Prudence apparente à la « Une » du Monde qui paraît le jour même des attentats (mais daté du lendemain). Titre :
« Terrorisme : attentats meurtriers sur le réseau ferré à Madrid »
Et parmi les résumés :
« Le gouvernement espagnol attribue ces attentats à l’ETA ».
Mais la page 2 souscrit sans le moindre recul à la thèse des autorités espagnoles sur la responsabilité d’ETA.
Le chapô de l’article central, mais surtout les titres de deux articles ne laissent place à aucun doute.
« La plus sanglante action de l’ETA ».
Un rappel chronologique qui commence par cette phrase : « Parmi les attentats commis dans plusieurs gares, celui d’Atocha, au sud de Madrid, est le plus sanglant jamais commis par ETA depuis la première action revendiquée le 7 juin 1968 ».
Cette certitude est confortée par Marie-Claude Descamps, dans l’article suivant.
« Un retour sanglant d’ETA sur la scène politique espagnole
à trois jour des élections législatives ».
Et en exergue, cette citation sans commentaires, d’Angel Acebes, ministre de l’Intérieur : « Il ne faut chercher aucun message politique dans les communiqués d’ETA. Ils n’ont d’autre but que de créer la terreur ».
L’article commence ainsi :
« A sa manière, causant au cœur de Madrid un véritable massacre qui aurait fait 125 morts et de très nombreux blessés, l’ETA a fait irruption sur la scène politique espagnole, à quelques jours à peine des élections législatives du 14 mars. Une façon de démontrer qu’il faut encore compte avec elle (...) ».
Suit une analyse qui tente de démontrer que ETA a commis ces attentats précisément parce l’organisation était affaiblie. Puis une citation d’ Angel Acebes(« L’ETA a encore les moyens de frapper durement »), nous vaut ce commentaire : « Elle vient de le prouver en déclenchant un des pires carnages de son histoire ».
Après un rappel de deux attentats manqués, puis de la trève partielle décrétée par ETA, notre journaliste reproduit complaisamment à ce propos, ce que « le ministre nous avait expliqué ».
Avant d’affirmer : « Le type d’action choisie, un attentat sanglant et indiscriminé dans une gare, est venu confirmer les dernières analyses ».
Une argumentation qui se poursuit ainsi : « (...) La brutalité de l’attentat en soi, qui n’est plus une cible isolée, semble montrer que l’ETA a perdu ses « critères » d’autrefois. ».Et encore : « La derrière fois que l’ETA avait commis un carnage semblable a celui de jeudi matin, c’était en juin 1987, dans la gare de Barcelone ».
Pas le moindre doute. Aucun fait relatif aux attentats eux-mêmes : un ensemble de spéculations ne reposant que sur des faits, des analyses et des déclarations officielles antérieures à l’attentat.
Sessions de rattrapage
Le Monde daté du 13 mars. A la « Une » :
Le Monde daté du 14 mars. A la « Une » :
Daniel Schneidermann, qui, désormais, rate rarement une occasion de dire tout le bien qu’il pense de son ancien employeur, déclarait lors d’un " chat " sur le site de Libération du mardi 16 mars 2004 : « (...) J’ai notamment remarqué l’absence de scrupule du Monde tout au long de cette affaire. Le premier jour, le jeudi, une page entière était consacrée à la culpabilité d’ETA. Sans l’ombre d’une réserve. Le lendemain, alors que plusieurs indices accréditant la piste islamiste avaient déjà été découverts, la manchette du Monde s’interrogeait : Al-Qaeda ? ETA ? Tout ça pour terminer lundi par une manchette expliquant que Aznar avait été victime de son « mensonge d’Etat ». Mais j’ai l’impression que Le Monde s’est comporté exactement de la même manière que Aznar ».
Excessif, non ?