Présentée comme une « agence de presse internationale », Novopress n’est en fait que l’émanation de l’extrême droite la plus radicale. Evidemment, le ton de certains « articles » s’en ressent...
Au début, ça pourrait ressembler à une bonne surprise : « Tiens, une nouvelle agence de presse qui donne des infos sur la région ». Sur sa page d’accueil, le site Novopress se présente comme une « agence de presse internationale, iconoclaste et réactive ». Dans la colonne de droite, toute une série de sous-rubriques concernant des zones géographiques ou des pays étrangers (Amérique du Nord, Ecosse, Espagne, Italie, Québec, Roumanie et Suisse), ainsi que des régions françaises, désignées à l’occasion sous leur appellation en langue régionale : Alsace, Breizh (c’est-à-dire Bretagne), Euskadi (Pays basque), Flandre, Lyon et Paris.
Novopress affirme défendre « une information alternative et sans tabous » pour lutter contre « le monde de la pensée et de l’information unique, un monde où Big Brother voit, entend, lit et dirige tout ». Ce n’est qu’en lisant plus attentivement certains textes mis en ligne que l’on comprend mieux ce que Novopress appelle « une information alternative et sans tabous ».
Des articles pompés sur La Voix du Nord
Au premier abord, la partie consacrée à la Flandre, selon les jours où on s’y connecte, peut paraître anodine. On trouve ainsi des annonces de manifestations locales (Fêtes de Gayant à Douai, programme des visites estivales de l’Office de tourisme de Lille...). Parmi les sujets plus développés, figurent aussi des articles consacrés au dossier du Grand stade de Lille ou encore à la désignation des pôles de compétitivité.
Sans grande originalité par rapport aux commentaires faits par la presse régionale. Et pour cause... puisque nombre d’entre eux, vérification à l’appui, sont des articles intégralement pompés dans les éditions de La Voix du Nord. Evidemment, une telle pratique est déjà en soi répréhensible mais ce n’est pas le plus grave. Loin de là.
Le plus grave, c’est le ton d’autres « articles », qui dégagent une nauséabonde odeur de xénophobie et d’incitation à la haine raciale. Ainsi, le texte mis en une le 7 juillet et titré « C’est chaud le Nord ! » Ce dernier liste une série de faits divers régionaux récents mettant en cause des personnes d’origine maghrébine (ou que le rédacteur suppose telles). Avec en prime, des commentaires qui se veulent sûrement humoristiques et qui sont rien moins que racistes.
Correspondant anonyme
Vient ensuite la conclusion, chef d’œuvre de réflexion intellectuelle : « A Lille, l’association cultu(r)elle de la mosquée El-Fatha, en attendant de pouvoir occuper l’ancienne salle des ventes qu’elle vient d’acheter, va pouvoir partager les salles paroissiales mises à disposition par l’association diocésaine. C’est pas beau l’œcuménisme, coco ? Vous me direz que cela n’a rien à voir avec les 4 paragraphes précédents... Ben, tiens ! » S’ensuit, s’il était besoin d’être encore plus clair, une série de considérations sur ces « faits divers » qu’il faudrait requalifier de « faits d’occupation étrangère »...
Le 13 avril, c’est un compte-rendu d’audience au tribunal qui évoque le tabassage en règle d’une jeune fille par un jeune homme au nom à consonance maghrébine. Recopié intégralement dans La Voix du Nord, seul son titre a été changé pour une version sans équivoque : « Intégration ? Assimilation ? » Et, bien entendu, le texte en question a été archivé dans la catégorie « Religion »...
Toujours dans cette rubrique « Religion », le 14 juin, en dessous d’une sélection de sourates du Coran, figure un montage graphique du meilleur goût. L’image rappelle la forme d’un paquet de cigarettes, dont la marque, sur fond vert, serait « Coran » et le message préventif : « Etre lapidée après la grossesse nuit à la félicité de votre enfant »...
Inutile de préciser que Novopress (pour sa section France comme pour sa section Flandre) s’en est donné à cœur joie après les attentats de Londres pour amalgamer Islam et terrorisme, avec des titres du style : « Etre tolérant avec l’Islam... » (au-dessus d’une photo d’explosion) ou « L’Europe une nouvelle fois touchée par le terrorisme musulman ».
A ce stade de la lecture, l’envie démange d’en savoir un peu plus sur les responsables de ce site. Une adresse e-mail (impersonnelle) mentionnée sur la page d’accueil nous a permis d’échanger quelques messages avec un correspondant anonyme, que l’on peut supposer être l’animateur de la section Flandre. Après une promesse d’entretien téléphonique, ce dernier ne donnera plus de nouvelles [1], malgré deux relances. Il nous faut donc nous contenter des quelques réponses faites par courriel.
« Retour à nos racines et à nos traditions »
Sans surprise, ce dernier reprend l’argumentaire général de Novopress (lire plus haut), en y ajoutant sa petite touche, car « chaque antenne Novopress a ses spécificités ». « Pour Novopress Flandre, nous voulons faire ressortir les informations régionales de premier abord sans importance mais qui reflètent bien la société dans laquelle nous vivons. Ceci est très important car la totalité de la presse régionale est aux mains des tenants d’un gauchisme attardé ou boboïsant. » Ce dernier aspect de la presse du Nord-Pas-de-Calais avait dû nous échapper...
L’autre remarque rend beaucoup moins anodine les annonces de fêtes locales présentes sur le site. « Nous voulons également mettre en avant notre culture régionale, trop souvent combattue et mise en sourdine par les tenants de la République une et indivisible, écrit notre correspondant anonyme. C’est pourquoi nous mettons souvent en avant des activités culturelles intéressantes, prônant le retour à nos racines et à nos traditions. Nous voulons également que Novopress soit une passerelle entre la "Flandre française" et la "Flandre belge", étant convaincus que nous faisons partie du même peuple et de la même culture. »
Ces commentaires cadrent bien avec la mythologie entretenue par l’extrême droite autour des « traditions » et du « retour aux racines », ainsi que l’idée qu’elle se fait des liens avec la Belgique flamande.
Dans la rubrique « Politique » de Novopress Flandre, Carl Lang est le seul homme politique régional dont les communiqués sont repris (avec renvoi vers son site internet). Sur Novopress France, c’est la 22e Fête des Bleu Blanc Rouge qui fait l’objet d’une présentation louangeuse, avec tous les détails pratiques nécessaires.
Liens étroits avec le Bloc Identitaire
Restait à savoir qui se trouve derrière le nom de domaine Novopress. Inutile de chercher sur le site des coordonnées, à part des adresses e-mail impersonnelles. En revanche, une simple requête sur le site Gandi.net nous en apprend beaucoup plus [2]. Le nom de domaine Novopress (valide jusque décembre 2006) a été déposé par un certain Fabrice Robert. Un inconnu ? Pas vraiment...
A 33 ans, Fabrice Robert a un CV bien rempli. Ex-conseiller municipal FN à La Courneuve, ex-membre du Conseil national du MNR (de Bruno Mégret), c’est aussi l’ancien porte-parole d’Unité radicale. C’est à cette organisation, interdite depuis, qu’appartenait Maxime Brunerie, qui avait tenté de tirer sur Jacques Chirac le 14 juillet 2002. Parmi d’autres « exploits », Fabrice Robert est aussi le fondateur du groupe de rock radical Fraction Hexagone, qui promet « une balle pour les sionistes, une balle pour le cosmopolitisme, et une balle pour la police » ou rend hommage à la croix celtique, symbole depuis longtemps récupéré par les groupuscules fascistes.
Aujourd’hui, Fabrice Robert est président du Bloc identitaire (qui, entre autres, dit « son opposition totale au dogme du métissage ethnique »), créé en 2003, après la dissolution d’Unité Radicale. Tout soupçon d’homonymie est à écarter : l’adresse postale (à Nice) du Bloc identitaire (précisée sur son site) et celle du dépositaire de Novopress sont les mêmes.
La filiation entre les deux structures est de toute façon évidente. Un lien sur le site de Novopress renvoie vers ID Magazine (domicilié à Nivelles, en Belgique), publication commune au Bloc Identitaire et aux Jeunesses Identitaires, présidées par un comparse de Fabrice Robert. Par ailleurs, Novopress a relayé la campagne, pour une élection partielle à Nice, d’un « candidat identitaire », « soutenu par Fabrice Robert, président du Bloc Identitaire ».
Et voilà comment, pensant trouver le site d’une nouvelle agence de presse, on tombe en fait sur une émanation d’un groupuscule de l’extrême droite la plus radicale. Au fait, on oubliait le « meilleur » : Novopress met en exergue, en haut de chaque page, une phrase de Jacques Prévert : « Quand la vérité n’est pas libre, la liberté n’est pas vraie »...
Ludovic Finez