Accueil > Critiques > (...) > La face cachée du Monde et ses suites

Une pigiste licenciée par Daniel Schneidermann gagne aux prud’hommes

par Jérôme Martineau, Stéphane Leroy,

Pour Daniel Schneidermann, les vendredis - jour de sa chronique sur les médias dans Libération - se suivent et ne se ressemblent pas. Le vendredi 13 mai 2005 le conseil de prud’hommes de Paris lui donnait raison dans son procès au Monde pour licenciement abusif, le vendredi suivant, 20 mai, le même conseil de prud’hommes a donné raison à la pigiste qu’il avait révoquée de façon expéditive en septembre 2003.

Retour sur les faits et les circonstances

Comme nous l’avions rapporté en octobre 2003 [1], Perline, pigiste de l’émission Arrêt sur Images pour laquelle elle réalisait des articles publiés sur la partie du site web de France 5 dédiée à l’émission, pendant la saison 2002-2003, avait été licenciée par Daniel Schneidermann. Un licenciement curieux, observions-nous à l’époque : après que l’animateur de l’émission ait annoncé au téléphone à sa pigiste la fin de sa collaboration, il la signifiait publiquement dans le forum Internet dédié à « Arrêt sur Images ». Quelques jours plus tard, le même Daniel Schneidermann dénonçait le mauvais procédé du Monde quand le quotidien publiait sa lettre de licenciement dans ses colonnes...

Pour avoir refusé d’écouter Perline, Daniel Schneidermann a involontairement pris parti dans un conflit... au sein du Réseau Voltaire, dont le conseil d’administration comportait Perline parmi ses membres depuis juin 2002, avant qu’elle n’en démissionne avec éclat en février 2003 [2]. C’est le message d’un internaute dans le forum dédié à « Arrêt sur Images » et donnant le lien vers cette page du Réseau Voltaire qu’avait effacé Perline fin août 2003, ce qui lui a valu le licenciement que les Prud’hommes viennent de juger abusif.

Même les pigistes ont des droits

Après deux audiences sur le fond, le conseil de prud’hommes de Paris a rendu le 20 mai 2005 son prononcé de délibéré, estimant le licenciement abusif car dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le communiqué de Perline sur son propre site précise que Daniel Schneidermann, convoqué par huissier aux deux audiences de fond, a ignoré ces convocations. Le 20 mai, les prud’hommes ont condamné la société Riff Productions, qui produit l’émission, à verser à Perline 3 672 euros de dommages et intérêts (avec exécution provisoire), ainsi que divers rappels et indemnités.

De même que la victoire aux Prud’hommes de Daniel Schneidermann, licencié par Le Monde, est une bonne nouvelle pour la liberté d’expression, la victoire aux prud’hommes de Perline, licenciée par Daniel Schneidermann, est une bonne nouvelle, pour le droit des pigistes [3].

C’est aussi une bonne nouvelle pour le droit des salariés à une vie privée et à ne pas avoir à justifier de leurs engagements personnels envers leur employeur, fût-il animateur de télévision.

Dans son blog, Daniel Schneidermann écrit à propos de son propre licenciement par Le Monde : « Depuis le premier jour, je ressens ce licenciement comme une injustice, un abus de pouvoir de la direction ».

C’était sans doute également le sentiment de Perline.

Stéphane Leroy et Jérôme Martineau

 
Acrimed est une association qui tient à son indépendance. Nous ne recourons ni à la publicité ni aux subventions. Vous pouvez nous soutenir en faisant un don ou en adhérant à l’association.

Notes

[2Voir, sur le site d’Amnistia (lien indisponible), la démission de Perline du Réseau Voltaire (en PDF) deux ans plus tôt. Or dans la présentation sur son site, ledit Réseau a publié ensuite le nom de naissance de Perline (« X, dite Perline, démissionnaire ») - mention retirée depuis. Et pour laquelle le Réseau Voltaire vient d’être condamné par le Tribunal de grande Instance de Bobigny, nous précise Perline.

[3L’avocat de l’émission a plaidé, et fait écrire dans la lettre de licenciement, que l’entreprise est « en droit, dès lors qu’il existe un motif quelconque, de mettre fin à tout moment sans procédure particulière à la collaboration d’un journaliste pigiste », au mépris du code du travail et de la jurisprudence.

A la une

Sortie du Médiacritiques n°52 : Médias et écologie

À commander sur notre site ou à retrouver en librairie.