Du point de vue des parents...
L’entame du journal du 20 janvier est consacrée à la journée de grève et, dès sa première intervention, Christophe Hondelatte laisse présager qu’il est un peu « exaspéré » par ce « nouveau » conflit. Retranscription :
« On va commencer ce 13h en se mettant en quelque sorte à la place des parents qui ont eu à faire face ce matin à une nouvelle grève des profs. ». « Nouvelle grève » ? Alors que le dernier mouvement de grève des personnels de l’Education Nationale date du 25 mai 2004 (un mouvement assez peu suivi d’ailleurs, 9,52% de grévistes), soit il y a 8 mois, on peut s’étonner que cette grève soir qualifiée de « nouvelle » [1]. Hondelatte donne ainsi l’impression que les grèves s’enchaînent, mais c’est bien connu les fonctionnaires sont toujours en grève. Au passage, le mouvement social est une nouvelle fois abordée sous l’angle « pauvre citoyen pris en otage », traitement dorénavant habituel.
« C’est une grève très suivie puisqu’on parle à l’heure qu’il est de 40 à 50% de grévistes dans les écoles, les collèges et les lycées, avec des différences importantes selon les établissements, et avec toutes sortes de cas de figures : parfois les profs sont en grève mais l’école accueille les gamins, parfois elle ne les accueille pas mais c’est la mairie qui le fait, parfois il n’y a strictement personne pour s’occuper des gosses (sic) et alors là il faut trouver au dernier moment une nounou, une mamie, ou alors prendre une journée de congés... ». « Au dernier moment » ? Pourtant le préavis de grève avait été déposé une semaine auparavant... Mais passons.
Au nom des usagers
« Alors on aurait tort de réduire cette journée de grogne sociale à une grève des profs, aujourd’hui c’est toute la fonction publique qui est en grève, pour la défense du pouvoir d’achat, et pour les profs contre la réforme Fillon, on va faire un point précis sur la mobilisation à la mi-journée... ». « Grogne », le mot est lâché [2]. Et puis « c’est toute la fonction publique qui est en grève ». On ne nuance pas en précisant que ce sont tous les corps de fonctionnaires qui se mobilisent, non, ce sont tous les fonctionnaires qui sont en grève, qui « grognent ». On ne s’attardera pas sur le fait que les revendications soient traitées plus que brièvement.
« Quant à la grève à la SNCF, elle s’est terminée normalement ce matin à 8h, mais, comme d’habitude, il y a quelques Gaulois qui font de la résistance... On nous signale des perturbations dans les Alpes-Maritimes et en Loire-Atlantique et surtout en Limousin où aucun train TER ne circule aujourd’hui. La direction de la SNCF a mis en place en Limousin un système de transport par autocars. » ? Après les grognements inhumains, les Gaulois résistants... Face à eux, les victimes des « perturbations », secourus pas la direction de la SNCF. Christophe Hondelatte choisit ses mots avec précision, afin que l’on ne puisse pas se méprendre sur ses sentiments envers ces hommes d’un autre temps qui font grève « comme d’habitude ».
Au nom de la loi
« Concernant ces grèves depuis le début de la semaine, mardi La Poste, hier la SNCF, aujourd’hui la fonction publique et notamment l’éducation nationale, il y’a un vrai changement quand même cette année : aujourd’hui il n’est plus question de payer les jours de grève, le gouvernement s’est engagé, c’est la loi, quand on fait grève on n’est pas payé, et ça c’est une vraie nouveauté, pendant des années cette loi n’a pas été appliquée. ». Qui parle ? La loi, le gouvernement, Hondelatte ? Pas de précision. Il faut en conclure que Hondelatte est devenu le porte-parole du gouvernement...
... Et son messager en désinformation. En effet, le reportage censé illustrer ses propos leur apporte un cinglant démenti. Tout d’abord, Christelle Marti, journaliste, précise que les fonctionnaires grévistes « pouvaient conserver une partie de leur salaire lors de négociations dites de « fin de conflit » ». « Une partie » : pas tout. A l’issue de négociations. Autrement dit, le gouvernement refuse de négocier et fait payer aux grévistes leur indocilité. Et Gérard Aschiéri, pour la FSU, conclut au sujet de cette intervention du gouvernement : « il y avait vraisemblablement l’idée de suggérer à l’opinion publique que, « en général, les fonctionnaires, ces privilégiés c’est bien connu, ils ne... ils font grève gratuitement, ça ne leur coûte rien de faire grève », or c’est faux ». Ces nuances ont du échapper au bon Monsieur Hondelatte, content de suggérer, lui aussi, que les fonctionnaires jusqu’alors faisaient grève gratuitement.
Conclusion : Hondelatte veut se convaincre que l’opinion publique pense comme lui puisqu’il pense pour elle et parle en son nom. Mais cette opinion publique n’existe pas. Pathétique Hondelatte.
Jean-Jacques Donovan