Le communiqué d’Edwy Plenel
J’ai confirmé, ce lundi matin, à Jean-Marie Colombani ma décision de ne plus assumer la responsabilité de directeur de la rédaction du Monde.
C’est l’aboutissement d’une réflexion ancienne dont je l’avais informé, ainsi qu’Alain Minc, à plusieurs reprises : après dix années dévouées à l’animation éditoriale de notre collectivité, je souhaitais revenir aux joies simples du journalisme et de l’écriture. Quand je leur ai annoncé, fin octobre, ma décision, Jean-Marie et Alain se sont efforcés de me retenir, en raison des difficultés économiques qui sont aujourd’hui les nôtres. Leurs propositions n’ont pas su vaincre mes réticences.
J’assumerai les fonctions que je quitte jusqu’à notre déménagement pour le boulevard Blanqui.
Que toutes celles et tous ceux qui, jour après jour, ont participé à ces dix années de combat pour l’indépendance éditoriale et économique du Monde reçoivent, ici, le témoignage de ma gratitude.
Edwy Plenel
le 29 novembre 2004
La lettre de Jean-Marie Colombani
Chers amis,
Nous vivons un moment que je ne souhaitais pas vivre. Et dont j’avais refusé la perspective lorsque, comme il vous l’a dit, Edwy l’avait envisagé et me l’avait lui-même proposé. C’est un moment bouleversant pour moi parce que c’est la fin d’une période de dix ans pendant laquelle Edwy et moi avons été indissociables. Lien indissoluble au service du Monde qui nous a permis de relancer le journal, de restaurer son leadership, au point de devoir payer cette « prime négative au leader » qui fait que, lorsque la presse est en question, lorsque le journalisme est questionné, c’est Le Monde que l’on attaque. Innover et faire la différence on été les maîtres-mots de cette phase de notre vie qui a redonné une quasi décennie brillante au Monde.
Dix ans pour Edwy d’un extraordinaire dévouement au journal, d’une énergie de tous les instants mis au service d’une rédaction, comme un formidable capteur d’un temps auquel il faut, en permanence, s’adapter, et comme un non moins extraordinaire transformateur, transmetteur d’idées et d’énergie à cette collectivité.
Edwy vit lui aussi, lui d’abord, un moment plus bouleversant encore. Il n’est pas simple, dans nos métiers et surtout à ce niveau de responsabilité, de changer de fonction et de rôle. Edwy a suscité autour de lui, pour beaucoup d’entre vous, une véritable ferveur. Ce changement sera donc, pour toute notre maison, un traumatisme. Qui plus est dans un moment difficile. Il nous aidera à le surmonter et à le transformer. Car je connais son profond désintéressement. Et je ne doute pas qu’il sera à nos côtés, à mes côtés, d’abord pour exister, au Monde, comme le très grand journaliste qu’il est, et aussi j’espère pour conduire et affronter, en notre nom, de nouveaux défis, notamment dans la sphère intellectuelle.
Je voudrais vous redire, malgré les difficultés actuelles, ma conviction que nous pouvons et bien sûr devons sortir renforcés de cette crise.
Il y faut deux conditions. De ne pas lâcher le fil de notre histoire. C’est notre histoire qui continue. A aucun moment dans les étapes que nous devrons franchir, étapes économiques, notre indépendance économique et éditoriale n’est et ne sera menacée. C’est en tout état de cause, le même combat qu’il s’agit de poursuivre.
Il nous faut aussi être capable, au service du Monde, de nous rassembler, de forger dans une cohésion retrouvée la force de l’élan dont nous avons besoin. Il m’appartiendra de faire en sorte, en prenant le temps nécessaire, dans le respect des compétences, que chacune et chacun puisse apporter sa pierre.
La décision d’Edwy au fond nous oblige à dépasser ici les crispations, là les insatisfactions ou les inquiétudes, pour nous relancer. Il sera dur de faire aussi bien qu’avec Edwy. Nous devons donc tous ensemble nous y atteler.
Jean-Marie Colombani