Accueil > Critiques > (...) > Dérives et résistances (2004-2005)

Appel contre la censure par France Culture de la diffusion d’ un documentaire

Nous publions ci-dessous un appel de Robin Hunzinger et Jean-Philippe Chalte, auteur et compositeur d’un documentaire interdit de programmation dans un festival par Laurence Bloch, directrice adjointe de France Culture (Acrimed)

Appel contre la censure de France Culture

Le 26 septembre 2004, le documentaire radiophonique Les yeux grand fermés de Robin Hunzinger et Jean-Philippe Chalte membres du Collectif des ressources a été diffusé dans le cadre de l’Atelier de création radiophonique de France Culture.

Ce documentaire radiophonique doit être programmé dans le cadre du festival « Traces de vies 14e rencontres du film documentaire », à Clermont-Ferrand le 25 novembre 2004.

Laurence Bloch, directrice adjointe de France Culture s’oppose à sa programmation dans le cadre du festival « Traces de vies » le 25 novembre à 18 heures alors que ce documentaire radiophonique a été diffusé en septembre sur cette radio du service public.

Les yeux grand fermés est un documentaire radiophonique sur trois villes palestiniennes en train de mourir de différentes façons, une pièce sur trois formes d’enfermement et d’étouffement.

Tout d’abord Qalqilya. La ville, située près de la ligne verte (frontière de 1967), est entourée par un mur haut de 9 mètres et par des barbelés infranchissables, interdits par les conventions humanitaires. Un seul point de passage la relie au reste de la Cisjordanie, contrôlé par l’armée israélienne qui peut le fermer à n’importe quel moment. Des miradors, des caméras vidéo, des capteurs sonores et une route entourant la ville complètent le dispositif de surveillance. Qalqilya est en train de devenir une prison. D’après la municipalité, la construction du mur de sécurité a signifié la confiscation d’un tiers des terres cultivables et des réserves d’eau de ce district connu comme « le grenier de la Cisjordanie ». Le taux de chômage d’environ 65% a poussé 6.000 résidents à abandonner la ville au cours des derniers mois pour chercher du travail ailleurs. Beaucoup d’habitants sont incapables de payer leurs impôts, et les dettes de la municipalité envers la compagnie israélienne de distribution d’électricité ont suscité des menaces de coupure.

Ensuite Hébron. La cité est partiellement occupée par une garnison israélienne qui protège quelque 400 membres de plusieurs colonies, situées au centre ou en bordure de la vieille ville. Ici la ville est en train de se vider de l’intérieur, le centre est peu à peu paralysé. La frontière se déplace à l’intérieur, invisible au premier abord. C’est le seul endroit où des équipes d’observateurs internationaux (scandinaves, turcs et italiens), sans pouvoir d’interposition mais avec un devoir de rapport, jouent un certain rôle modérateur. Les appelés israéliens aussi s’interposent parfois et manifestent ouvertement leur lassitude d’avoir à garantir la sécurité des colons dans ces conditions.

Enfin Naplouse. C’est l’une des dernières villes à lutter contre l’occupation. Elle est assiégée et coupée du reste de la Cisjordanie par plusieurs barrages qui entravent la circulation. Elle est régulièrement soumise (50 jours en 2003) à un couvre-feu total, qui interdit aux habitants de sortir de leurs appartements. Ainsi quelque 200.000 personnes sont emprisonnées dans leur propre ville. Les barrages de Beit Iba, Azmout et Huwwara qui entourent la ville de tous côtés, sont les plus sévères parmi ceux de Cisjordanie. Même des femmes sur le point d’accoucher et des vieillards malades rencontrent les pires difficultés pour les franchir, et la majorité des habitants n’essayent même plus.

Nous, auteur et compositeur de cette pièce radiophonique avons décidé de le mettre en ligne sur internet pour que chacun juge et surtout entende ce documentaire :
url du site : http://www.larevuedesressources.org/article.php3?id_article=336/
(les yeux grands fermés), en mp3 stéréo moyen débit, ou en Real audio, bas débit)

L’auteur et le compositeur s’opposent à la censure de France Culture et présenteront malgré l’interdiction de la chaîne de radio publique ce documentaire radiophonique au festival « Traces de vies ».

Et il tiennent à souligner que :

- Ce documentaire radiophonique ne fait aucun éloge du terrorisme.
- Qu’il montre juste la situation dans trois villes palestiniennes au mois de janvier 2004.
- Qu’ils ne comprennent pas cette censure venant d’une chaîne de radio publique qui a déjà diffusé ce documentaire.
- Qu’ils s’interrogent sur la censure exercée par Laurence Bloch

Robin Hunzinger et Jean-Philippe Chalte

_____________

Pour protester : envoyer des mails à [adresses périmées, novembre 2014]

Laurence.bloch@

et/ou

Laure.adler@

Ou écrivez à :

Laurence Bloch
France Culture
116 avenue du Pdt Kennedy
75220 Paris cedex 16

Et envoyer-nous vos messages de soutien à collectif-ressources.org

Pour toute info :

Festival traces de vies / 14èmes Rencontres du film documentaire / Clermont-Ferrand/Vic le Comte
Tél. : 33 (0)4 73 69 99 02
télécopie : 33 (0)4 73 69 99 01
tdv-ufts@

Robin Hunzinger
(auteur du documentaire)
robinhunzinger@

Jean-Philippe Chalte
(compositeur du documentaire)
jeanphilippechalte@


Extraits d’articles de presse avant la diffusion du documentaire sur France Culture le 26 septembre 2004.

 Les Inrockuptibles, 22 septembre 2004, Pacal Mouneyres

La Palestine, une terre en voie d’abstraction. Frontières mobiles et déplacées, villes qu’on fere et rouvre, espace décomposé par les enceintes. Les Yeux grand fermés dessine la géographie sonore d’un territoire à qui l’on interdit toute définition, devenu incohérent à force d’être manipulé. Les témoignages des habitants de Hébron ou de Naplouse expriment cette évidence : c’est au sentiment d’appartenance à une réalité stable que l’armée israélienne s’attaque. Carnet de voyage mais aussi fresque bruitiste, hantée de sirènes et d’échos diffractés, le documentaire de Robin Hunzinger restitue l’inquiétante avancée de délocalisation interne. On prend le chemin du meurtre et du contre-meurtre », prévient, en ouverture, la philosophe Anne Brunswic.

 L’Humanité, 24 septembre 2004, Ixchel Delaporte
Voyage au coeur d’un peuple renié

Surtout ne plus rien entendre, mettre en sommeil toutes les sensations. Ne plus éprouver la douleur, la peur, la violence. Ne plus écouter les tirs et les cris incessants. Comment vivre et survivre en Palestine ? Robin Hunzinger, auteur du documentaire les Yeux grand fermés, diffusé sur France-Culture ce dimanche à 22 h 40 s’est rendu dans trois villes palestiniennes : Qalqilya, Hébron et Naplouse. Il y recueille des témoignages qui exhalent une tristesse sans fond. Les voix semblent perdues au milieu d’un isolement imposé par l’armée israélienne.

Les hommes sont des fantômes, les lieux sont vides. « La mort, c’est essayer d’ignorer l’existence de l’autre, la mort, c’est celle des valeurs, celle de l’interdiction de circuler. C’est imposer une machine de guerre aux plus pacifistes. La mort, c’est le silence, c’est quand on empêche même le courant d’air de passer », explique un Palestinien.

Anne Brunswic, auteur de Bienvenue en Palestine, chroniques d’une saison à Ramallah, est une des guides du réalisateur. Elle, française juive, condamne la politique israélienne qui « met dans des réserves le peuple palestinien ». Et d’ajouter : « Je suis inquiète de voir que la majorité des juifs dans le monde cautionne cette politique raciste. On ne prend pas le chemin de la justice, ce qui se passe ici est une barbarie totale. » Arrivé à Qalqilya, après avoir passé quatre heures de barrages, Robin Hunzinger ressent l’oppression quotidienne vécue par les habitants. La ville est une prison entourée d’un mur de neuf mètres de haut et de barbelés infranchissables. « Ils nous ont détruits », dit un homme, avant d’ajouter avec un brin d’espoir : « j’espère qu’un jour le mur sera détruit ». Ce documentaire radiophonique pénètre dans un monde à part, invitant l’auditeur à fermer les yeux pour ouvrir grand ses oreilles et sa conscience.

 
Acrimed est une association qui tient à son indépendance. Nous ne recourons ni à la publicité ni aux subventions. Vous pouvez nous soutenir en faisant un don ou en adhérant à l’association.

A la une

France Inter, Sciences Po et la Palestine : « nuance » ou calomnie ? (3/3)

Comment France Inter défigure un mouvement étudiant.