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Lu, vu, entendu : « Scories »

...médiatiques et polémiques

I. Scories médiatiques

 Jean-Marc Sylvestre Business. Tapez « Jean-Marc Sylvestre » sur Google et... oh surprise l’un des premiers liens sur lequel vous tombez est un « lien commercial » avec le site « Glamour speakers » qui propose d’engager Jean-Marc Sylvestre pour des événements publicités et relations publiques... Le lien, proposé par Google, avec la fiche de Jean-Marc Sylvestre s’intitule sobrement « Engagez J.M. Sylvestre ». En voici quelques extraits :

« Le monde change, la mondialisation suscite beaucoup d’inquiétudes auprès des salariés et actionnaires. De Davos à Porto Allegre en passant par Bruxelles, la mondialisation est devenue un sujet de débat majeur dans les entreprises dont certaines prennent ce phénomène comme une fatalité alors que bien compris il peut constituer une opportunité de développement et de croissance.

Jean-Marc Sylvestre est Rédacteur en chef et responsable de l’économie à TF1. Docteur en économie, il anime "Décideur" tous les week-ends sur LCI, une émission sur le monde des affaires et de l’économie où il reçoit les grands décideurs du marché. Il présente aussi l’émission "Le club de l’économie", au cours de laquelle il reçoit les personnalités de la finance et de l’industrie.

Jean-Marc Sylvestre présente aussi "L’économie aujourd’hui" sur France Inter et "Les coulisses de l’économie" sur TF1. Sérieux, calme, organisé, sa présence impose toujours le respect.

Il a écrit le livre Une petite douleur à l’épaule gauche où il raconte avec émotion et courage la grave infection nosocomiale qui lui a fait subir une opération à cœur ouvert. Ce livre raconte l’aventure médicale et intime d’un homme convaincu d’être perdu et qui remet en cause ses convictions. »

Chaque matin on nous présente M. Sylvestre comme « expert/chroniqueur économiste », mais jamais comme un « produit » ou un adorateur des « ménages ». C’est sûr : il va démentir et protester contre cet usage abusif de sa « marque ». (D’après un correspondant [1]).

 Philippe Val défend la liberté de la presse. Mais non, ce n’est pas ce que vous croyez. Philippe Val ne défend pas seulement la liberté de caricaturer Mahomet, mais aussi la liberté de la presse de bénéficier des investissements de « grands financiers ».

Dans l’émission « Charivari » du 30 janvier 2006 sur France-Inter, après un bref résumé de l’arrivée de « Google » en Chine et de la censure du moteur de recherche sur la question tibétaine et sur d’autres questions liées au régime politique chinois, Philippe Val se livre à un exposé sur le rôle de la presse écrite payante dans les régimes démocratiques.

«  En bref, nous connaissons tous la crise des journaux quotidiens, l’érosion de l’écoute des radios en général et la fragilité du marché publicitaire qui menace même les chaînes de télévision. [Diable !] A cela, il faut ajouter les journaux gratuits qui sont un phénomène transitoire [???] destiné à [Un complot ?] accélérer l’assèchement des recettes publicitaires dont tous les grands médias ont besoin pour subsister.  » On aurait pu croire que les « gratuits » étaient d’abord destinés à accroître les profits des actionnaires, quelles qu’en soient les conséquences par ailleurs. En tout cas, avec Philippe Val, les médias indépendants et sans ressources publicitaires seront bien défendus.

Le directeur de Charlie Hebdo enchaîne alors les incohérences et les idées reçues... « Si les propriétaires de radios, ou des télévisions, ou des moyens de diffusion Internet gratuits, ou des journaux distribués gratuitement avaient le désir de diffuser des choses fausses, la presse payante serait là pour le dénoncer et même si la diffusion est restreinte , elle est encore assez diverse pour être garante d’une éthique journalistique suffisante aux besoins de l’information de la démocratie.  » Face à tous les autres médias, seule la presse écrite et sa fabuleuse diversité pourraient donc sauver la qualité de l’information... Comme le montre par exemple la façon dont cette presse a couvert l’agression dans le RER D, le référendum sur la constitution européenne ou récemment la baisse miraculeuse du chômage.

Et si... « ...par exemple, la presse passait sous silence tel ou tel événement par intérêt politique ou commercial dans un pays utopique ou enfin dans une période du futur : le New-York Times ou El Païs ou la Republica finirait par faire circuler l’information. » Bis : Comme le montre par exemple la façon dont elle a couvert l’agression dans le RER D, le référendum sur la constitution européenne ou récemment la baisse miraculeuse du chômage.

Et Philippe Val entonne une réplique que nous ne lui connaissions pas encore :

« Or, il se passe dans le monde démocratique un phénomène très inquiétant, un certain nombre de grands financiers, qui par la nature même de leur travail, voient à long terme et qui possèdent les grands journaux, les grands journaux de télévision, les radios, sont en train de se désengager de ces entreprises. » Au moment où l’emprise des conglomérats transnationaux et financiarisés dictent leur loi à tous les autres, où les concentrations s’accélèrent en France même, Philippe Val ne voit là aucune menace et s’inquiète d’un éventuel désengagement.

Cette fable étrange s’achève par un appel lyrique et pathétique : « Aujourd’hui et c’est aujourd’hui qui nous intéresse, le seul moyen de résister à ce phénomène c’est d’acheter des journaux et de les lire, une façon d’aider à vivre ceux qui nous aident à vivre. » [Transcription de Stéphane Marion]

 Un double « scoop » de France soir. Dans France Soir du 27 décembre 2005, cette brève (texte intégral) titrée Le Grand bond en arrière :

« Serge Halimi, journaliste au Monde diplomatique, dans Le Grand bond en arrière , à paraître le mois prochain , s’interroge : « Pourquoi le monde occidental, à partir des années 80, passe, avec armes et bagages, au néo-libéralisme ? » Et reprend à son compte cette phrase d’Alain Minc : “La mondialisation est à l’économie ce que l’air est à la l’individu ou la pomme à la gravitation universelle.” ».

Un an après la parution du livre de Serge Halimi, France soir, confondant la première et la deuxième édition, découvre qu’il va paraître en 2006 ! Et des 620 pages qui peuvent être lues comme une réfutation de la pensée du plagiaire Alain Minc, le quotidien retient que l’auteur de ce bref opuscule aurait, somme toute, plagié le plagiaire. Un double « scoop » digne de France soir, légende vivante du journalisme !


II. Scories polémiques

 Eloges de la raison. Lu sur le blog de Daniel Schneidermann, sous le titre « Chavez, l’antisémitisme, le Christ, et le big bang » (16 janvier 2006) :

« Sans vouloir vous offenser, Eviv, Philinte et les autres, et avec tout le respect que mérite votre mobilisation depuis cinq jours, il me semble que toute la question se résume à une citation tronquée. Le site d’Acrimed me semble, sur ce point, le plus complet, une fois l’article dépouillé de ses scories polémiques. »

Nous étions biens décidés à faire amende honorable et à dépouiller tous nos articles de ces fâcheuses scories quand nous sommes tombés en arrêt sur la fin d’émission d’Arrêt sur Images du 15 janvier 2006 consacrée à une réflexion « savante » sur la communication de Ségolène Royal.

 Daniel Schneidermann : « Alain Duhamel ça vous pose une question en quelque sorte personnelle, vous êtes l’incarnation d’un traitement rationnel, même ultra rationnel, de la politique . On a souvent dit que des gens comme vous, Alain Minc, Jérôme Jaffré, Jean Marie Colombani, formez une sorte de cercle de la raison ...  » (mouvement circulaire des mains de Schneidermann pour illustrer ce cercle...) Réaction de confusion et manifestation d’extrême modestie de Duhamel : dénégation par rapport à ces propos, Duhamel insistant sur la concurrence entre les éditorialistes : « Dieu merci, sur chaque sujet il y a toujours des pensées contradictoires... ».

Mise au point de Schneidermann : « Non, non, vous ne l’avez pas dit », avant d’en revenir à la question à laquelle seul l’expert peut répondre, mais, curieusement, non grâce à sa raison mais à son flair : « Est-ce que vous sentez aussi que ce traitement ultra rationnel de la politique n’a plus de prise ? »

Que Daniel Schneidermann nous excuse de cette scorie ironique, mais affirmer « des gens comme vous, Alain Minc, Jérôme Jaffré, Jean Marie Colombani  », forment « une sorte de cercle de la raison », n’est pas très ... raisonnable.

 Quoique... Sous le titre « La télévision et ses maîtres » [2], Alain Duhamel découvre partiellement quelques vérités élémentaires. Extraits :

« L’influence politique de la télévision est née avec la Ve République, en 1958. En un demi-siècle, elle s’est lentement émancipée de son tuteur d’origine, le pouvoir exécutif, mais c’est pour passer d’un maître à l’autre. La course à l’audience a remplacé l’emprise du palais de l’Elysée, les contraintes économiques et financières ont succédé, pour l’essentiel, aux intrusions politiques. » Autrement dit : à la censure visible ont succédé les censures invisibles ou moins visibles (quand ce n’est pas le cumul des pressions politique et des pressions commerciales. Jusqu’à une date récente, une telle affirmation passait encore pour marxiste ou bourdieusien et, plus simplement, pour « simpliste ».

« [...] la vie politique apparaît désormais exposée en permanence aux démons de la télévision : le despotisme de l’instantanéité, du temps réel, l’emprise de l’émotivité et même de l’irrationalité, le triomphe de la simplification. ». C’est moins rigoureux qu’une analyse sociologique et l’on devine l’élitisme et la souffrance du pédagogue incompris. Mais soudainement critique, Duhamel peut-il mieux faire ?

« [...] La télévision est aujourd’hui politiquement plus libre, financièrement plus dépendante [Donc pas franchement libre politiquement, non ?] mais surtout elle-même plus dangereuse. On combat plus aisément les interventions politiques abusives qu’on ne résiste à l’ascendant illégitime et redoutable de l’image. » De l’image ou de la course à l’audimat dictée par l’emprise des logiques financières ? Alain Duhamel oublie son argument précédent en cours de route.

« C’est ce qu’avait démontré la campagne présidentielle de 2002, avec l’hégémonie absolue des faits divers crapuleux sur le débat démocratique. » Autrement dit, Duhamel découvre, à sa façon, que les faits divers font diversion, comme le disait tel sociologue honni par Duhamel et ses semblables.

« C’est ce que démontre à nouveau la terrible affaire d’Outreau qui voit la télévision réhabiliter, glorifier et vedettiser les malheureux acquittés qu’elle avait auparavant puissamment contribué à expédier aux enfers. » Problème : pourquoi oublier la quasi totalité des autres médias ?

« Après avoir obéi malgré elle, la télévision règne désormais sur l’espace public. Cette nouvelle situation apparaît aussi dangereuse que la précédente. [...] La désillusion massive est venue de la concurrence. L’idée reçue, à la fin des années 80 et au début des années 90, est qu’une télévision désormais multiple et diversifiée allait nécessairement fournir une information politique de qualité. Ce n’est pas ce qui s’est produit. [...]La concurrence, le marché, au lieu d’élever soudain le niveau de l’information politique, l’ont au contraire asphyxiée et marginalisée. » Cette critique tardive du libéralisme sans illusion de l’un de ceux qui font profession de se faire des illusions sur le libéralisme est sans issue à moins que Duhamel ne revendique la fin de la publicité sur les chaînes publiques et la réappropriation démocratique de TF1.

« [...] Durant la campagne présidentielle de 2002, la question de l’insécurité écrasait les journaux télévisés et le traitement de la politique se trouvait renvoyé en fin de journal, à travers quelques sujets rapides et timides, comme embarrassés de se trouver là. Désormais, la télévision préfère l’émotion à la réflexion, impose ses priorités, en apparence soigneusement dépolitisées. Elle détermine l’univers quotidien des Français et ne concède à l’information politique que la part du pauvre, honnête mais reléguée au bas bout de la table. C’est le règne de la démocratie d’opinion, donc d’émotion. Longtemps corsetée par la politique, la télévision la bannit vers ses confins". Le problème, c’est que la politique selon Duhamel, ce n’est rien de plus que la politique des chroniqueurs et éditorialistes de la plupart de ses confrères, notamment de la presse écrite.

Cette demi-critique vaut-elle mieux que rien ? Peut-être... Mais de là à penser qu’Alain Duhamel, est un sous-marin d’Acrimed ou complote avec nous, il y a un océan à ne pas franchir.

 Le comploteur solitaire (suite) - Résumé des chapitres précédent (Voir : « Lu, vu entendu n° 20 »), en bas de page). Ayant finalement avoué son cousinage avec les auteurs du Protocole des sages de Sion et son goût prononcé pour la théorie du complot, Acrimed a appliqué avec élégance cette théorie et découvert le comploteur solitaire qui, dans toutes ses prestations dans les médias et quel que soit le sujet, démasque d’infâmes théoriciens. Dernier épisode en date : une nouvelle « tribune » dans Libération, intitulée « Eclosion de la mélancolie en politique ». On peut y lire ces quelques lignes : « Les médias, dans leur course-poursuite après un « nouveau » vite défraîchi, ont leur part de responsabilité dans la situation. Mais pas à la manière du « grand complot néolibéral » supposé réunir capitalistes-politiciens-intellectuels-journalistes, qui fait tellement frétiller de manichéisme quelques critiques simplistes des médias et leurs lecteurs. » Cette critique complexe, destinée aux lecteurs pas simplistes de Libération au moment où ce quotidien se signalait par un analyse subtile de quelques phrases Hugo Chavez, était mélancoliquement signée... Philippe Corcuff.

Et pour finir
Une leçon de géographie politique

Sourire. Des bourdes de ce genre, on en trouve partout, y compris sur le site d’Acrimed. Mais confondre la Bolivie et le Venezuela a tout l’air d’un aimable lapsus.

« Venezuela : Evo Morales est le premier président indien ». Et Sarkozy le premier candidat français à la présidence de la République de Monaco.

 
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Notes

[1Dont nous avons égaré le nom que nous mentionnerons s’il se reconnaît.

[2Libération, 8 février 2006.

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