Ainsi, le 14 octobre 2004 lors de l’émission « Campus », sous le regard complaisant de Josyane Savigneau, de Marc Weitzmann et d’un Michel Serres, sans doute fatigué, Alain Finkielkraut en quelques raccourcis lapidaires, d’une formule proprement scandaleuse, enterrait une deuxième fois Jacques Derrida, réduisant son œuvre à une pensée cataloguée de « pensée Télérama » pour soixante-huitards attardés, reprochant au passage « l’hagiographie » faite autour du disparu.
Tout cela parce que la pensée du philosophe n’est pas assez claire pour notre illustre essayiste tous médias [1].
A ses yeux, il est intolérable que l’on puisse honorer la pensée d’un philosophe et porter le deuil d’un homme, Jacques Derrida, sous prétexte de son engagement pour les sans-papiers et contre la guerre en Irak.
Et Guillaume Durand de s’esclaffer devant le reste d’une assistance passablement gênée. Je pense surtout à Marc Weitzmann reporter aux Inrockuptibles incapable de réagir devant cette caricature alors que son journal se pose en fidèle du philosophe (numéro spécial du 31 mars 2004 et du 20 octobre 2004) Quelle probité de sa part ! Mais enfin perdre un strapontin de chroniqueur à « Campus »...
Derrida méritait mieux que ces quelques mots ; il aurait aimé « qu’on fasse plus qu’une phrase » [2] Car la déconstruction comme aurait voulu le laisser entendre Alain Finkielkraut, ce n’est pas quelque chose de vaseux et le sujet aurait requis plus qu’une émission pour tenter de l’expliquer ; par exemple en invitant des spécialistes du philosophe, comme Jean-Luc Nancy ou Philippe Lacoue-Labarthe. Mais Monsieur Guillaume Durand préfère se contenter de quelques clichés.
Non ! La déconstruction ce ne sont pas des concepts figés et autoritaires. Oui ! C’est une pensée en perpétuelle construction. Non ! « Ce n’est pas redire mais dire à nouveau » [3], d’une autre manière, sur un autre ton.
Tout le contraire des assertions d’un Alain Finkielkraut, des bons mots d’un Guillaume Durand, des jérémiades d’une Josyane Savignau en pleine crise d’"Angotcentrisme", mêlant auto fiction aux faux accents bourdieusiens pour expliquer l’impossibilité qu’elle aurait eue aujourd’hui, issue qu’elle était du prolétariat, de prendre l’ascenseur social lui permettant d’accéder à son siège de rédactrice en chef du Monde des livres. De nos jours, dit-elle, il est impossible pour une fille d’ouvrier d’occuper ma fonction. Mais qui donc empêche Josyane Savignau d’engager une fille issue d’une famille ouvrière en lieu et place de Philippe Sollers [4].
Quant à Alain Finkielkraut, il pouvait continuer à fulminer, au bord de l’explosion, contre des « adversaires » certes discutables (mais Finkielkraut ne discute qu’avec lui-même) : Monsieur Thélot et son rapport sur l’éducation nationale, et contre Monsieur Hamon et les millions de profs et d"élèves dont ce dernier essayait de prendre la défense.
Geoffroy Galouzeau,
le 22 octobre 2004
– Lire également « Brouillon de culture : Finkielkraut à « Campus » (France 2) » (Acrimed)