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Laure Adler vire Miguel Benasayag de France Culture

par Arnaud Rindel,

Après Martin Winckler sur France Inter [1], c’est au tour de Miguel Benasayag de voir sa chronique matinale de France culture supprimée de l’antenne.

Depuis des mois, les propos du psychanalyste Miguel Benasayag paraissaient comme égarés, entre les chroniques ultra libérales d’Alain-Gérard Slama, et celles ultra-réactionnaires d’Alexandre Alder. On se demandait jusqu’à quand il serait toléré...

Et le 22 mars 2004, vers 16h30, une dépêche du site du Nouvelobs Quotidien (« Miguel Benasayag privé de sa chronique »), nous l’apprend :

« Le philosophe Miguel Benasayag, qui livrait tous les matins une chronique aux auditeurs de France Culture, a été remercié par Laure Adler, directrice de la station (...) jeudi 18 mars. La radio publique lui a fait savoir sa décision au lendemain d’une chronique au cours de laquelle il comparait le programme sécuritaire du Front National et les réalisations du gouvernement, en particulier de Nicolas Sarkozy. »

Cahier des charges ?

Un peu plus tôt (15h59 et 16h04), un journaliste du nouvelobs.com, Benjamin Cherrière, avait interrogé l’intéressé, ainsi que Laure Adler, directrice des programmes de France Culture.

Celle-ci « explique » : « Miguel Benasayag n’est pas un salarié de France Culture, c’est un collaborateur de la rédaction, donc il n’a pas été licencié. Il s’agit plus exactement d’un arrêt de collaboration, que j’ai souhaité. »

On appréciera la « délicatesse » de la nuance...

Puis Laure Adler dément « une mise à l’écart pour des raisons politiques », notamment la chronique ayant précédé son licenciement, « chronique faisant une comparaison entre les propositions du FN et les mesures prises par Nicolas Sarkozy  » [2], et précise :

« Miguel Benasayag ne remplissait plus le cahier des charges que je lui avais fixé, à savoir mettre en perspective l’actualité d’un point de vue intellectuel et culturel »

Un cahier des charges pour le moins vague, comme le note Benasayag :

« Mettre en perspective l’actualité, c’est extrêmement flou comme notion. Quand j’ai été embauché à France Culture, il y avait deux chroniques de droite, celles d’Alexandre Adler et d’Alain-Gérard Slama, et je devais refléter la gauche alternative. Et, à mon sens, ce que je faisais dans mes chroniques correspondait à cette notion. »

Mais Laure Adler insiste : « Miguel Benasayag ne peut prétendre être tombé des nues, cela faisait depuis le mois de septembre que je lui demandais de respecter le cahier des charges de sa chronique, que je lui faisais remarquer sa dérive. Il a transformé sa chronique en plaidoyer pro domo, pour sa propre vision du monde. Ce n’est pas ce qui était convenu. »

Encore le cahier des charges...

Dommage : le journaliste de nouvelobs.com n’a pas demandé à Laure Adler ce qu’elle entend plus précisément par « mettre en perspective l’actualité d’un point de vue intellectuel et culturel  », et en quoi la chronique de Miguel Benasayag ne correspondait pas à cet objectif. En tout cas, il semble bien que, selon Laure Adler, Alain-Gérard Slama et Alexandre Adler, puisqu’ils restent, eux, à l’antenne, ne feraient pas un « plaidoyer pro domo, pour [leur] propre vision du monde  ».

Ceci étant, Laure Adler affirme, bien entendu, qu’elle trouve que Miguel Benasayag « est quelqu’un de formidable  », et d’ailleurs, nous précise l’article du nouvelobs.com, « France Culture, qui évoque un simple remaniement de grille, affirme ne pas vouloir [s’en] séparer ».
« Elle m’a dit que ma « chronique n’avait plus sa place à 8h35 » rapporte Benasayag. Ce que semble confirmer Laure Adler : « Il s’essoufflait depuis quelques mois, ce qui est normal quand on tient une chronique quotidienne, et je lui ai proposé de passer à un rythme hebdomadaire afin qu’il fasse partager sa vision du monde. »

Sa « vision du monde » serait donc acceptable à un rythme hebdomadaire, mais non quotidien ? Dans la journée, mais pas dans la tranche matinale ?

A droite, toute ?

Le nouvelobs.com précise que « certains des défenseurs de Miguel Benasayag font remarquer à ce propos que les chroniques d’Alain-Gérard Slama, journaliste au Figaro, qui précédaient à l’antenne celles de Miguel Benasayag dans « Les matins de France Culture », ne sont pas moins orientées [c’est le moins qu’on puisse dire]. Mais, certes, pas du même bord... »

L’ex-chroniqueur de France Culture avait lui aussi fait valoir l’argument... « Laure Adler m’a reproché d’être « trop militant, trop engagé, trop personnel ». Quand j’ai dit qu’Alexandre Adler était lui aussi très militant, Laure Adler m’a répondu que ce n’était pas pareil. »

Et Miguel Benasayag de pousser un coup de gueule :

« Ce n’est pas le fait de me faire virer qui m’énerve, c’est politiquement que c’est inacceptable. (...) Lorsque j’ai été embauché à France Culture, mes positions étaient déjà archi-connues. Ils savaient qui ils embauchaient. D’ailleurs, des quatre chroniqueurs, j’étais celui qui recevait le plus de courrier, à 90% positif. Ça marchait très bien. Laure Adler m’avait demandé de refléter ces positions de la gauche démocratique alternative. Désormais, ma sensibilité n’a plus sa place sur France Culture, m’a-t-on dit. »

Dans sa chronique du 18 mars 2004 (l’avant dernière), Benasayag, notait : « Je ne sais pas si vous vous êtes rendu compte, mais dernièrement on penche de plus en plus à droite, mais alors là carrément à droite  ». Il ne croyait pas si bien dire...

Arnaud Rindel

 
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Notes

[2Dans cette chronique, Miguel Benasayag évoquait l’alliance entre le parti socialiste autrichien et le parti de Jorg Haider et précisait : « A vrai dire, on aurait tort de se scandaliser de trop, car il paraît de plus en plus clair que pour nos sociétés néolibérales, la marchandisation de la vie va de paire avec un besoin très, très fort de mesures disciplinaires propres à l’extrême droite. Et en France ? Et bien en France, chez nous, on fait encore mieux, on fait du disciplinaire, du tout répressif, mais sans le front national. Bref, on fait du lepenisme sans Le Pen. (...) Evelyne Evelyne Sire-Marin, juge d’instruction (...) analyse les 24 proposition sur la justice et la police dans le programme lepen, pour montrer comment 11 parmi elles furent reprises par M. Perben ou M. Sarkozy (...) bientôt on fera mieux que l’Autriche justement. On aura pas besoin d’alliance avec le Front National, car il suffit pour nos hommes et femmes politiques de devenir le Front National.  » (France Culture, 18.03.2004)

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