Accueil > Critiques > (...) > Dérives et résistances (2004-2005)

France Culture et Miguel Benasayag : fin de partie ?

Au flot des protestations contre l’éviction de Miguel Benasayag, Laure Adler opposa des réponses dilatoires. A l’antenne, la censure fut censurée. Et comme Geneviève Fraisse prit la succession, tout rentra dans l’ordre, du moins on l’espéra. C’est pourtant cet ordre lui-même qu’il faut mettre en question.


Réponses dilatoires

Aux auditeurs, sans doute nombreux, qui ont protesté contre l’éviction de Benasayag, Laure Adler à fait envoyer cette lettre-type.

« Chère Auditrice,
Cher Auditeur,
Je vous remercie de votre mail. J’ai bien pris note de votre émotion légitime à imaginer qu’une chronique quotidienne de mise en perspective de l’actualité tant sur le plan culturel qu’intellectuel ne continuerait pas sur France Culture dans cette tranche de programme.
Je tiens à vous rassurer et vous dire qu’une personnalité connue pour son engagement citoyen et son attachement aux différentes valeurs qui nous fondent, viendra chaque jour s’exprimer dans cette émission. J’espère et je crois qu’elle saura nous apporter un point de vue argumenté, indépendant et riche de mise en perspective et de décryptage de l’actualité.
J’ai par ailleurs proposé à Miguel Benasayag de continuer à travailler à France Culture sous une autre forme.
Bien à vous,
Laure Adler
 ».

Une petite merveille. Vous protestez contre une éviction ? On vous répond sur une prétendue « émotion légitime à imaginer » que la chronique disparaîtrait avec le chroniqueur. Avant de vous « rassurer  », chers enfants craintifs que vous êtes : « une personnalité connue pour son engagement citoyen et son attachement aux différentes valeurs qui nous fondent, viendra chaque jour s’exprimer [...] ». Qu’en termes élégants, ces choses-là sont dites : « l’engagement citoyen » et les « différentes valeurs qui nous fondent », voilà qui est net et précis.

Censures de la censure

 Comme nous l’écrit un correspondant, trois jours après l’éviction de Miguel Benasayag, seule la voix de Véronique Nahoum Grappe « salue un viré ». Elle le fait ainsi :

« Les voix résistantes sont rares ... Je ne sais pas pourquoi, je pense ici tout à coup à mon collègue Miguel Benasayag dont toute la vie démontre le courage, la solitude et la ... le... l’espèce de force quand il s’exprime, fondée sur une.. sur .. cette ... cette espèce de ... de résistance tellement rare à notre époque ... voilà. »

Un blanc, très court, puis le message du maître explicateur, Nicolas Demorand :

« Un mot à l’attention des auditeurs qui se sont étonnés par mail de ne plus trouver Miguel Benassayag dans l’émission, qu’ils se rassurent, dès Lundi 8h 35, nous aurons la joie d’accueillir dans l’équipe un autre chroniqueur pour donner un nouveau souffle à ce courant de pensée. »

 Pierre Marcelle, dans Libération daté du 30 mars 2004, relève - sous le titre « Cave Canem » - ceci :

« [...] au huitième jour après que Miguel Benasayag a été viré par Laure Adler, la censure du chroniqueur est toujours censurée. La station que dirige Mme Adler a communiqué vendredi que « Geneviève Fraisse rejoint à partir du lundi 29 mars l’équipe des chroniqueurs des Matins de France Culture de Nicolas Demorand », et cet énoncé est édifiant de cynisme. A l’en croire, la philosophe et députée européenne qui causera désormais dans le poste en place de Benasayag ne le remplace pas  ; elle « rejoint l’équipe » dont l’usage spécieux de l’article défini induit qu’elle n’a pas été amputée d’un de ses membres. [...] »

Quand vint le tour de Geneviève Fraisse

Et Geneviève Fraisse vint (et n’eut pas un mot sur son prédécesseur, comme celui-ci ne dit pas un mot du sien : Eric Dupin). Pas plus que Le Monde ne protesta quand Le Monde Diplomatique fut chassé de l’antenne. Pas plus que Sylvain Bourmeau n’eut un mot quand, en 1999, son émission remplaça « Panorama » : de cette « guerre à l’intelligence », il ne fut pas question... « Poussez-vous de là que je m’y mette, amis précaires de France Culture. » Autant de décisions arbitraires dont on ne dit rien tant qu’on en est le bénéficiaire. Et l’orientation mondaine et chaotique imprimée à France Culture par Laure Adler peut se poursuivre, avec la caution des coureurs de micros.

A suivre...

 
Acrimed est une association qui tient à son indépendance. Nous ne recourons ni à la publicité ni aux subventions. Vous pouvez nous soutenir en faisant un don ou en adhérant à l’association.

A la une

Sortie du Médiacritiques n°52 : Médias et écologie

À commander sur notre site ou à retrouver en librairie.