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Après le vote

En guise de bilan, sur France Inter : un éloge des éditorialistes inoffensifs

Yves Decaens, préposé à la revue de presse du 7-9 sur France Inter, excelle dans cet exercice qui consiste à détourner les bribes de la presse du jour vers ce qui est, à ses yeux, la vérité absolue. Un ton dans la citation, un court commentaire ironique suffisent à appuyer ou discréditer ce qu’il a relevé dans la prose de ses collègues. Dernier exemple en date, sa contribution du mercredi 1er juin (7h33 - 7h40) à la fin de laquelle il glisse son jugement (sans appel puisque sans contradicteur) sur l’attitude de ses collègues et amis mobilisés désormais contre les résultats du référendum et contre ceux qui ont refusé le Traité constitutionnel.

Revue de presse


« [...] et puis pour terminer tout à fait, ce que je voulais signaler à ceux qui nous écoutent, auditeurs de
France Inter par conséquent, c’est qu’ils sont, qu’ils étaient majoritairement pour le "oui" (sondage de l’Institut CSA pour Marianne) où l’on voit que 53% des auditeurs d’Inter ont voté « oui ». Il en va de même pour France Info, alors que les auditeurs de RTL penchaient plutôt pour le « non » à 56 % et que sur Europe 1 c’était encore plus tranché : 58% de « oui ».
A la télé, le « non » l’emporte chez tous les téléspectateurs quelle que soit leur chaîne de référence, à 65% pour
M6, 59% pour France 3. Dans la presse, seuls les lecteurs de La Croix, du Figaro, du Monde et des Echos ont voté « oui », d’extrême justesse d’ailleurs pour les lecteurs du Monde ; où l’on voit en tout cas, commentent Philippe Cohen et Simon Marty, qu’en menant campagne unilatéralement pour le oui, certains médias, notamment les médias de gauche, ont profondément heurté leur public ; comme ils ont pu heurter leur propre rédaction puisqu’ « à la base » les journalistes étaient partout beaucoup plus partagés que leur hiérarchie semble-t-il, bref, les médias se sont encore pris une bonne fessée, conclut Marianne en faisant remarquer par ailleurs, ce qui est tout à fait paradoxal, que ce sont aussi les lecteurs du Monde, de Libération, du Nouvel Observateur, et les auditeurs de France Inter, qui ont principalement permis la victoire du « non ». Ce qui prouve qu’ils font la part des choses, les auditeurs, et que les éditorialistes ont eu bien raison d’ "éditorialiser", de faire leur boulot quoi . Bonne journée. »


Bavardages indolores ?

Voila comment le Docteur Yves Decaens vient au chevet de ses amis éditorialistes en interprétant l’interprétation d’un sondage. Comment interpréter son interprétation d’interprétation ? Que retenir de ces fragments sortis de leur contexte et mis bout à bout ? Que les médias ne sont pas tout-puissants ? Nous le savions déjà... Que leur mobilisation à sens unique a pu renforcer le rejet du Traité constitutionnel ... et des éditorialistes à voix multiples, mais à sens unique ? C’est plus que probable et nous l’avions dit [1]. Personne, en tout cas, n’est en mesure de dire ce qu’aurait été le résultat si les préposés aux commentaires ne s’étaient pas presque tous exprimés dans le même sens. Le pluralisme démocratique est une question de principe et non d’opportunité. C’est au moins un principe de précaution contre les effets délétères de la propagande.

Mais Yves Decaens qui, manifestement, n’a pas digéré les critiques adressées aux médias dominants durant la campagne du référendum, ne s’en soucie guère. Il préfère nous proposer un numéro de haute voltige quand il assène sans rire que Bernard Guetta et consorts ont bien fait de matraquer en faveur du « oui » puisque, de toute façon, les auditeurs « font la part des choses ». A n’en point douter, ces impartiaux éditorialistes, n’éditorialisaient nullement dans le but de convaincre leur auditoire. Tout au plus n’étalaient-ils leur science que pour faire connaître au monde leur avis (correctement) éclairé. C’est d’ailleurs ce qu’ils continuent à faire, toute morgue dehors, contre les auditeurs-électeurs qui n’ont pas suivi leurs enseignements monolithiques.

Doctement, Yves Decaens, pour qui le pluralisme ne relève même pas d’un principe de précaution, conclut que « les éditorialistes ont eu bien raison d’éditorialiser, de faire leur boulot quoi . Bonne journée ». Circulez, y a rien à voir...

Jérôme Lefaure

 
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Notes

[1Voir, par exemple, dès le 29 mars, dans cet entretien : « Sous l’appellation mensongère de “pédagogie” » (H. Maler dans L’Huma).

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