1. Publicité et (business des) mesures d’audience.
– Publicité - Marché. Article amer des Echos (4 juillet 2005), par son titre qui a tout l’air d’un reproche (envers la main qui nourrit) : « La presse française, peu soutenue par la publicité l’an dernier » et son récit apocalyptico-fataliste « La reprise de l’investissement publicitaire français espérée pour septembre n’aura pas lieu [...] Après une timide reprise des dépenses publicitaires au premier semestre, celles-ci, tous médias confondus, régresseraient en effet de 0,6 % sur la période allant de juillet à septembre, selon les prévisions. Une posture (sic) qui risque de durer tant que le climat de confiance général n’aura pas été rétabli. Les médias devraient patienter encore quelque temps avant de profiter d’une reprise franche ».
Suivront d’autres chiffres pour plomber plus encore le moral général : « la télévision enregistre sur le premier semestre 2005 une légère érosion de ses recettes publicitaires à - 0,4% » (Le Figaro, 13 juillet 2005) dont 0,7% pour les télévisions hertziennes (92,7% du total).
Pourtant, une seule catégorie de presse (si l’on exclut Internet de ce segment) « se réjouit », celle qui cartonne le plus : la presse magazine (lire plus bas : « Audience et sauvetage de la presse »).
Son atout : une « croissance retrouvée en juin ». Soit « +2,4% par rapport au mois de juin 2004 », et « une progression de “ 9394 pages de pub ” portée par la presse news, la presse féminine et la presse automobile » (Newsletter de CB News, 13 juillet 2005).
– Audience des chaînes thématiques - Intérêt du sport, carton de TF1 et brouillage sur la TNT. Autre classement attendu comme le messie : le Mediacabsat de Médiamétrie (c’est l’étalon-or qui guide les investissements publicitaires tarissant : lire plus haut « Publicité - Marché » et plus bas « Mesure d’audience - Concurrence »)
En juin 2004, il dit : « Eurosport arrive en tête des audiences, à égalité avec RTL9 qui régnait en maître depuis onze ans. »
C’est d’une part la confirmation de l’intérêt (de la vision) du sport en chambre ainsi que de sa forte valeur marchande (« le résultat de notre politique de renforcement de 25 % des programmes de sport en direct », dit Laurent-Eric Le Lay, "fils de" et directeur général d’Eurosport (Les Echos, 7 juillet 2005).
Et d’autre part, un « chamboulement » dans la mesure où « le groupe TF1 impose ses filiales », dont TV Breizh, selon La Tribune (7 juillet 2005).
Enfin, c’est un tracas de plus, car « trois mois après le lancement de la TNT gratuite, il n’existe pas de mesure d’audience spécifique pour ce mode de diffusion ».
Ou une occasion pour le business des mesures, car fort heureusement « Médiamétrie réfléchit à la mise en place d’un véritable outil spécifique pour la mesure de l’audience de la TNT »(Les Echos, 7 juillet 2005).
– Audience et sauvetage de la presse - La France doit fabriquer plus de cadres.
Classements messianiques, suite : enquête Ipsos Médias sur l’audience de 78 titres de presse sur le "cadre actif" (sauveur solvable).
Données du problème : le « cadre actif lit en moyenne 6,2 titres de presse » (La Tribune, 8 juillet 2005) - on ne dit pas quelle publication est lue à 20 %...
Mais « pour les quotidiens, la tendance est à la baisse ». Cela dit, Le Monde « réalise le plus fort taux de pénétration (12,3 %), suivi des Echos (9,4 %), L’Equipe (8,9 %), Le Parisien (7 %), Le Figaro (6,8 %), Libération (5,6 %), La Tribune (4,1 %) et France Soir (1 %). Les mensuels bénéficient d’une grande audience : Géo (le cadre aime rêver - ndr) suivi de Capital (le cadre révise - ndr) et Science et Vie (le cadre s’instruit - ndr).
Parmi les hebdomadaires et bimensuels, « Télérama affiche le plus fort taux de pénétration (le cadre se divertit - ndr) suivi de L’Auto Journal, Le Nouvel Observateur (le cadre est plutôt de gôche - ndr) et L’Equipe Magazine » (le cadre est un homme - ndr).
Problème posé : pour surmonter la crise, la presse quotidienne compte sur la jeunesse de France [1] qui n’a d’engouement que « pour la presse people » (Le Monde, 9 juillet 2005) mais c’est bien le cadre "actif" qu’elle est contrainte de gâter. ce qui éclaire lévolution des contenus...
Solution ? Pour sauver la presse quotidienne et faire prospérer la périodique, la France doit fabriquer plus de cadres : devenir une usine à cadre, formater les jeunes pour ce faire. Une chance pour elle, ils sont déjà solvables : « Alors qu’ils représentent 9 % de la population, [les ados] génèrent directement ou indirectement une manne colossale de 100 milliards d’euros de dépenses chaque année » (Le Figaro Magazine, 9 juillet 2005).
Moralité : la presse à beau se gargagriser à saluer et commenter commissions (Lancelot...), rapports, ou en appeler à l’Etat (lire : « 2. Presse écrite », rubrique « Aide et assistance aux quotidiens »), sinon à « mutualiser les coûts d’impression et distribution » [2]... c’est pourtant entendu pour elle, seule la publicité mène la danse. CQFD.
– Mesure d’audience - Les nouveaux reçus de l’OJD. Il a du faire des heureux (car l’intégrer c’est devenir officiellement apte à recevoir de la publicité) : « suite à la réunion du comité de direction de l’OJD le 7 juillet dernier, trente et un nouveaux titres intègrent l’instance de contrôle de diffusion de la presse » (Le Monde, 5 juillet 2005).
A noter, l’entrée de gratuits : « l’édition nantaise de 20 Minutes, et celles de Nice, Strasbourg et Ouest (Nantes & Rennes) pour Metro ; et dans les périodiques gratuits, Economie Matin, Homme en Ville, Vacances Pratiques et Paru Vendu Paris. »
– Mesure d’audience - Concurrence. Le stratégique business des sociétés qui mesurent évolue : l’une d’elle vient de créer L’Etude qui espère balayer toutes les actuelles, dispersées, et dont la diversité crée la confusion.
C’est l’œuvre d’Audipresse qui chapeaute déjà l’étude d’audience de référence de la presse magazine, l’AEPM, et s’apprête donc à l’intégrer à celle de la presse quotidienne payante, l’EuroPQN, dans ce dispostif visant à simplifier aux annonceurs la visibilité des placements.
Ambition : devenir le Médiamétrie de la presse écrite...
A peine créée, l’étude enregistre déjà la demande d’inscription de la presse quotidienne gratuite (PQG), qui rassemble les quotidiens Metro et 20 Minutes.
2. Audiovisuel.
– Numérisation de la bande FM - Tentative de passage en force de NRJ . Sous la pression du sens de l’Histoire, le CSA « doit » numériser télévision et radio.
Mais avant d’opérer, il a prévu tout de même de planifier la bande FM (redistribuer les fréquences en concertation avec les stations via une « consultation publique », destinée à « connaître les projets et les attentes des acteurs du marché avant de lancer d’éventuelles procédures d’appel aux candidatures », lire L’actualité des médias n°37 (31 janvier au 14 février 2005)).
Or, alors qu’une union des concurrents se dessinait sur une norme technique commune de numérisation, voici qu’NRJ en dégotte une autre qui « permet de numériser rapidement les bandes FM sans avoir besoin de passer, au préalable, par une planification de la bande FM » (Les Echos du 11 juillet 2005).
Un conflit de plus à gérer pour le CSA...
– Regulation audiovisuelle et TNT - La voie est libre. La loi dite « paquet télécoms » a peut-être modifié le nom de l’ART en Arcep [3] sans qu’on sache si sa partialité en sera affectée.
Dans l’un de ses dernier avis, elle propose d’imposer une série d’obligations à TDF mais « de ne réguler aucun autre segment du marché de la diffusion audiovisuelle (câble, satellite, contrats, la télévision sur téléphone mobile) » (Les Echos, 4 juillet 2005).
– Chaînes Thématiques - TF1 et AB propulsent leur nouvel aspirateur à annonceur. « TMC Régie, nouvelle régie publicitaire TV, vient d’adhérer au Syndicat national de la publicité télévisée (SNPTV). Elle commercialise depuis le 1er avril dernier les chaînes TMC (TF1/AB Groupe) et NT1 (AB Groupe) » (Newsletter de CB News, 7 juillet 2005).
Elle rejoint du beau monde [4] et introduit Claude Berda (cofondateur d’AB) dans cette taskforce.
– Croissance externe - TF1 informe « TF1 négocie avec Skyrock, qui est à vendre », dixit, en personne Etienne Mougeotte, dans Nice Matin (3 juillet 2005). Il fallait réagir ? (des fonds d’investissement et 20 minutes menaçaient...)
Décryptage : place au média jeune, après la presse gratuite (Metro) : c’est une tentative d’incursion dans la radio et l’Internet pour le « champion de la télévision », dans un billard à trois bandes éclairé par Le Point (8 juillet 2005), admiratif : « TF1 vise, à terme, la place de numéro un de la radio en France au moment où de nombreuses fréquences vont se libérer grâce au numérique (lire plus haut). En outre, les deux portails Internet réunis permettraient à TF1 et à Skyrock de rivaliser, en France, avec Google ou MSN ».
– France Télévisions - Un président au pedigree chiraquien croisé Figaro.
Patrick de Carolis a été désigné par le CSA président du groupe France Télévisions (pour cinq ans) [5], contre le sortant Marc Tessier, candidat à sa propre succession, qui bénéficiait pourtant de son bilan gestionnaire (une « bonne gestion financière ») et du « soutien du gouvernement, Villepin en tête, et même de l’Elysée, en la personne d’Alain Seban, conseiller médias de Chirac » (Le Canard enchaîné, 13 juillet 2005) - le président sortant devrait sans tarder se voir proposer une affectation à hauteur de ses mérites, et de l’échec qu’il vient de subir...
Mais, comme la presse l’a abondamment noté, Carolis est un protégé de Bernadette Chirac (« Le cardinal de Bernie » titre Le Canard), dont il a recueilli les "confidences" dans le "best-seller" Conversations (Plon, 2001) [6]. Les soirées "Pièces jaunes" à répétition complaisamment programmées en "prime time" par Tessier n’auront pas suffi à inverser la tendance.
Les journaux se sont moins attardés sur le pedigree Figaro du nouveau patron du groupe (encore) public. La Croix (7 juillet 2005) rappelle en effet que « Patrick de Carolis fut directeur général du Figaro Magazine » et « devrait former un tandem avec Patrice Duhamel, ancien directeur général adjoint du Figaro ». Duhamel, « éminence grise », selon Le Point (14 juillet 2005), « qui a tout vu, tout connu et dont l’expérience a propulser Carolis sur les rails de la victoire » (sic) ; « longtemps donné candidat, Duhamel a réalisé que ses chances de succès étaient moindres [...] il se désiste au profit de son jeune compère ». « Les deux complices se connaissent depuis 1975. L’aîné, Patrice Duhamel, est alors chef du service intérieur à TF1 (jadis publique), Carolis le seconde. Depuis cette époque, ils ne se sont guère quittés. Leur duo s’est ainsi reconstitué sur La Cinq, sur France 3, puis au Figaro. »
Mais cette amitié de trente ans compte un troisième larron : Dominique Baudis, actuel président du CSA. « Quand le tandem Carolis-Duhamel oeuvrait sur TF1, Baudis revenait du Liban et allait présenter le 20 heures [de TF1]. Il aura convaincu quatre autres sages de voter avec lui : Marie-Laure Denis, Agnès Vincent-Deray, Philippe Lévrier et Sylvie Genevoix » (Le Point). Or Baudis voulait la peau de Tessier à cause du traitement par France 2 de l’affaire Alègre... Et Le Point commente : « En 2005, l’ancien maire de Toulouse aura ainsi réalisé un sans-faute : sortir indemne de l’affaire Alègre, imposer la TNT contre l’intense lobbying de TF1 et placer l’homme de son choix au sommet de France Télévisions. Du grand art... »
Bien sûr, ce ne sont que des conjectures. Patrick de Carolis est là pour travailler. La Croix : « Il devra faire la preuve qu’un journaliste peut reprendre le contrôle d’une télévision publique trop souvent laissée aux seuls administratifs » (sic). On verra ...
– FranceTelevisions - Social. Relayons le rappel sur la dégradation du « dialogue social et une politique salariale inexistante depuis huit ans » et les « exigences » (sic pour La Tribune, 8 juillet 2005) du Syndicat national des journalistes (SNJ) avec les journalistes et techniciens CGT de France 3.
Ils interpellent Carolis sur « l’avenir de la télévision régionale "qui pourrait bien devenir soluble" dans la télévision numérique terrestre » : « le retour d’une politique éditoriale exigeante », « un vrai contenu à cette coquille vide, qui entraîne l’audience vers le bas » [...et ] « la réduction du taux de recours au personnel non permanent et le maintien de l’emploi » (La Tribune).
De quoi faire.
– Chaînes Infos - Patrick de Carolis veut revoir la CII. Et cela commence bien, (dans tous les sens du terme ?), d’emblée, pour sa première interview (au Parisien, signe fort de sa proximité avec le client de plus en plus cadre actif - lire plus haut), il « s’oppose à un partage avec TF1 », affirme que son groupe doit être le « moteur » de la Chaîne d’information internationale, et qu’il est « légitime » que celle-ci puisse être « vue sur le territoire français ».
Une temporisation qui tombe sous le sens mais surtout semble de bonne augure.
– Radio France - Le DRH squatte l’antenne. Derrière l’inconnu Jean-Didier Mallet, qui a droit à une case dans la grille d’été de France Info, des salariés ont reconnu... Didier Tourancheau, le DRH de Radio France, rapporte Libération (1er juillet 2005) - où il exerçait les mêmes fonctions, de 1987 à 1996, après avoir été responsable du département juridique de la CFDT. Aussi, Tourancheau est coutumier du mélange des genres : directeur exécutif de l’école de journalisme de Lille de 1996 à 1999, il était président du Club de la presse local. A Radio France, c’est un promoteur zélé de la précarité, des « CDD à répétition, du recours systématique aux intermittents du spectacle et autres joyeusetés » (Le Canard enchaîné, 13 juillet 2005). Bref, la personnalité qu’il fallait pour une chronique sur les « rois de la presse au XXe siècle »... Les syndicats et la Société des journalistes (SDJ) ont protesté, le Syndicat national des journalistes proposant ironiquement, au nom de « la rotation estivale des tâches », « que l’un d’entre nous soit nommé PDG estival à compter de ce lundi, et qu’une intersyndicale, renforcée par la SDJ, occupe les différents postes de Direction et de Direction Générale » (site Radio Spartacus).
– Aillagon à TV5 - Recours judiciaire de syndicats. Le projet de Raffarin de recaser son ancien ministre de la Culture et de la Communication Jean-Jacques Aillagon à la présidence de TV5 avait suscité un tollé (lire Aillagon à TV5 : les syndicats dénoncent un verrouillage politique et Aillagon à TV5 : Raffarin va-t-il passer en force ?). Mais, après quelques semblants d’atermoiements, le gouvernement Raffarin finissant était passé en force (lire L’actualité des médias n°39 (16 mars au 6 avril 2005)). Les syndicats SNJ et CFDT radio-télé ont donc assigné devant le tribunal correctionnel de Paris l’ex-ministre-nouveau président, arguant du « conflit d’intérêts entre l’Aillagon ministre et l’Aillagon président de TV5 » (Libération, 18 juillet 2005).
3. Presse écrite.
– Aide aux quotidiens - Propositions. Un nouveau rapport prône la création d’une « Haute autorité de la presse, composée de membres désignés par l’Assemblée nationale, le Sénat et le CES, qui pourrait être mise en place afin de veiller "au maintien du pluralisme’’ et au développement de la presse, tout comme une société d’investissement pour la création de nouveaux titres et le renouvellement éditorial » (Le Monde du 5 juillet 2005).
Il émane de Michel Muller, secrétaire général de la Filpac-CGT (voir plus haut) et trône désormais sur le bureau du Conseil économique et social (dont on ne retient d’habitude de son influence que les émoluments de ses membres).
– Assistance aux quotidiens. L’Humanité lance un SOS. Le directeur de L’Humanité, Patrick Le Hyaric, a lancé le 6 juillet 2005 dans ses colonnes « un double cri d’alarme » en direction des lecteurs (bien transmis par les confrères) et des pouvoirs publics (silence), affirmant que son existence « est réellement menacée ».
Sa solution, l’assistanat : « l’Etat doit décider d’augmenter de manière substantielle les dotations aux quotidiens à faibles ressources publicitaires ».
– Reconversion - Yves de Chaisemartin rejoint un fonds. La presse voyait Chaisemartin en conseiller de Candover - un fonds d’investissements - pour racheter certains quotidiens de Dassault. Mais il rejoint dans la même fonction qu’on lui prêtait pour Candover, Carlyle Europe, l’autre fonds d’investissement qui aime la lecture (et le calcul).
Un fonds qu’il connaît bien puis que cette société siégeait à ses côtés à la Socpresse d’antan.
– Presse Magazine - Reprise de Marianne, revoilà Chaisemartin, Bolloré et les fonds ? Tenant mordicus à l’indépendance de son hebdo, Jean-François Kahn dort-il mal en ce moment ?
En effet, et a priori même si « tout cela est extrêmement ‘’prématuré" », selon Maurice Szafran, directeur de Marianne, le magazine Challenges (7 juillet 2005) affirme que « Yves de Chaisemartin (ex-Socpresse) est bien placé pour reprendre, avec des investisseurs, le ticket de 49,5% de Robert Assaraf dans Marianne ».
Mieux « L’hebdomadaire serait en contact [...] également avec quatre à cinq investisseurs français, dont un fonds d’investissements ».
Fastoche : Carlyle ?
– Diffusion - Accord sur la rémunération. Un protocole d’accord a été signé, jeudi 30 juin, entre les diffuseurs de presse et les messageries (NMPP et TP), visant à une meilleure rémunération des kiosquiers. Mais il leur faudra être patient, selon Gérard Proust, président de l’Union nationale des diffuseurs de presse (UNDP), si « toute la profession bénéficiera des retombées du plan », « c’est dès mars 2006 que les premiers effets se feront sentir » (Le Figaro, 12 juillet 2005).