Un éditorialiste angoissé : Olivier Pïcard
C’est bien entendu la crainte d’un non majoritaire au référendum sur la Constitution européenne qui déchaîne notre éditorialiste : « Le oui en faveur de l’adoption de la Constitution européenne, qui semblait solide au début de l’automne, fond comme neige au soleil au coeur de l’hiver. Toutes les enquêtes d’opinion montrent son tassement continu au fur et à mesure que le référendum se rapproche. Et comme l’échéance est encore loin, cette tendance a toutes les chances de s’accentuer encore. »
Simple constat ? Non ! Un cri d’alarme : « On croit revivre un scénario à la Maastricht quand le oui, dont la victoire semblait pourtant inéluctable, avait dû se contenter, au final, d’un très modeste 51 % acquis à l’arraché. Heureusement pour lui, que la campagne n’avait pas duré plus longtemps... »
Simple répétition de l’horrible scénario ? Non ! Une horreur aggravée : « Le non de 2005 part de moins loin que celui d’il y a treize ans. Et il a beaucoup plus de muscle pour refaire son retard. C’est qu’il est poussé dans le dos par un vent facile qui réunit tous les souffles négatifs dont la France est capable. »
On croit entendre le Maréchal Pétain mobilisé contre « les vents mauvais ». La cause est entendue : le « Oui » est héroïque, le « Non » et ses partisans, légers, irrationnels et méprisables.
Des électeurs méprisable : les partisans du « Non »
Irrationnels, puisqu’ils sont sous l’emprise de tristes passions, comme le montre la liste des « souffles négatifs » : « Le ras-le-bol d’une Europe à vingt-cinq difficilement lisible, les peurs diffuses d’une mondialisation perçue comme une menace, les fantasmes d’une Turquie musulmane et conquérante, la tentation du repli sur une nostalgie nationale douillette et frileuse. »
Tout suggère une accumulation de maladies qui appellent des soins d’urgence. Et ce n’est pas fini :
Des symptômes qui ne surprennent pas, auxquels s’ajoutent une humeur maussade [c’est saisonnier, comme la grippe] et quelques réflexes brouillons qui mêlent le rejet de la politique sociale du gouvernement, la colère des syndicats, comme la CGT ou FO - prenant parti, pour la première fois dans un scrutin -, le mauvais moral, tout simplement, devant la conjoncture économique. Cela fait beaucoup. En effet !
On appréciera d’apprendre que le « rejet de la politique sociale du gouvernement » et la « colère des syndicats (ainsi que les centaines de milliers de manifestants contre la prétendue « réforme » de la loi sur les 35 heures, sans doute) sont des « réflexes brouillons....
Des électeurs méprisés : les partisans du « Oui »
Mais les électeurs potentiellement favorables au « Oui » sont à peine mieux lotis.
« En face, le oui a bien peu d’atours [Attention, l’artiste va filer la métaphore...], sinon romantiques, pour contrer un coup de gueule qui enfle. Mal expliqué par ses partisans [C’est la faute à la communication...] qui s’en tiennent à un propos - au demeurant légitime - de conviction [trop rationnel, pas assez émouvant...], mollement défendu par un PS gêné aux entournures [...] , plombé par une UMP qui, elle-même, semble hésiter [...], il n’apparaît guère sexy aux yeux d’un électorat qui a besoin d’être séduit. »
A quoi peut bien ressembler un « oui sexy » ? S’il est masculin, c’est Jean »s moulant et barbe virile ? S’il est féminin, c’est bas résilles et talons hauts ? D’accord, c’est Carnaval en Alsace, mais tout de même ! Plus sérieusement : à qui s’adresse cet éditorial qui explique que les électeurs doivent être non pas convaincus, mais séduits ? C’est apparemment peine perdue pour que les partisans du « non » travaillés par des pulsions impures. Mais cela reste à faire pour les partisans du « Oui » les moins motivés. Alors qui ?
Résumons et complétons : « En face, le oui a bien peu d’atours [...] il n’apparaît guère sexy aux yeux d’un électorat qui a besoin d’être séduit. D’autant plus que la masse des sans opinion pèsera lourd dans la balance. On peut douter que l’envoi aux électeurs d’un traité constitutionnel de 180 pages puisse les charmer... »
Ah séduire les hésitants, inaccessibles aux arguments ! Les charmer, comme seul sait le faire tel éditorialiste des DNA s’adressant à ceux qui sont encore « sans opinion » parmi les lecteurs !
Editorialiste ou conseiller en communication ?
Et notre conseiller en communication de conclure :
« 60-40 (selon CSA) ou même 59-41 (selon IPSOS) : l’écart en faveur du oui semble presque miraculeux aujourd’hui. Il faudrait y voir la fidélité d’une large majorité de Français à la poursuite de la construction européenne. Combien de temps cet attachement, réel et rationnel [1] mais un peu aveugle tout de même, résistera-t-il à la coalition de toutes les démagogies, mais aussi à une ode européenne trop souvent élitiste ? »
Ainsi les fidèles dont l’attachement rationnel est « un peu aveugle tout de même » [leur attachement n’est donc pas si rationnel que ça...) risquent de devenir les victimes de « la coalition de toutes les démagogies » [leur attachement n’est donc pas aussi réel qu’il le faudrait...]. Pauvre peuple des partisans du « Oui » qu’Olivier Picard a en charge d’instruire. Instruire ? Pas vraiment... Puisque « l’ode » (sic) européenne est « trop souvent élitiste », il ne reste plus qu’à « séduire ».
Nul doute qu’avec un tel mépris pour la plupart des lecteurs et des électeurs, qu’ils envisagent de voter « pour » ou « contre », notre journaliste-précepteur-du-peuple y soit parvenu !
Colmar et Stanislas