Après avoir évoqué le sondage qui donnait 51% d’intentions de vote favorables au « Non », Laurent Ruquier déclare : « Maintenant moi je suis ravi de faire partie du côté des minoritaires... [...] Puisque le "Oui" était majoritaire, maintenant c’est le "Non" qu’il l’est... »
Réplique de Gérard Miller : « Vous ne faites pas encore partie des minoritaires en temps de parole... dans les médias et dans les journaux.
Il n’en faut pas plus pour que Laurent Ruquier se lance dans une agression (verbale, certes), dont la virulence n’est pas restituée par une transcription écrite [2] (en gras : souligné par nous). Reprenons :
Gérard Miller : - Vous ne faites pas encore partie des minoritaires en temps de parole... dans les médias et dans les journaux. »
Laurent Ruquier : - Ah non il faut arrêter de dire ça ! Ca c’est pas vrai ! Alors ça c’est un argument qu’utilisent tous ceux qui disent non. C’est pas la vérité : on vous entend tous les jours dire non à la constitution et au référendum !
Gérard Miller : - Oh mais arrêtez... mais on dit pas non ! J’ai pas... Je me pose des questions ! Mais c’est incroyable !...
Laurent Ruquier : - Alors, mais c’est pas ça que je vous dis ! Je veux bien que vous disiez non à... au référendum mais n’utilisez pas comme argument le fait que vous n’avez pas le même temps de parole que les autres, c’est pas vrai on n’entend que vous tout le temps !
Gérard Miller : - Laurent... mais non mais Laurent...
Laurent Ruquier : - Ça c’est vraiment alors l’argument facile
Gérard Miller : - Mais pas du tout ! Je vous assure que je m’intéresse aux élections depuis très longtemps, je n’avais jamais vu une élection - en tout cas un référendum - où il y ait depuis le départ une telle pression pour qu’on vote d’un côté ou de l’autre !
Laurent Ruquier : - Mais ce n’est pas vrai ! Mais on entend tous les jours Laurent Fabius, Henri Emmanuelli, Jean-Luc Mélenchon, Philippe de Villiers on les entend tous les jours ! Enfin... Arrêtez d’utiliser cet argument alors c’est... Alors là pardon de vous comparer Gérard Miller mais c’est le même argument que Jean-Marie...
Gérard Miller : - Ah non, non... mais vous ne me ferez pas peur Laurent
Laurent Ruquier : - Mais pardon de vous le d... mais c’est la vérité ! C’est le même argument que Le Pen.
Gérard Miller : - Vous ne me ferez pas peur Laurent...
Laurent Ruquier : - C’est... c’est le... C’est le complot médiatique.
Gérard Miller : - Mais il y a pas de complot médiatique...
Laurent Ruquier : - Mais si enfin !
Gérard Miller : - Il y a des temps de parole : on les a mesurés ! Mais c’est incroyable !
Laurent Ruquier : - Ah ben, c’est Le Pen, les propos de Le Pen, merde ! À chaque présidentielle, c’est de dire ça, c’est de dire...
Inutile de prolonger, bien que la scène se poursuive sur le même ton et avec les mêmes arguments. Il suffit d’écouter (et de lire la transcription intégrale que l’on peut trouver à la fin de cet article).
L’auditeur aura goûté la grossièreté polémique du propos...
- on n’entend que les partisans du « non » ;
- le récuser, c’est reprendre les arguments de Le Pen.
... et apprécié particulièrement la finesse de Pierre Bénichou dont les jeux de mots - sur Massu, Bigeard et Mélenchon - illuminent le débat et les arguments (dignes du Nouvel Observateur ?), et peuvent être résumés en trois phrases :
- La preuve que les partisans du « non » ont la parole, c’est qu’on a vu la tête de Fabius sur tous les magazines !
- Le non de gauche est le non de droite sont assimilables et forment une alliance qui suffit à justifier que l’on vote « oui ».
- La discipline de parti impose aux membres du Parti socialiste qui « annoncent, eux, qu’ils sont contre - contre l’Europe » (sic) de se taire : « On n’a pas le droit de dire, on a pas le droit de faire un meeting si on est membre du Parti socialiste une fois que le Parti socialiste a démocratiquement voté pour l’Europe, un point c’est tout, merde ! »
Sans commentaires... exceptés ceux-ci :
- la pollution du débat public par les émissions de divertissement a atteint depuis longtemps le seuil d’alerte.
- La controverse légitime sur les temps de parole ne doit pas dissimuler l’omniprésence des éditorialistes, chroniqueurs et fantaisistes favorables au “oui” (qui s’excluent de la comptabilité des temps de parole), mais surtout les conditions qualitatives d’expression des arguments défavorables au Traité constitutionnel.
Laurent Ruquier, finalement, n’est qu’un imitateur.
Henri Maler
Bis. La même scène se reproduit, toujours sur Europe 1, le 23 mars 2005. Et quand Gérard Miller, appuyé cette fois par Elisabeth Lévy, maintient qu’il y a un déséquilibre dans les temps de parole, Laurent Ruquier, tout en proclamant qu’il « déteste la mauvaise foi », se lance dans une nouvelle caricature : « Il est évident que M. Fabius n’a pas d’accès aux médias, pas de parole dans les temps de médias [sic]. On l’entend jamais, on le voit jamais, Monsieur Laurent Fabius ! [Rires du public] Laurent Fabius, c’est quelqu’un qui n’a pas accès au micro, c’est évident... Enfin, arrêtez vos conneries ! » [3]. Et sous couvert d’un trait d’humour, c’est encore l’amalgame entre le « non » de gauche et le « non » de droite et d’extrême-droite qui s’impose : « Aujourd’hui, je lis dans France Soir : Maître Collard appelle à voter “non”. Franchement... qu’est-ce que vous voulez, quand vous vous retrouvez dans le camp... pardon, je suis désolé, mais Philippe De Villiers, Jean-Marie Le Pen, José Bové et Maître Collard ! Ça vous incite pas Gérard Miller ! [Rires du public] ».
Transcription intégrale de la séquence de « On va s’Gêner » du vendredi 18 mars 2005 consacrée au référendum.