I. Broutilles ?
– Claire Chazal est bien encadrée - Claire Chazal est interrogée par TV Magazine (magazine de programmes télévisés, supplément du Figaro du 01.10.2005, p.10) dans le cadre d’un dossier intitulé : « info télé : les femmes en pôle position » (propos recueillis par Elizabeth Perrin).
- Question de la journaliste : « Une information peut-elle être appréhendée différemment selon qu’on est un homme ou une femme ? » br>
- Réponse de Claire Chazal : « Disons qu’on peut avoir des sensibilités différentes, des goûts personnels. Mais sur TF1, nous sommes bien encadrés . Notre différence, on peut l’aborder à petites touches en fin de journal par exemple. [...] »
– Des perdants qui gagnent ! L’éditorial du Monde, daté du 20 septembre 2005, titre sur la « Confusion allemande ». Premier paragraphe : "L’Allemagne entre dans une ère d’incertitude." ...Second paragraphe : « En fait ces élections n’ont fait que des perdants ." ...Troisième paragraphe : "Un seul parti a rempli tous ses objectifs . (Perdant aussi ?) C’est le parti de la gauche radicale (sic)... ». Et plus loin : « Grâce à ce succès , ils contribuent... ». Comprenne qui pourra ! "Confusion" du Monde ou simple dépit ? (ColMar)
– De plus en plus « expert ». Le journal de France Inter du 02 octobre 2005 à 7 heures 30 donnait la parole à Alain BAUER suite aux attentats de BALI. Alain BAUER était présenté comme "criminologue " et "spécialiste du terrorisme ". Invité régulier de chaînes publiques, Alain BAUER n’est pourtant ni criminologue ni spécialiste ès-terrorisme, mais simple dirigeant de sociétés dont l’objet social est de vendre aux collectivités publiques des systèmes de sécurité.(Jean-Marie Haller, Strasbourg)
– L’inconnu du Nouvel Observateur . Ouest-France du 1er octobre 2005 rend compte d’une rencontre-débat organisée la veille par Alternatives économiques à l’Assemblée Nationale. Au menu, cette question : « Comment défendre le pluralisme de la presse ? ». L’un des intervenants, rapporte le quotidien régional, « constate bien une crise de confiance vis-à-vis de la presse, mais estime “injustes” les principales critiques habituelles qui lui sont faites : véhiculer une “pensée unique”, fonctionner sous le contrôle de groupes industriels, se soumettre à la loi du marché. Sur l’Europe et la guerre en Irak, oui, admet-il, il y a eu “ pensée unique” », mais pas sur les 35 heures, le Pacs, l’immigration, la sécurité, etc. Pour lui, il ne peut exister de presse sans liberté économique et sans concurrence. »
Ces propos subversifs auraient été tenus, selon Ouest France, par « le directeur de la rédaction du Nouvel Observateur, Laurent Geoffrin [sic] ». Sans doute un prête-nom...
– Les publicitaires vous offrent le Figaro nouveau - Le lundi 3 octobre 2005, Le Figaro lance sa nouvelle formule, de concert avec les publicitaires. La « Une » devient bleue, les photos sont plus importantes...
Ces changements sont fêtés par des annonces adaptées. La banque HSBC se fend d’un « Nous souhaitons beaucoup de succès au Figaro », « Bon vent à la nouvelle formule du Figaro » clame EDF, en s’appuyant sur un visuel où une éolienne chasse littéralement les caractères de textes à ses côtés. Cette création publicitaire ne saurait mieux exprimer l’ordre de priorité du journal entre publicité et information. Cette servilité saute aux yeux lors du récit promotionnel « 24 heures dans la vie d’un journal ». Dans les nouveaux locaux du journal, c’est la pub qui donne le rythme : ses impératifs donnent le ton à la journée et à la fabrication du journal : « 8h30 - Publiprint, la régie publicitaire du Figaro vérifie une dernière fois l’implantation des pubs dans les pages du journal daté du lendemain ». Suit ce candide aveu : « le journal essaye de ne pas sortir trop de pages sans pub. L’équilibre financier est à ce prix ».
L’équilibre financier a dû être très rémunérateur pour cette première nouvelle édition, car dans les 24 pages du cahier dévolu à l’information générale, au total 8 sont noircies par la pub, soit le tiers ! Dans le cahier spécial racontant les secrets de fabrication du Figaro, on peut lire cet aveu : « Comme la publicité, la radio ou la presse magazine, les quotidiens ont besoin de publicité pour vivre » . L’indicatif ôte toute tentation de discuter un tel axiome ! « Les recettes publicitaires représentent environ les deux tiers des recettes du Figaro, un ratio voisin de celui de tous les concurrents ». Avec 70% du chiffre d’affaires venant de la pub, celle-ci n’est plus un « besoin » mais une nécessité vitale impossible à remettre en cause. (Sophie Divry)
II. Vilenies
– Sans « rancune » Monsieur Rinaldi. Dans sa chronique du 15 septembre 2005, Angelo Rinaldi croque la psychologie des habitants des zones rurales en une péremptoire formule : « Et à la campagne, la rancune se transmet de génération en génération, comme ce pré à la sortie du bourg où ne poussera jamais rien mais que l’on garde parce que la morale blâme toute vente. » Nous qui trouvions peu convaincante l’intuition de l’historien Fernand Braudel qui confessait avoir « souvent pensé que si l’Europe ne s’était pas offert la longue détestation du Juif, elle aurait peut-être pris en chasse le berger, homme à part s’il en fut », la voici en partie confirmée par l’un de ses successeurs à l’Académie Française. L’école de la République n’est donc pas seule à subir une baisse de niveau. L’illustre institution l’accompagne dans sa chute.
Heureusement, Monsieur Rinaldi retient sa plume insultante et s’arrête après quatre lignes. Sans quoi sa chronique aurait pu être rangée à coté du caricatural "Esprit und Geist" de Wechssler dans la bibliothèque (heureusement poussiéreuse) des stéréotypes éculés. On se demande si sa connaissance du monde rural se fonde sur la fréquentation du petit personnel saisonnier des stations cossues de sport d’hiver ou sur les vicissitudes télévisuelles des personnages de "La ferme célébrités".
Quant à la deuxième partie de la proposition, rien ne la justifie, au moment où des secteurs entiers de nos campagnes subissent le rachat systématique de maisons converties en biens locatifs par des investisseurs aisés des villes. Ceci ayant pour effet d’enflammer le marché de l’immobilier et de rendre difficile l’acquisition de patrimoine aux jeunes générations du cru. Des élus basques planchent actuellement sur cet épineux problème.
Malgré ces généralisations à l’emporte-pièce, il ne viendrait pas à l’esprit du petit fils de paysan que je suis de tenir l’ensemble des académiciens pour de vieux grabataires hautains. Loin s’en faut. (Cédric Baylocq Sassoubre, Bordeaux.)
– De l’art de cuisiner un reportage. - Une émission diffusée le 29 septembre 2005 à 7h15 avec Stéphane Paoli dans le rôle de l’interviewer et Nicole Guillard dans celui de la « journaliste d’investigation (?) », a suscité cette « Réponse à Nicole Guillard », publiée sur le site « Ici 1 et là-bas » (lien périmé) (et que nous reproduisons ici avec l’autorisation de son auteure ) :
« C’est avec beaucoup de consternation et d’étonnement que j’ai pris connaissance des propos tenus par Nicole Guillard sur les ondes de France-Inter jeudi 29 septembre. En effet, j’ai été l’objet de commentaires diffamatoires inacceptables. Je tiens donc à apporter une réponse aux inepties proférées par cette journaliste.
L’interview dont sont extraits mes propos a été donnée au mois de juillet dernier suite aux attentats de Londres. Nicole Guillard a ainsi contacté Boualam Azahoum, militant de DiverCité pour évoquer le « climat » dans les banlieues lyonnaises dans le cadre de cet événement. Celui-ci m’a alors demandée de l’accompagner. Une discussion fut dès lors engagée sur le malaise des populations issues de l’immigration maghrébine, ce qui a valu de ma part le commentaire diffusé sur France-Inter ce jeudi dernier à savoir que : « le malaise qu’on vit actuellement, notamment pour les populations issues des anciennes colonies, est lié à ce passé colonial qui n’est pas encore assumé en France. » J’ai poursuivi en dénonçant les tentatives révisionnistes de la loi du 23 février 2005 portant sur la promotion de l’œuvre positive de la France pendant la colonisation en Afrique du Nord et dans les territoires d’Outre-mer. L’émission fut diffusée quelques jours plus tard avec les commentaires exclusifs de Boualam et de Azzedine Gaci, mon intervention ayant été coupée au montage. Nicole Guillard a donc utilisé des enregistrements jusqu’ici jamais diffusés sans prendre la peine de me contacter. Pire, elle commente mes propos en les assimilant à un « complot islamiste » visant à pousser les lycéens à contester les programmes scolaires « au nom du Coran ».
Si Nicole Guillard avait pris la peine de me contacter, j’aurais pu lui rappeler que l’association « Ici et Là-bas » dont je suis membre, œuvre pour la promotion de la mémoire de l’histoire coloniale et des luttes de l’immigration post-coloniale. Comme beaucoup d’autres dans ce pays, nous estimons nécessaire d’engager un débat public sur le lien entre les discriminations subies par les populations d’origine maghrébine et africaine et l’occultation persistante du passé colonial français. Contrairement aux fantasmes de Madame Guillard, cela n’a jamais impliqué l’organisation d’une fronde islamiste dans les établissements scolaires. Je fus pendant plusieurs années surveillante d’externat dans différents établissements de la région lyonnaise et la neutralité inhérente à ma fonction n’a jamais été remise en cause par aucun de mes supérieurs hiérarchiques. Sans avoir à me justifier sur mes convictions profondes, la religion appartient de mon point de vue à la sphère privée. La diffusion de cette émission est un fait inacceptable pour lequel je me réserve le droit de donner les suites judiciaires appropriées. Plus que le préjudice causé par ces propos, il est intolérable que ceux-ci aient pu être tenus sur une radio publique. » (mardi 4 octobre 2005, par Sonia Ziani)
– France Info piétine l’information. Jeudi 6 octobre 2005. Ce soir-là, sur France-Info, le journal d’Hervé Toutain et le newsbit revient à deux reprises, entre 21h30 et 22h00, sur les morts de Melilla. Un message laissé sur France-Info.com s’insurge :
« Bonsoir,
Je viens d’entendre à deux reprises M. Toutain (ou Toutin ?) annoncer lors de son journal, à propos des immigrants putatifs tués à Melilla ce matin, que certains avaient été tués par balles et d’autres piétinés par leurs "coreligionnaires". Pour diverses raisons, ce sujet m’intéresse, et j’ai donc lu toutes les variantes brodées autour de la dépêche AFP d’origine, qui ne fait mention que de « camarades ». France-Info est le seul media à faire mention de coreligionnaires, ce qu’il est à peu près impossible d’inférer de la dépêche AFP. Le terme me choque, bien évidemment.
Auriez-vous par hasard des informations dont les autres medias ne disposent pas ? Est-ce que la guerre contre les méchants musulmans a commencé ? Je vous remercie par avance de me faire part de tout complément d’information sur cette question, qui m’intéresse au plus haut point.
Cordialement,
Erwan DeverrePS : copie de ce message est faite à l’Acrimed, au MRAP, à SOS Racisme et à la LDH. Je suis réellement écœuré par cette légèreté éditoriale. »
Et pour sourire...
- Quand Rouge égare un paragraphe. L’hebdomadaire de la LCR, Rouge (22 septembre 2005), dans un intéressant article sur le programme Tir Nourri sur la Télévision (TNT), revient sur les interrogations, remarques et suggestions de Pierre Carles, Serge Halimi, Henri Maler et Noam Chomsky :
« ...En fin de compte, il (Pierre Carles) s’interroge sur sa propre place : peut-on être à la fois à côté et dedans ? C’est la question que pose Henri Maler à la gauche radicale dans Désentubages cathodiques. Selon lui, "passer dans les médias a un coût [...] la complaisance à l’égard des médias". Vaut-il mieux prendre ce risque ou celui de ne pas faire connaître, même mal, ses idées au grand public ? [1] Serge Halimi, citant Noam Chomsky dans Enfin pris ?, complique la question du rapport entre pensée alternative et télévision marchande. Depuis des décennies, la télé présente une pensée unique. Il n’est plus nécessaire d’argumenter ces idées reçues. Elles peuvent donc aisément s’adapter au devoir de concision qu’elle impose. Chomsky prend un exemple : s’il dit que Khadafi est un terroriste, il n’a pas besoin d’étayer son propos ; ce qui n’est pas le cas s’il affirme que les plus grandes opérations terroristes viennent de Washington. Halimi conclut : "Nous avons déjà des millions d’heures de retard. Quand nous les aurons rattrapées, nous pourrons combattre à armes égales. En attendant ce jour, le débat, ce serait un simulacre de démocratie." ».
Le plus mystérieux est que ce passage (dernier paragraphe de l’article papier) a disparu dans son format électronique (lien périmé). Acrimed, beau joueur, a donc décidé de le retranscrire...