Accueil > Critiques > (...) > La face cachée du Monde et ses suites

"Journalisme d’investigation" par fax

L’ex-juge Joly perd son procès contre Péan-Cohen... puis le gagne

Le tribunal note des " coïncidences multiples " entre articles et actes d’instruction, ainsi que la place consacrée par Le Monde au livre d’Eva Joly.
[Le 9 juin 2005, la cour d’appel de Paris a infirmé le jugement de première instance, et condamné Philippe Cohen, Pierre Péan et Claude Durand. Voir plus bas (Acrimed, 9 juin 2005).]

Eva Joly a perdu, le 27 mai 2004, son procès en diffamation contre Philippe Cohen et Pierre Péan, auteurs de La Face cachée du Monde (Fayard, Mille et une nuits), et Claude Durand, leur éditeur.

" L’ex-juge du pôle financier du tribunal de Paris, indique l’AFP (27 mai 2004), estimait avoir été diffamé par Péan et Cohen qui l’ont traité dans leur livre d’"honorable correspondant" du journal Le Monde, remarquant que le quotidien avait "accordé deux pages pour assurer la promotion" de l’un de ses livres publiés en juin 2000. (...)
Dans ses attendus, le tribunal souligne qu’il est "possible de relever des coïncidences multiples entre la publication d’articles de presse, en particulier dans le journal Le Monde, et des actes d’instruction effectués par Mme Joly dans différentes affaires".
Il note aussi qu’il est "très rare qu’une double page soit consacrée à la présentation d’un livre, accompagnée d’une grande photographie de l’auteur qui pose pour le journal".
Le tribunal estime aussi que l’enquête des journalistes a été menée avec sérieux.
"Les auteurs disposaient d’éléments sérieux, qui certes ne prouvaient aucunement que la partie civile (ndlr : Eva Joly) avait fourni elle-même des renseignements à la presse, mais qui comportaient des coïncidences nombreuses et variées dont la conjonction pouvait susciter des questions et donner lieu à interprétation", écrit le tribunal. "Ils ont fourni la leur avec prudence", ajoute-t-il.
Le tribunal a enfin estimé que "les propos litigieux ne dépassent pas les limites du droit de critique" alors que la personne en cause "dispose de pouvoirs importants, occupe une position en vue et se trouve placée sur le devant de la scène médiatique”. "

" C’est un bon signe pour la suite ", a déclaré Pierre Péan à l’AFP, tandis que Claude Durand, PDG de Fayard, commentait : " Il s’agissait du premier procès d’une longue série. En tout cas en principe puisqu’une médiation est en cours  [1]. C’est bien qu’il se termine par une relaxe. "

Du côté de la partie civile, l’avocat d’Eva Joly, aujourd’hui " conseillère spéciale contre la corruption et le blanchiment du gouvernement norvégien ", a annoncé qu’elle allait faire appel.


(Complément du 9 juin 2005)

Pierre Péan et Philippe Cohen, auteurs, et Claude Durand, éditeur, de La Face cachée duMonde (Fayard/Mille et une nuits, 2003), ont été condamnés jeudi 9 juin 2005 par la cour d’appel de Paris à 2 000 euros d’amende chacun, et solidairement à 2 000 euros de dommages-intérêts, pour diffamation à l’encontre d’Eva Joly, indique l’AFP (9 juin 2005). La 11e chambre de la cour d’appel de Paris est donc revenue sur la relaxe rendue le 27 mai 2004 par le tribunal correctionnel.

Alors que celui-ci avait reconnu aux auteurs le bénéfice de la bonne foi [2], la 11e chambre de la cour d’appel de Paris a estimé que " les éléments dont disposaient Pierre Péan et Philippe Cohen ne les autorisaient pas à porter des accusations aussi graves envers Eva Joly " : " ils n’ont pas procédé à une véritable enquête afin de vérifier si Eva Joly avait communiqué des informations confidentielles à la rédaction du Monde, ils ont en réalité extrapolé à partir de certaines pièces, certains faits et certaines déclarations ".

 
Acrimed est une association qui tient à son indépendance. Nous ne recourons ni à la publicité ni aux subventions. Vous pouvez nous soutenir en faisant un don ou en adhérant à l’association.

Notes

[1Lire Le Monde vs Péan-Cohen : une médiation ? (note d’Acrimed).

[2En droit de la presse, la " bonne foi " implique que soient reconnus quatre critères : la légitimité du but poursuivi, l’absence d’animosité personnelle, la prudence et la modération dans l’expression, la fiabilité de l’enquête et le contrôle des sources. Il suffit qu’une seule de ces conditions ne soit pas remplie, selon le tribunal, pour qu’il rejette la bonne foi.

A la une

Médias français : qui possède quoi ?

Vous avez dit « concentrations » ? Nouvelle version de notre infographie.

Louis Sarkozy : le capital médiatique s’hérite aussi

Le journalisme politique dans sa bulle.