 pour Marie Claire).
Sur un marché français sursaturé et hyper concurrentiel, tous les éditeurs de presse magazine, féminins compris, savent bien que l’avenir appartiendra aux groupes et aux titres qui s’implantent fortement sur le marché mondial. Pour rentabiliser encore plus ses performances et pour s’imposer face aux puissants grands mondiaux de la presse magazine (Condé Nast ou Bertelsmann), le groupe Lagardère a besoin de la conquête et de l’absorption totale de son partenaire et associé Marie-Claire. Quitte à faire monter la pression.
Pour faire taire les attaques d’Arnaud Lagardère, Evelyne Prouvost, toujours vigilante, a aussitôt fait savoir qu’avec son fils PDG, la holding familiale demeurait encore et toujours majoritaire à 58 % dans le groupe Marie-Claire (une holding familiale qui regroupe Evelyne Prouvost, son mari Nicolas Berry, sa sœur Marie-Laure Prouvost et leurs ascendants et descendants jusqu’au troisième degré).
Pendant combien de temps les sœurs Prouvost résisteront-elles aux appétits de Lagardère ? Commencée en 1976, la saga Hachette/Prouvost va-t-elle se terminer par la mainmise totale de Lagardére sur le groupe Marie-Claire ?
En 1976, les trois sœurs Prouvost - Evelyne, Marie-Laure et Donatienne - avaient su arracher des griffes d’Hachette une partie de l’empire de leur grand-père, Jean Prouvost, en pleine déroute financière. Mais, en 2000, avec la vente des parts de Donatienne, Evelyne et Marie-Laure ont fini par céder 42 % de leur capital au liquidateur de leur grand-père, le groupe Lagardère HFM ! Encore 9 % et le Groupe Lagardère sera majoritaire ! Les deux sœurs Prouvost ont-elles la possibilité de faire reculer Arnaud Lagardère ? Une chose est sûre, si elle doit céder son groupe, Evelyne Prouvost, la dame de fer de Marie-Claire, cherchera à obtenir le meilleur des prix et le maximum d’avantages pour toute sa famille ! !
En revanche, les 500 salariés du groupe Marie-Claire peuvent commencer à se faire du souci. Selon une expertise comptable réalisée en 2000 par le cabinet Secafi Alpha, la forte rentabilité de ce groupe « a permis de financer le développement international et de rémunérer fortement ses actionnaires ». Ce qui signifie que dans ce groupe particulièrement rentable, le dialogue social est réduit au minimum, les salaires bloqués depuis des années, et que les 35 heures y ont été appliqués à minima (pas d’embauche, pas de jour de RTT - simple diminution d’une heure par jour pour tout le monde).
Il est donc fort à parier que, dans un futur plus ou moins proche, en cas de rachat par HFM, les intérêts des journalistes et autres salariés du groupe pèseront de bien peu de poids face à ceux de la holding familiale Evelyne Prouvost .
Une affaire à suivre.
Claude Alain