Eveno chez Lagardère
La Société des journalistes (SDJ) demande la saisine du Conseil supérieur de l’Agence- La question sera également posée au Conseil d’Administration de l’AFP.
M. Bertrand Eveno vient donc d’être nommé à un important poste de responsabilités chez Hachette Filipacchi, alors même qu’il est toujours président de l’AFP.
M. Eveno va diriger le pôle regroupant les agences Gamma, Hoa-Qui, Jacana, Keystone, Rapho, Top, qui fait du news, du magazine et du hors-médias et se trouve donc en concurrence directe avec l’AFP.
En annonçant sa démission, M. Eveno avait expliqué vouloir exercer « une activité nouvelle d’entrepreneur individuel et d’investisseur personnel ». C’était donc faux. Il avait aussi affirmé avoir pris sa décision à la fin de l’été.
Si cette dernière assertion est vraie, M. Eveno s’est donc trouvé ces dernières semaines en position de négocier sur des sujets touchant la photo à l’AFP, tout en sachant qu’il travaillerait pour un concurrent quelques mois plus tard.
M. Eveno a allumé un contre-feu en déclarant dès mercredi que « les zones de recouvrement » entre l’AFP et son nouvel employeur étaient « très faibles ». « Les agences photos du pôle Hachette Filipacchi Médias font certes du "news", mais surtout du magazine et du corporate », a-t-il dit.
Remarquons qu’Hachette Filipacchi Photos mentionne sur son site internet qu’elle constitue une « solution globale » dans les « domaines de l’illustration, du reportage, de la photographie d’actualité ou d’archives ». Ce site précise aussi que la production couvre « les événements majeurs et les personnalités qui font l’activité et les grands sujets de société ». L’AFP n’a-t-elle pas pour ambition de faire la même chose ?
M. Eveno va notamment s’occuper des « partenariats stratégiques » qu’Hachette Filipacchi veut « développer », selon la direction de ce groupe.
A la lumière de cette indication, la SDJ s’interroge particulièrement sur le dossier du contrat Getty-AFP, en cours de renégociation, et qui a été traité directement, dès le départ et dans un secret quasi-total, par M. Eveno. Ces négociations sont couvertes par le secret commercial, a expliqué M. Eveno à maintes reprises pour justifier l’opacité entourant les clauses de ce contrat. M. Eveno part en emportant ces secrets. Questions : où en est le dossier AFP-Getty à ce jour, et l’ex-président de l’AFP envisage-t-il un partenariat entre Hachette Filipacchi et Getty, un acteur incontournable de la photo ?
Les conditions du départ de M. Eveno au regard de ses déclarations contradictoires et de l’annonce aujourd’hui de sa nomination chez Hachette Filipacchi sont suffisamment graves pour conduire la SDJ à s’adresser au Conseil supérieur de l’Agence, garant de l’indépendance et des intérêts de l’Agence [1].
Les deux représentants du personnel de l’AFP au Conseil d’administration ont également décidé de saisir le CA de la compatibilité du mandat actuel de M. Eveno à la tête de l’AFP avec l’annonce de ses nouvelles fonctions.
Le Bureau de la Société des Journalistes
7 décembre 2005.
IMMORAL ! (Communiqué de Sud-AFP)
Bertrand Eveno, le PDG démissionnaire en date du 17 novembre, est devenu ce mercredi 7 décembre un concurrent de l’Agence France-Presse.
La nomination de Bertrand Eveno comme directeur général de Hachette Filipacchi Photos intervient à peine quelques mois après l’arrivée à la tête du service Photo de l’AFP d’une ancienne collaboratrice de Hachette Filipacchi Médias, Paola Messana.
SUD-AFP dénonce l’étrange jeu de navettes entre l’AFP et Hachette Filipacchi Médias (HFM, groupe Lagardère, dont dépendent les journaux de plusieurs membres du Conseil d’administration de l’agence).
SUD-AFP s’interroge sur la signification de l’annonce faite par HFM qui souligne que « l’arrivée de Bertrand Eveno s’inscrit dans une nouvelle phase de développement des agences et de recherche de partenariats stratégiques. »
Après avoir passé un accord commercial opaque entre la Photo AFP et Getty Images (USA), Bertrand Eveno prépare-t-il des « partenariats stratégiques » CONTRE l’AFP ?
Quelles que soient les assurances données par HFM, Bertrand Eveno est devenu un concurrent de l’AFP. SUD-AFP demande que le Conseil d’administration mette immédiatement un terme à sa présence dans les murs de l’Agence, lesquels, d’ailleurs, n’appartiennent plus à l’AFP depuis qu’il les a bradés à des groupes privés.
Les administrateurs doivent inclure une clause de non-concurrence dans les contrats des prochains PDG de l’AFP !
Paris, le 7 décembre 2005
SUD-AFP (Solidaires, Unitaires, Démocratiques)
Eveno chez Hachette : conflit d’intérêts ? (la CGT et FO)
Qui a dit le 17 novembre dernier vouloir quitter l’AFP pour « exercer une activité d’entrepreneur individuel et d’investisseur personnel » ?
Gagné ! C’est bien Bertrand Eveno ex-PDG de l’AFP, mais toujours dans les murs de la Place de la Bourse, et néanmoins déjà Directeur général de Hachette Filipacchi Photos... Un ultime mensonge dans une liste déjà longue.
L’AFP n’aura été qu’une étape pour boucher un temps mort (après avoir été poussé dehors de chez Vivendi) dans le CV de M. Eveno. Un PDG, loin de se préoccuper du sort de l’Agence, mais qui n’a toujours eu qu’une idée en tête : bâtir sa propre carrière et préserver ses intérêts personnels pour mieux rebondir avec une carte de visite de PDG de la 3ème agence mondiale.
La CGT et FO toutes catégories ont de nombreuses fois croisé le fer avec Bertrand Eveno dénonçant ses diktats, son refus du dialogue social, sa pratique du secret, ses distributions de prébendes aux copains, son mépris ("Stade de France envahi" !) et sa violence avec les personnels locaux (les salariés de Caracas en savent quelque chose), ses méthodes byzantines pour conforter les baronnies internes afin de mieux asseoir son pouvoir.
Une formule résume sa conception « sociale » : le personnel de l’AFP n’a pas été pour Eveno une force, une richesse sur laquelle s’appuyer, mais une "variable d’ajustement" pour équilibrer le budget !
Ce donneur de leçons, ce pourfendeur du syndicalisme a aujourd’hui révélé sa véritable stratégie : piller l’AFP et mieux rebondir chez un concurrent direct de l’agence, le groupe Hachette.
Son acharnement à refuser de fournir aux élus du CE et à leur expert le texte de l’accord Getty -en contradiction flagrante avec la loi-, de tout faire pour empêcher un droit d’alerte à ce sujet s’éclairent d’un jour nouveau...
D’ailleurs est-ce un hasard si la directrice de la photo, Paola Messana, récemment recrutée par Eveno, vient du groupe Hachette ?
Est-ce un hasard si cette même directrice se trouve en ce moment même aux Etats-Unis pour négocier la poursuite des accords avec l’américain Getty... Dans quel but ? Avec un mandat confié par Eveno, maintenant responsable du développement du concurrent photo HFM ?
Il y a aussi matière à s’interroger sur la discrète absence de la directrice photo dans l’affaire des photos de Corse remises par la direction de l’AFP à la police sans coup férir. Il y avait sans doute d’autres « priorités ».
De nombreuses zones d’ombre et questions se posent avec l’annonce du départ de M. Eveno vers le pôle Hachette Photos. Le service photo de l’agence, fleuron de l’AFP selon Eveno, va devoir faire face à une concurrence, dirigée par le même Bertrand Eveno qui connaît tout le réseau commercial (il a demandé à compléter son dossier avant de partir !) et les projets « photo » de l’AFP !
Le mépris...
Eveno qui préparait son départ chez HFM depuis plusieurs mois a-t-il aussi préparé le terrain avec Getty ? Sa première préoccupation aura-t-elle été d’armer son « ancienne » entreprise, l’AFP, ou de préparer sa nouvelle, HFM ?
Force est de constater qu’Eveno a pu faire valoir l’absence de clause de non-concurrence dans son contrat avec l’AFP. Chacun appréciera le mépris affiché par l’ex-PDG vis-à-vis de l’entreprise qu’il a représentée pendant plus de cinq années...
Dans le bouquet Hachette Image, n’y a-t-il pas Keystone, une agence d’archives renommée, autrefois dans le giron de l’AFP, qu’un prédécesseur de Bertrand Eveno a bradée.... Quand la CGT et FO dénoncent l’incurie des directions successives, ce n’est malheureusement pas qu’une formule !
L’ensemble des salariés de l’AFP sont profondément choqués par les méthodes d’un PDG sans foi ni loi.
Pour la CGT et FO, il est clair que Bertrand Eveno ne peut rester un jour de plus dans les murs de l’AFP.
Ils exigent la tenue d’un CE extraordinaire dans les tout prochains jours, et sans Eveno, et le déclenchement d’un droit d’alerte sur le dossier Getty.
Ils appellent les deux administrateurs du personnel à saisir le CA pour une réunion extraordinaire et qu’ils mettent en demeure les représentants de la presse et de l’Etat de demander des comptes à Bertrand Eveno. Et que le CA refuse toute indemnité de départ : l’AFP ne va tout de même pas financer l’entrée d’Eveno chez la concurrence !
La CGT et FO vont également saisir le Conseil Supérieur, censé défendre l’indépendance de l’AFP.
Ils vont s’adresser au ministre de la Culture et de la Communication pour faire cesser ces pratiques de pillage de l’AFP.
La CGT et FO
Paris, le 8/12/05
Les représentants du personnel au Conseil d’Administration
Madame, Messieurs les Administrateurs,
Nous tenons à vous faire part de la très vive indignation suscitée au sein de l’Agence France-Presse par l’annonce du départ du PDG démissionnaire Bertrand Eveno pour un groupe exerçant une activité photo concurrente de celle de l’AFP.
Le personnel s’interroge avec beaucoup d’inquiétude sur l’usage que le nouvel employeur de M. Eveno pourrait faire de toutes les informations détenues par ce dernier sur les pratiques commerciales et les projets stratégiques de l’Agence en matière de photo.
M. Eveno, officiellement démissionnaire de l’AFP au 31 décembre prochain, a indiqué qu’il prendrait ses fonctions chez son nouvel employeur « le 14 ou le 15 décembre ». Il est urgent que le Conseil d’administration dise clairement qui assume désormais la présidence de l’AFP, d’ici l’élection d’un successeur à Bertrand Eveno. Ce dernier ne peut en aucun cas continuer à assurer cette présidence en raison de son appartenance à un groupe dont il reconnaît qu’il exerce une activité en partie concurrente de celle de l’Agence. Nous demandons également que le Conseil d’administration soit informé de l’ensemble des modalités, y compris financières, du départ du PDG démissionnaire.
A l’avenir, enfin, nous jugeons absolument nécessaire de faire figurer une clause de non-concurrence parmi les obligations contractuelles qui liera le prochain PDG à l’AFP, à l’instar de ce qui existe déjà pour les directeurs de l’Agence.
Nous vous prions de croire, Madame, Messieurs, en l’expression de toute notre considération.
Jean-Marie Brumard et Boris Bachorz, représentants du personnel au Conseil d’Administration.
8 décembre 2005