Quelques brefs et discrets échos parus dans la presse ont fait état d’une grève survenue le 1er juillet aux éditions Lamy et dans le Groupe Liaisons, éditeurs associés connus pour leur publications de référence pour tout ce qui concerne la réglementation sociale, les rapports employeurs-salariés, les droits du personnel - et ceux des patrons. Chez Lamy vous trouverez tout ce qu’il faut savoir sur les lois sociales et leur application, la jurisprudence, les textes régissant les licenciements comme les départs à la retraite, à l’usage des DRH comme des comités d’entreprise et délégués syndicaux. Voici donc une grève dans les milieux les mieux informés des deux cotés de la barrière...
Cette grève n’est pas un mouvement convulsif né dans une petite structure d’édition spécialisée, mais d’un mouvement consécutif à des mesures draconiennes prises par la haute et lointaine direction du groupe international qui a racheté les principales publications françaises du secteur dont les périodiques, répertoires de textes et de jurisprudence, commentaires juridiques sont bien connus des militants syndicaux : en particulier Liaisons sociales et le Lamy Social. Cette manifestation, probablement la première du genre dans la maison, survient en réaction aux projets de réduction des coûts et de compression du personnel annoncés par la haute direction du groupe international Wolters Kluwer. Basé à Amsterdam, présent dans de nombreux pays, c’est un des trois plus importants éditeurs mondiaux de publications scientifiques et techniques. (Lire : « Le groupe Wolters Kluwer »)
Fin 2003, Wolters Kluwer a en effet décidé de serrer la vis. D’après Les Echos du 31 octobre 2003, un plan de réorganisation a été adopté, prévoyant la suppression de 1600 emplois en 3 ans, une « réduction des coûts de structure », et un recours accru à la sous-traitance.
Selon des représentants du personnel, la maison-mère reproche à ses filiales françaises d’avoir perdu quelques points dans le calcul éminemment financier, voire purement comptable de la « rentabilité » (14 ou 15% au lieu de 18%) - ce qui mérite bien quelques sanctions, n’est-ce pas ? Surtout dans un contexte général et - précision indispensable - international peu favorable à Wolters Kluwer ces dernières années.
C’est ainsi qu’en 2002 la filiale Kluwer Academic Publishers a été cédée (pour la modique somme de 600 millions d’euros tout de même !), à des fonds d’investissement britanniques, dont notre vieille connaissance le Fonds Cinven, propriétaire avec ses associés, entre autres, des français Tests, l’Usine Nouvelle et La France Agricole [1] . Grandes manœuvres financières, donc, et peut-être recentrage pour Wolters Kluwer. Ancien le numéro deux mondial du secteur scientifique et technique derrière le grand, très grand Reed-Elsevier, WK est ainsi passé au troisième rang derrière Springer-KAP, le nouveau groupe né de la fusion de l’ancien groupe Springer-Bertelsmann, cédé par Bertelsmann en 2003 avec cette ancienne filiale Kluwer Academic Publishers... Vous avez bien suivi ?
Mais derrière les projets de réduction des coûts d’un groupe qui réalise la moitié de son chiffre d’affaires aux Etats-Unis - des projets liés à des difficultés structurelles qu’on ne peut nier mais qui sont les conséquences de la folie des fusions-acquisitions des dix dernières années -, se profilent peut-être les conséquences d’une sorte de dédain pour des marchés étroitement nationaux, malgré la fidélité assurée de la clientèle des publications spécialisées où se rencontrent peu de concurrents - et peut-être aussi un retrait vis-à-vis des publications faites dans une langue, le français, largement dépassée par l’anglais dans le monde de l’édition scientifique et professionnelle.
Daniel Sauvaget
Lire : « Le groupe Wolters Kluwer »