Avant d’entreprendre de tout effacer (lire : « Un mois après, Le Monde siffle la fin de la récré »), Le Monde publiait, en guise d’autocritique « de référence », un éditorial et une chronique du médiateur.
L’éditorial, intitulé « La faute et le défi », et daté du 15 juillet 2004 se concluait ainsi : « L’écrivain François Mauriac (1885-1970), chroniqueur redoutable, assurait qu’il existe "un crime de silence". Nous découvrons depuis quelque temps qu’il existe un délit d’emballement. Le défi est bien de trouver la juste mesure entre la dictature de l’émotion et l’empire de l’indifférence. »
Comme si le prétendu « emballement » avait été une simple question d’affects. Comme si le présumé « délit » n’était pas tout simplement une faute professionnelle à répétition. Comme si le véritable défi n’était pas tout simplement d’informer.
Il reste que Le Monde croit avoir fait une découverte « depuis quelques temps ». Mais depuis quand ? Peut-être depuis le mois précédent...
I. Juin 2004 : Le Monde bouleverse la France
Le Monde daté 6-7 juin 2004, paraissant samedi 5 juin à midi, titre en première page : « Cette agression antisémite qui bouleverse la France ».
A l’origine de ce titre, l’agression, le 4 juin 2004 à Epinay-sur-Seine, à proximité de l’Institut talmudique Mekor Israël, d’un jeune juif par un homme qui lui a porté un coup de couteau. De quoi « justifier » un éditorial d’autant plus « bouleversé » que la France est « blessée ».
1. La France blessée
Sous le titre « La France blessée », on pouvait lire ceci :
« Cela se passe en France. En Europe. Dans ce pays, sur ce continent où les juifs furent stigmatisés, persécutés, exterminés. Deux jours avant la célébration du soixantième anniversaire du Débarquement allié en Normandie, [...] un jeune juif français, portant la kippa, a été agressé en pleine rue [...] ».
Pour Le Monde cette agression marque un incontestable tournant et une véritable renaissance : « L’antisémitisme a franchi une nouvelle étape. On ne peut que rapprocher les deux événements : encore ! à nouveau ! des juifs victimes d’injures, d’agressions, de haine ! En Europe. En France. Et on ne peut que partager le sentiment de peur et de révolte qui saisit la communauté juive de France devant ce recommencement.[...] »
Et l’éditorialiste après avoir cité - pour les approuver - les propos du président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Dalil Boubakeur, de Jacques Chirac et de Dominique de Villepin, poursuit :
« Des mots justes aussi dans la communauté juive, qui constate avec raison "une escalade" de l’antisémitisme et un climat qui va s’alourdissant dans la jeunesse des banlieues à cause d’une vulgate raciste véhiculée par des groupes radicaux comme le Parti des musulmans de France, habile à exploiter le chômage massif des jeunes et leur déshérence. » [souligné par nous]
Avant même de savoir qui est l’auteur de l’agression, son signalement pseudo-sociologique est donné en pâture, immédiatement suivi d’une leçon d’histoire :
« Après 1945, l’antisémitisme, s’il n’avait pas disparu, était devenu honteux et était cantonné à des minorités nostalgiques d’extrême droite. Aujourd’hui, un renouveau, parmi la communauté maghrébine et parfois au-delà, s’opère à partir du conflit du Moyen-Orient. Un nouvel antisémitisme s’affiche et génère une multiplication d’agressions. Il faut toutes les condamner et punir sévèrement leurs auteurs.
Mais il faut aller plus loin et lutter contre l’indifférence des Français qui n’y voient qu’un affrontement entre juifs et musulmans lié au conflit du Proche-Orient. Quels que soient les sentiments des uns ou des autres sur ce conflit, le transposer en France est pire qu’un crime, une faute. C’est à la France que s’en prennent l’antisémitisme et le racisme, à son identité républicaine et à son histoire, où se mêlent et se fécondent toutes les cultures et toutes les origines. » [c’est nous qui soulignons]
Tous les thèmes des commentaires de la prétendue agression de Marie L. sont d’ores et déjà présents, présentés avec la même emphase et la même assurance : le recommencement de l’antisémitisme des années noires, la mise en cause de la jeunesse des banlieue et de la communauté maghrébine (« et parfois au-delà »), l’appel à lutter contre l’indifférence des Français.
Cet éditorial est paru le samedi 5 juin vers midi. Et Le Monde « sait » ce qu’il convient de penser des faits avant qu’ils ne soient vérifiés. Seulement voilà ...
2. Média culpa léger... très léger
Seulement voilà : le soir même, l’AFP signale que deux autres agressions à l’arme blanche ont été commises le même jour que la première à Epinay. L’une des victimes serait arabe, la seconde haïtienne. Au fil des heures et des jours, la liste des agressions s’allonge à 9, jusqu’au moment l’agresseur est arrêté et mis en examen. Au cours de sa garde à vue, il se serait déclaré « victime d’un complot organisé » par les personnes blessées.
Sauf erreur ou omission de notre part, la rédaction du Monde n’éprouvera pas le besoin de s’expliquer sur sa « précipitation » et sur ses commentaires.
En revanche, la chronique du médiateur parue sous le titre « Coups de couteau » dans Le Monde daté du 27 juin 2004 est (partiellement) consacrée au traitement de ce fait divers par le quotidien. Après avoir rappelé les faits, le médiateur cite les courriers de lecteurs justement indignés, avant de tenter de se prononcer, en deux temps :
- Premier temps : esquisser une explication... mais sans causes :
« Il faut se remettre dans le contexte de cette journée. On était à la veille des élections européennes, et les chefs de file des deux principales listes dans la région parisienne étaient des militants antiracistes. Par ailleurs, des juifs venaient d’être victimes de coups ou de menaces, à Créteil et à Boulogne-Billancourt. Tout ce que la France comptait d’autorités, politiques ou religieuses, avait stigmatisé la première agression d’Epinay, qui ressemblait furieusement à un acte antisémite. »
Cette tentative d’explication par le contexte (qui mélange des données disparates) peut servir (et servira...) en d’autres occasions. Et cela d’autant plus et d’autant mieux que l’on y trouve déjà cet argument massue : la validation des faits et la légitimation des commentaires... par l’intervention des autorités politiques ou religieuses. Cet aveu de dépendance est aussi une tentative de justification. Mais qui ne dispense pas de se poser certaines questions.
- Deuxième temps, donc : ébaucher des interrogations, ... mais sans réponses :
« Le Monde pouvait-il se dispenser de commenter cet événement le lendemain de l’agression ? Devait-il attendre un jour ou deux, pour y voir plus clair ? Publié le lundi au lieu du samedi, son éditorial aurait eu évidemment une autre tonalité... Ne fallait-il pas, en tout cas, s’exprimer avec plus de prudence, compte tenu d’affaires antérieures où les apparences avaient été trompeuses ? » [1]
20 jours plus tard, les réponses vinrent non du médiateur, mais de la rédaction du Monde : toute prudence doit céder devant le devoir d’indignation ; les commentaires vertueux ne peuvent souffrir aucun délai.
II. Juillet 2004 : Le Monde restaure la République.
1. La République en danger
Dans son édition datée du 13 juillet 2004, Le Monde annonce en « une » : « Indignation après l’agression antisémite dans le RER. Un vol qui tourne aux sévices contre une femme “juive”. Des transports en commun à risques en Ile-de- France ». Les articles en page intérieure, sobrement et solennellement, sont rédigés à l’indicatif. Ici du moins, aucun détail pittoresque.
En revanche, les « compléments d’information » pointent déjà sur les causes sans rien savoir des faits. Un premier article, annoncé en « une », nous informe que « 27% des vols en Ile-de-France ont lieu dans les transports en commun ». Un second, rapporte les réactions politiques à cette agression, et nous explique au fond que tout le monde pense comme la rédaction du Monde, puisque le titre en est « Les condamnations “ne suffisent plus”, estiment les associations ». Ne manque que la parole « experte ». C’est pourquoi Le Monde propose à ses lecteurs un entretien avec Nacira Guérif-Souillamas, maître de conférence à l’université Paris Nord. Titre : « Des opprimés se sont mués en oppresseurs de la pire espèce » [2]
Mais les commentaires, eux, perdent toute mesure. Cela commence par un éditorial qui en appelle au sursaut d’une République en danger.
Sous le titre « Le civisme en berne », il s’ouvre par une confrontation entre une « République qui parle bien » et la réalité. Evoquant le discours récent de Chirac, l’éditorialiste anonyme enchaîne : « Ces mots touchent au cœur, mais le réel, vendredi matin 9 juillet, s’est brutalement manifesté dans un train de la banlieue parisienne sous la forme d’un fait divers qui serait ordinaire et lamentable comme tant d’autres s’il ne s’était pas coloré d’antisémitisme. [...] D’un coup, la réalité venait dissiper tous les beaux discours dans un terrible télescopage. La République se révélait provisoirement impuissante à faire taire une parole antisémite libérée du tabou hérité du génocide des juifs durant la seconde guerre mondiale. [...] ».
Après avoir porté à incandescence la signification de ce « fait divers », l’éditorial repère ses causes : « Présent et entretenu de manière endémique au sein d’une extrême droite minoritaire, on sait que l’antisémitisme est devenu un foyer dangereux dans certaines populations immigrées travaillées par des prédicateurs musulmans radicaux. » Face à l’ampleur du danger ainsi localisé, il ne reste plus qu’à appeler à l’application urgente des remèdes, car : « Il s’agit d’une course contre la montre ». Et Le Monde de réclamer « autorité et fermeté » des ministres de l’intérieur et de la justice et « surtout espérer que le plan de cohésion sociale imaginé par Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, ne se déploie pas trop tardivement et de manière trop fragmentée ».
Et Le Monde de conclure : « Il s’agit d’une course contre la montre », mais : « Rien n’est perdu. La demande d’une restauration des valeurs de la République et d’un respect des personnes et des biens est considérable [...] L’incantation et la dénonciation ne suffisent plus. L’heure est bien au sursaut. »
Quant à Éric Fottorino, complétant cet éditorial, il réécrit à sa façon la scène imaginaire pour la commenter à sa guise. Sous un titre qui dit tout : « Méthode de nazis ».
Cela commence fort : « Pendant treize minutes, Marie a été juive, assène-t-il d’emblée. Puis ayant vraisemblablement obtenu le privilège (refusé à tous ses collègues) de s’entretenir avec la victime, Eric Fottorino précise donc, en connaissance de cause : « treize minutes qui lui ont paru interminables ».
Et de broder sur les lambeaux du récit de Marie L. quelques hurlements explicatifs : Juive dans le regard de six mauvais garçons d’origine maghrébine et africaine, des gamins de banlieue qui en voulaient pour commencer à son argent. [...] Un étrange processus a ravagé la tête des agresseurs. Un papier d’identité dérobé portait une adresse dans le 16e arrondissement. Et le 16e, c’est bien connu, c’est le quartier rupin. Le quartier youpin aux yeux de six abrutis avec de la violence plein leurs couteaux. Seizième = riche = juif. Honteuse équation. [...] ».
La suite est de la même veine, jusqu’à cette envolée : « Quand la haine fait son métier de haine sans être inquiétée, tranquillement, injures et lames sorties, quand la bêtise fait son métier de bête, il faut alors que les mots fassent leur métier de mots. Qu’ils fassent mouche comme des projectiles. Qu’ils ne fassent pas peur. N’ayons donc pas peur des mots.
Vendredi, dans le RER D, une jeune femme devenue juive pendant treize minutes sous le regard féroce de six agresseurs a été victime de méthodes de nazis. »
Il ne reste plus alors qu’à donner à tous une leçon de courage en papier : « Et face à ces petites frappes il ne s’est trouvé aucune voix, aucune main secourable. Si bien que l’indignation est partagée entre l’acte odieux et l’odieuse passivité de passagers qui, s’ils n’ont pas vu directement la scène, l’ont au moins entendue. Avoir le courage physique de rentrer dans le lard d’une bande armée est une chose. Donner l’alerte en est une autre. [...] »
Et Fottorino de conclure par cette envolée « Pendant ce temps, on imagine la frayeur de Marie, les gestes qu’elle aura dû accomplir pour effacer de sa peau trois croix gammées. De sa peau, pas de sa mémoire. » [c’est nous qui soulignons]
Il s’agissait donc d’« imagination » et non de journalisme. C’est bien ce qu’il nous avait semblé.
2. Média culpa : Le Monde pris au piège ?
Le Monde daté du 15 juillet publiait, sous le titre « La faute et le défi », un nouvel éditorial. On pouvait notamment y lire ceci :
« Ce fait divers sonnait trop juste. [...] Mais voilà, le trop vraisemblable n’est pas le vrai. Un simple récit ne constitue pas une preuve. La parole d’une "victime" n’est pas sacrée. La croyance ou la crédulité de tous ne vaut pas certitude. Pour l’avoir oublié, les plus hautes instances de l’Etat ont crédibilisé les affabulations d’une mythomane. [...] L’ensemble du monde politique et associatif a suivi, et les médias ont puissamment embrayé. Le Monde n’a pas été exempt de ce mouvement et a commis une faute. »
L’ordre des responsabilités n’a rien d’anodin. « Les plus hautes instances de l’Etat », d’abord ; le « monde politique et associatif », ensuite ; les médias enfin, qui se sont contentés d’ « embrayer ». Quant au Monde, il n’a pas été « exempt de ce mouvement ». Reste qu’il a « commis une faute », ce qui justifie qu’il présente clairement ses excuses : « Nous en devons excuses aux jeunes des cités issus de l’immigration maghrébine ou africaine, stigmatisés à tort. Nous en devons aussi excuses à nos lecteurs qui peuvent à bon droit nous reprocher de ne pas avoir suffisamment fait place au doute. » [souligné par nous]
Qu’en termes atténuants ces choses-là son dites ! Dès lors, aussi fermes soient-elles, ces excuses (qui ne concèdent qu’une responsabilité partielle et une rigueur “insuffisante”) ressemblent à de simples formules de politesse.
D’autant qu’elles sont, immédiatement tempérées par l’invocation de nouvelles circonstances atténuantes : « [...] De par ses traditions et sa culture, la grande presse obéit presque par nature à un devoir d’indignation et de réaction. Suivre avec indifférence le cours de l’actualité à un train de sénateur ne lui ressemble pas. Le poids d’Internet et l’accélération du rythme de circulation de l’information ne simplifient rien. »
Et pour finir, ces formulations sibyllines qui invoque les effets d’une mystérieuse concurrence : « L’univers médiatique vit désormais l’actualité en temps réel. Le monde politique, soucieux de manifester sa présence et sa compassion, de même. Outre que les temps policier et judiciaire s’accordent mal avec les autres, cette concurrence apparaît largement préjudiciable.[...] »
Après ce mea culpa, qui justifie tout, s’excuse un peu et n’explique rien, qu’allait dire le médiateur ?
3. Média culpa : le médiateur en service minimum
Robert Solé dans sa chronique publiée dans Le Monde daté du 25 juillet 2004 sous le titre « La petite Marie », après avoir opportunément commencé par citer une lettre ironique, retient de l’abondant courrier qu’il dit avoir reçu que « Des lecteurs commentent avec virulence le désastre politico-médiatique survenu en plein été. ».
Le médiateur résume à sa façon : « L’histoire inventée par Marie Leblanc n’avait pas fait l’objet d’une manchette dans Le Monde du 13 juillet, mais d’un titre plus discret de première page ("Indignation après l’agression antisémite dans le RER"). Avec, cependant, plusieurs articles présentant les faits comme acquis, un éditorial très ferme ("Le civisme en berne") et une chronique d’Eric Fottorino encore plus tranchée ("Méthode de nazis"). »
Distinguons, mieux que ne le fait Robert Solé, les informations et les commentaires.
- D’emblée, Robert Solé relativise l’erreur. Plus loin, dans son papier, il le fera encore. S’abritant derrière le propos d’une lectrice qui indique qu’à ses yeux les journalistes du Monde n’ont pas été « les plus véhéments », Solé souligne : « En effet, d’autres médias ont été encore plus péremptoires que Le Monde, alors que ceux qui ne sont pas tombés dans le piège de Marie Leblanc doivent se compter sur les doigts de la main. ». Maigre consolation...
- Quant à présenter l’éditorial simplement comme un « éditorial très ferme » et la chronique de Fottorino, comme « encore plus tranchée », c’est oublier que les grandes leçons de vertu dispensées par Le Monde excédaientt singulièrement la seule fermeté, fut-elle « tranchée ».
Et Robert Solé de présenter ainsi le mea culpa du Monde : « Le surlendemain, tout en soulignant une responsabilité collective ("Comment la République s’est emballée"), Le Monde reconnaissait avoir lui-même commis une faute.[...] Eric Fottorino battait sa coulpe de son côté, tout en rappelant "les risques du métier". »
Cette présentation est très approximative. En vérité, après avoir défendu la République en danger pour cause d’incivisme, Le Monde explique à la « Une » et dans plusieurs articles que la République a été piégée pour cause d’emballement politico-médiatique. Mieux vaut dire que Le Monde s’abrite (et avec lui ses confrères) derrière une prétendue responsabilité collective qui incombe d’abord au politiques, avant de concéder qu’il a commis une faute.
En quoi a consisté exactement « la faute » ? Les lecteurs du Monde attendent encore pour le savoir.
« Comment avez-vous pu gober cette affaire ? demandent plusieurs lecteurs [...] ». Réponse du médiateur : « Des doutes, il y en a eu, y compris à la rédaction du Monde [...] Paradoxalement, pour une fois, on disposait d’un peu de recul (c’était le week-end). Mais les raisons de se méfier ont été dissipées par l’attitude des plus hautes instances de l’Etat, qui ont fait preuve dans cette affaire d’autant d’assurance que de légèreté. » [souligné par nous]
Piotr Smolar, du service Société, explique : « Dimanche, au lendemain des prises de position officielles de l’Elysée et du ministère de l’intérieur qui avaient validé l’agression, nous avons eu plusieurs contacts téléphoniques avec de hauts responsables policiers. Ces interlocuteurs ont qualifié les déclarations de Marie Leblanc de crédibles, tout en regrettant qu’aucun témoin ne se soit manifesté. Le soir, le ministère de l’intérieur nous expliquait qu’il n’y avait aucune raison de douter de sa version des faits. Par conséquent, lundi matin, nous ne pouvions pas formuler de doutes étayés sur l’agression. Ces doutes ne sont apparus qu’en début de soirée, lundi, lorsqu’on a su que ni la "victime" ni ses "agresseurs" n’étaient visibles sur les enregistrements vidéo à la gare de Sarcelles... » [souligné par nous]
Cette aveu de dépendance - de la part d’un journaliste dont la probité professionnelle n’est sans doute pas en cause - mériterait qu’on s’y arrête... Mais le médiateur préfère citer des courriels et courriers de lecteurs [3], avant de déposer ses fort professionnelles conclusions.
Des exigences. Mais à quoi bon ?
Les voici :
« Il est plus difficile de faire du journalisme au jour le jour, le nez collé à l’événement, que de le commenter après coup, à froid. La lourde faute qui a été commise à propos de Marie Leblanc incite cependant à rappeler deux exigences :
1) S’exprimer au conditionnel quand on ne dispose que d’une seule source. Dans cette affaire, il y avait plusieurs sources policières, mais celles-ci - et on le savait dès le départ - ne se fondaient que sur l’unique témoignage d’une victime présumée, que Le Monde, pas plus que les autres journaux, n’avait réussi à joindre ;
2) Ne prendre des positions éditoriales tranchées que lorsque les faits sont établis. Sachant néanmoins qu’ils ne le sont pas toujours à cent pour cent et que la réalité est plus complexe que les règles simples et claires qu’on voudrait lui appliquer. [...] »
Les interrogations du médiateur consécutives à l’affaire d’Epinay se sont transformées en exigences. Mais pourquoi les médias ne parviennent-ils pas à les remplir (comme en témoigne le post-scriptum ci-dessous) ? Cette question - la seule question qui vaille - ne trouve aucune réponse dans les médias culpa du Monde et de ses confrères.
A force de plaider les circonstances atténuantes, ce sont les explications qui manquent le plus...
Henir Maler
Post-scriptum sur une histoire sans fin ?
Sous le titre « Les deux France », l’éditorial du Monde daté du 25 août récidive : « A trop magnifier la première [la France de la Résistance] (...) le risque est grand de continuer à occulter la seconde [la France de Vichy] dont tout témoigne qu’elle n’a pas abdiqué, depuis le 21 avril 2002 et le succès d’un de ses épigones jusqu’au regain d’un racisme et d’un antisémitisme dont on vient de constater, à Paris même, la réalité. »
La réalité dont il s’agit n’est autre que l’incendie du Centre Social Juif, dont on devait apprendre quelques jours plus tard (voir Le Monde du 31.08.2004 : « Incendie d’un centre social juif à Paris : les policiers ont interpellé un habitué des lieux ») qu’en fait d’acte antisémite, ce crime avait été commis par l’un de ses anciens employés, lui-même juif.
Le combat contre le racisme et l’antisémitisme exige moins de spectacle médiatique et plus de sang froid !