En mars 1998, paraît aux Editions Sociales, un ouvrage intituté "Un génocide, secret d’Etat", écrit par Jean-Paul Gouteux qui, en quelques pages, met en cause la façon dont Le Monde et, singulièrement, Jean-Marie Colombani et Jacques Isnard, n’ont pas rendu compte du génocide perpétré au Rwanda, au moment où celui-ci avait lieu. La Société Le Monde et les deux journalistes pré-cités intentent un procès en diffamation et réclament la bagatelle de 600 000f. Le procès a lieu le 15 mars 1999 : les demandeurs sont déboutés (et décident de faire appel). *
Poursuivant son enquête, Jean-Paul Gouteux fait paraître en octobre 1999 un nouveau livre, entièrement consacré à notre "quotidien de référence" : "Le Monde, un contre-pouvoir ? Désinformation et manipulation sur le génocide rwandais", L’Esprit frappeur, octobre 1999, 203 p. 20 F.
C’est accablant. Le lecteur découvre comment Le Monde - mais il ne fut pas le seul - a épousé la version d’un conflit ethnique (démenti par tous les africanistes qui connaissent le sujet), accrédité la version présentée par les services de renseignement français et présenté les Tutsis comme aussi dangereux, si ce n’est plus, que les génocidaires. L’analyse de Jean-Paul Gouteux met également en évidence comment même des informations exactes peuvent être une condition de diffusion de la désinformation et comment Le Monde a confié à quelques prises de position dans les pages "Débats" le soin de dire une vérité que l’on ne parvenait à découvrir ni dans ses éditoriaux ni dans ses articles d’information.
Il faut ajouter que Jean-Paul Gouteux propose une analyse intransigeante, mais nuancée. Il distingue entre les journalistes du Monde et surtout, entre les périodes : le quotidien a considérablement rectifié, mais sans le dire, son point de vue initial. Même si le bouquin est centré sur Le Monde, les autres organes de presse - quand il le faut - ne sont pas épargnés. Une étude exhaustive reste sans doute à faire, notamment sur la présentation du génocide à la télévision.