France Inter - Radiocom - 26 décembre 2005. « Gérald » de PLPL pose une question leurre, pour passer à travers le filtre du standard : « Pensez-vous qu’un mouvement social de grande ampleur se prépare ? ». Le sondologue Roland Cayrol étant l’invité du jour, c’est une question posée à un oracle qui s’imposait...
Transcription intégrale [4] pour permettre d’apprécier l’art de répondre à côté de la question posée : le maintien d’un déséquilibre flagrant dans le choix des invités, en dépit des résultats du référendum du 29 mai.
- Alain Le Gouguec : - Vous écoutez France Inter, il est 8 heures et presque 42 minutes. C’était la revue de presse de Clotilde Dumetz. À présent vos questions sur l’actualité politique française. Le bilan de l’année 2005. Les perspectives de 2006. Avec Roland Cayrol, politologue, Directeur Général Délégué de l’Institut CSA. Il est resté avec nous après « Questions directes » pour répondre à vos questions. Bienvenue à vous tous. Une première question avec Gérald, Gérald qui nous appelle de Saint-Quentin, bonjour Gérald ! br>
- Gérald : - Oui, Bonjour ! br>
- Alain Le Gouguec : - Oui Saint-Quentin, lequel Saint-Quentin ? br>
- Gérald : - Saint-Quentin-en-Yvelines. br>
- Alain Le Gouguec : - Saint-Quentin-en-Yvelines. Votre question s’il vous plait Gérald ?
- Gérald : Oui, le référendum du 29 mai 2005 sur la Constitution Européenne a vu le « non » l’emporter par près de 55% des suffrages exprimés. Il se trouve qu’une analyse montre, qu’après le référendum, du 30 mai à aujourd’hui, de tous les invités du 7/9 de France Inter qui ont pris parti sur la Constitution Européenne, plus de 80% étaient favorables à cette Constitution. Alain le Gouguec, est-ce que la mission du service public est de refléter le point de vue des dominants et des possédants ou bien de donner à voir la diversité des opinions de toute la société ?
Et avant que vous répondiez, je précise que je ne suis pas Gérald de Saint Quentin en Yvelines, mais un adversaire des médias qui mentent, et que lorsque j’ai appelé France Inter, afin d’être sélectionné pour passer à l’antenne, il est évident que je n’ai pas annoncé au standardiste ce que je viens de dire, sinon j’aurais été censuré, mais j’ai proposé une question-leurre inspirée des pseudos analyses des experts de pacotille à la Roland Cayrol. Voilà, Alain Le Gouguec, vous êtes sur France Inter, et vous pouvez maintenant répondre en conscience à ma question.
- Alain Le Gouguec : Vous êtes opiniâtre, et vous aurez remarqué que, comme Stéphane Paoli lorsque vous l’appelez, et bien je vous laisse parler et poser votre question et faire votre remarque. Evidemment le service public est là pour refléter toutes les opinions. Nous ne mentons pas, mais il nous arrive de nous tromper, évidemment. Ça nous arrive collectivement puisque les décisions éditoriales sont prises en conférence de rédaction, collectivement. La loi du collectif, vous savez ce que c’est, vous connaissez le résultat des scrutins, et bien c’est exactement la même chose chez nous, c’est pour toute communauté humaine, c’est une communauté avec ses grandeurs et ses faiblesses et aussi, parfois, avec ses erreurs. Roland Cayrol n’est pas un expert de pacotille, mais il est toujours là. A-t-il quelque chose à ajouter ?
[Cette réponse semble témoigner d’un véritable malaise (voire comporter une part de désaveu de l’orientation suivie sous la férule de Stéphane Paoli), mais ne tient aucun compte de la question. Celle-ci porte sur ce qui s’est passé après le référendum, et non pendant la campagne comme on peut le croire en lisant ce qui suit : le commentaire de pacotille de l’expert qui ne l’est pas.]
- Roland Cayrol : - Ah, en tout cas, il ne peut pas entrer dans la catégorie des 80% qui se seraient prononcés pour le référendum européen puisque, évidemment, je ne me suis prononcé pour aucune formule, mon avis de citoyen n’intéresse personne pas plus les gens de Saint Quentin en Yvelines que d’ailleurs. Ce que ce que je note, en effet, c’est que je l’entends sur « Radio Com » et je le vois de temps en temps dans beaucoup de réunions où je vais, France Inter, le service public, l’ensemble des médias ont laissé un goût amer à beaucoup de partisans du « non », qui ont eu le sentiment, en effet, qu’ils étaient trahis, pas représentés, dans une société, où je le signale, le Conseil Supérieur de l’ Audiovisuel organisait, lui-même, la domination du « oui » dans la campagne hein c’était pas fifty-fifty dans ce référendum.
[L’expert - omniprésent pendant toute la durée de la campagne - ne veut pas figurer dans la comptabilité : on le comprend. Il veut faire croire aux amnésiques que ses commentaires ne laissaient transparaître aucun penchant pour le « oui » : nous lui offrons quelques rappels en « Annexe ». Et pour couronner le tout, il n’a perçu, du côté des partisans du « non », que des « sentiments » que sa raison experte s’emploie à rectifier en se focalisant sur le seul CSA. L’expert n’a pas énormément expertisé, comme la suite va le montrer...]
- Alain Le Gouguec : - Et il y a aussi eu de l’amertume quelquefois au sein des rédactions br>
- Roland Cayrol : - Voilà br />
- Alain Le Gouguec : - Tout le monde n’était pas d’accord et tout le monde n’a pas voté, n’a pas mis dans l’urne le même bulletin
[C’est dit. Mais alors, pourquoi le « oui » des chroniqueurs a-t-il squatté l’antenne ?]
- Roland Cayrol : - Ce que je voudrais dire c’est que la législation prévoit que dans un cas comme celui-là ce sont les partis représentés au Parlement qui sont représentés. Ce qui veut dire que 57% du temps de parole était alloué au « oui » et 43% au « non ». Il n’y avait pas d’allocation égale par le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel. Et c’est peut-être la première chose à faire, avant de s’en prendre aux journalistes, on pourrait peut-être se demander s’il ne faudrait pas organiser dans ce pays lorsqu’il y a des référendums une véritable campagne équilibrée oui-non. C’est les textes de notre Constitution et de la façon dont on l’entend qui sont eux-mêmes en cause. Et pour le reste, mon sentiment est que, cette polémique même a servi à la campagne, que ça a été un des moyens d’argumenter d’une façon ou de l’autre. Alors, je sais que les journalistes aiment pas ça, mais le fait d’être pris dans ce tourbillon ça a donné un petit piquant à cette campagne et ça a peut-être relancé les choses de façon qui a peut-être aidé à la participation.
[Bon... Mais l’expert « oublie » simplement que le CSA (qui ne s’en est guère offusqué, il est vrai...) n’est pour rien, par exemple, dans l’omniprésence des chroniqueurs favorables au « oui » : il veille seulement (et d’un seul œil) sur la répartition des temps de parole entre représentants des formations politiques. Quant à se réjouir d’une injustice sous prétexte qu’elle permet d’argumenter et qu’elle « pimente » une campagne, il faut l’oser. Comme il faut beaucoup de clairvoyance pour affirmer que la partialité a favorisé la participation à un scrutin dont Roland Cayrol se déclarait certain, quelques mois plus tôt, qu’il laissait indifférent 50% des électeurs (voir notre « Annexe » ci-dessous)]
- Alain Le Gouguec : - Lorsque les journalistes sont pris la main dans le pot de confiture qu’ils se fassent taper sur les doigts n’est pas tout à fait anormal. André nous appelle de Paris.
Au fait, quelle était la question posée par l’intrus ? Elle est restée dans le pot de confiture.
Ecoutez...
... Et lisez
Annexe :
La mémoire courte de Roland Cayrol ou quelques fragments de sondologie objective.
Mardi 5 avril dans l’émission « C dans l’air » animée par Yves Calvi qui n’a invité que des partisans du « oui » [5], Roland Cayrol annonce l’abstention et l’explique : « Y a décidément trop de gens que ça n’intéresse pas. 50%, c’est sûr ». [On est prié de ne pas sourire.]. Puis il explique ce que doit être le travail à effectuer auprès des indécis : « Il faut créer un doute chez eux, sur le caractère bien raisonnable de voter « non » ». Ce disant, Roland Cayrol, c’est évidemment abstenu de donner son point de vue !
Interrogé par Europe 1 le 21 avril 2005 à 19h20, sur des sondages divergents, Roland Cayrol, ainsi que nous l’avions rapporté, insulte grossièrement Pierre Bourdieu. Entouré de Jean-Pierre Elkabbach, de Christian Barbier (de L’Express) et de François Bazin qui s’insurgent contre les auditeurs qui ont l’audace de dénoncer les déséquilibre en faveur du « oui », Roland Cayrol « oublie » de rectifier leurs propos. Mais dévoilant sa préférence, il répond à une adversaire des sondages en lui expliquant que la révélation de la montée du « non » a été permise par les sondeurs [6]. Et qu’elle permet à chacun de ne plus s’illusionner en imaginant que le « oui » allait l’emporter. Dans le cas contraire, « beaucoup de gens se seraient dit : Ah, si j’avais su [que le « non » avait ses chances] peut-être que je serais allé voter. Trop tard ! » . Les sondages favoriseraient donc la mobilisation en faveur du « oui ». Il faut donc remercier les sondeurs.
Sur France Culture, le 8 mai 2005, dans l’émission « L’Esprit public », le citoyen Cayrol salue le blairisme économique et social et recommande aux socialistes français de s’en inspirer : « Rendre le droit du licenciement plus souple en même temps qu’obliger les chômeurs à accepter le travail qu’on leur propose [inaudible : exige ?] un véritable courage. » Plaidoyer pour une certaine Europe.
Une semaine plus tard, le 15 mai 2005, dans l’émission « L’Esprit public » [encore !], Roland Cayrol estime que l’oscillation des sondages s’explique par la tentation, contradictoire, d’une part de dire non à tous ceux qui décident et, d’autre part, celle de « se rabattre sur le oui parce que tous les gens raisonnables nous disent que c’est plus raisonnable. » Difficile de croire qu’un expert ne fait pas partie ces « gens raisonnables qui nous disent que c’est plus raisonnable » de voter « oui ».