Retour sur les faits et les circonstances
Comme nous l’avions rapporté en octobre 2003 [1], Perline, pigiste de l’émission Arrêt sur Images pour laquelle elle réalisait des articles publiés sur la partie du site web de France 5 dédiée à l’émission, pendant la saison 2002-2003, avait été licenciée par Daniel Schneidermann. Un licenciement curieux, observions-nous à l’époque : après que l’animateur de l’émission ait annoncé au téléphone à sa pigiste la fin de sa collaboration, il la signifiait publiquement dans le forum Internet dédié à « Arrêt sur Images ». Quelques jours plus tard, le même Daniel Schneidermann dénonçait le mauvais procédé du Monde quand le quotidien publiait sa lettre de licenciement dans ses colonnes...
Pour avoir refusé d’écouter Perline, Daniel Schneidermann a involontairement pris parti dans un conflit... au sein du Réseau Voltaire, dont le conseil d’administration comportait Perline parmi ses membres depuis juin 2002, avant qu’elle n’en démissionne avec éclat en février 2003 [2]. C’est le message d’un internaute dans le forum dédié à « Arrêt sur Images » et donnant le lien vers cette page du Réseau Voltaire qu’avait effacé Perline fin août 2003, ce qui lui a valu le licenciement que les Prud’hommes viennent de juger abusif.
Même les pigistes ont des droits
Après deux audiences sur le fond, le conseil de prud’hommes de Paris a rendu le 20 mai 2005 son prononcé de délibéré, estimant le licenciement abusif car dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le communiqué de Perline sur son propre site précise que Daniel Schneidermann, convoqué par huissier aux deux audiences de fond, a ignoré ces convocations. Le 20 mai, les prud’hommes ont condamné la société Riff Productions, qui produit l’émission, à verser à Perline 3 672 euros de dommages et intérêts (avec exécution provisoire), ainsi que divers rappels et indemnités.
De même que la victoire aux Prud’hommes de Daniel Schneidermann, licencié par Le Monde, est une bonne nouvelle pour la liberté d’expression, la victoire aux prud’hommes de Perline, licenciée par Daniel Schneidermann, est une bonne nouvelle, pour le droit des pigistes [3].
C’est aussi une bonne nouvelle pour le droit des salariés à une vie privée et à ne pas avoir à justifier de leurs engagements personnels envers leur employeur, fût-il animateur de télévision.
Dans son blog, Daniel Schneidermann écrit à propos de son propre licenciement par Le Monde : « Depuis le premier jour, je ressens ce licenciement comme une injustice, un abus de pouvoir de la direction ».
C’était sans doute également le sentiment de Perline.
Stéphane Leroy et Jérôme Martineau