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Le Monde et Libération : désinformation active sur la directive Bolkestein

par Claudine Girod,

Nous publions ci-dessous une analyse de Claudine Girod pour l’Observatoire bisontin des médias (contact : Sylvie Della Santa). (Acrimed)

Au moment où un vaste mouvement - citoyen et syndical - s’oppose à l’adoption de la directive Bolkestein, Le Monde et Libération, apportent un soutien sans faille au projet libéral de l’Union Européenne, à grand renfort d’affirmations erronées, d’inexactitudes et d’informations incomplètes. La manière dont ils ont rendu compte entre le 14 et 17 février de l’amendement n°5 à la directive Bolkestein, (celui du principe du pays d’origine) est à ce titre révélatrice.

Véritable prouesse journalistique : aucun des deux quotidiens ne cite les amendements... et surtout pas celui contre lequel s’étaient déjà prononcés nombre de citoyens. L’eussent-ils fait, il leur aurait été plus difficile d’écrire, comme Jean-Marie Colombani : « le principe du pays d’origine a disparu » (Le Monde, éditorial de Colombani le 15 février, « test européen »). Or, ce principe n’est pas retiré, il devient simplement non obligatoire : « ces dispositions n’empêchent pas le pays membre dans lequel le fournisseur de services s’installe d’appliquer les réglementations dans le respect des dispositions d’une activité de service, où elles sont justifiées pour des raisons de politique publique, de sécurité publique, de politique sociale, de protection des consommateurs, de protection de l’environnement et de santé publique, et elles (ces dispositions) n’empêchent pas non plus les états membres d’appliquer, en conformité avec la loi communautaire, leurs règles en matière de conditions d’emploi, incluant aussi celles fixées dans les conventions collectives  » [1]

La différence est de taille : l’application du droit du pays d’origine ou du pays d’accueil sera négociée entre prestataires et clients. Rien ne garantit donc que soit appliquée la législation du travail du pays d’accueil, ni d’ailleurs celle du pays d’origine.

Qu’à cela ne tienne. Jean Quatremer (Libération, le 13 février) indique que «  si un plombier est autorisé à exercer en Pologne, il pourra exercer aussi en France... En revanche, il devra se soumettre au droit du pays d’accueil en matière de droit du travail [2], de protection des consommateurs, de droit de l’environnement, de santé publique... ». C’est faux.

Ce que j’assume, ce que je fais dire aux autres

Par ailleurs, et alors que tant au Monde qu’à Libération, on n’hésite pas à présenter le prétendu retrait du principe du pays d’origine (PPO) comme une information avérée, l’évocation de prises de distance critique sur ces amendements et sur la directive elle-même sera toujours renvoyée à l’opinion d’un locuteur identifié (par son appartenance politique si possible). Aux louanges des pouvoirs politiques, le discours direct « objectif » du journaliste. Aux propos qui modulent, nuancent, précisent ce soi-disant retrait du PPO le discours rapporté, direct ou indirect, dont on souligne la subjectivité engagée.

Dans son article du 13 janvier, « Bolkestein revient en version allégée », Jean Quatremer écrit, «  il [le compromis] vide de sa substance la directive Bolkestein en évacuant le très contesté « principe du pays d’origine » et affirme la soumission des prestataires de services au droit du pays d’accueil  ». Le lendemain, Libération ouvre ses colonnes aux critiques... mais dans la rubrique REBONDS : nous ne sommes plus dans le domaine de l’information.

Pour Rafaële Rivais, « Mme Gebhart et M. Harbour se sont entendus pour supprimer ce principe du pays d’origine » (Le Monde, 13 février « La directive Bolkestein entre les mains du Parlement Européen »). «  Le compromis trouvé entre Mme Gebhart et M. Harbour chasse toute espèce de menace, puisqu’il supprime le principe du pays d’origine. Il précise en outre que le droit du travail n’est pas affecté par la Directive services, et il écarte les agences d’intérim de son champ  » indique-t-elle pour clore le même article !

Le Monde laisse au « fabiusien » Henri Weber le soin d’indiquer que « si le mot [principe du pays d’origine] ne figure plus, l’esprit reste », sans explication, sans commentaire. Et, au cas où le lecteur n’aurait pas compris, le journaliste d’ajouter : «  la disparition du texte de la notion la plus controversée, le principe du pays d’origine, ne convainc pas.[les socialistes français]  » (Le Monde,14 02, « les socialistes français réconciliés contre la Directive Bolkestein », Isabelle Mandraud).

«  Ce compromis, [...] supprime du texte originel le très controversé « principe du pays d’origine », qui veut qu ‘un prestataire de services soit soumis au droit du pays d’où il vient, et non du pays où il exerce son activité  » répète Rafaële Rivais dans l’édition du Monde du 15 février sous le titre « le Parlement peine à réunir une large majorité pour adoucir la Directive Bolkestein ». Pourtant, Rafaële Rivais indique bien dans le même texte que « les verts (42 membres), les communistes (41) et nombre de socialistes français (les 31 membres de leur délégation...) considèrent qu’il " crée de l’incertitude juridique parce qu’il ne dit pas que le droit applicable est celui du pays de destination ". Ils affirment que cette ambiguïté donnera lieu à des recours devant la Cour de justice européenne, " qui tranchera dans le sens libéral" ».

Mais de là à aller confronter ces propos au texte de l’amendement...

Règlements de compte ?

Un certain 29 mai encore en travers de la gorge, Jean-Marie Colombani rappelle le dogme libéral le 15 février (éditorial, « test européen ») « la relance de la croissance européenne passe, notamment, par une meilleure concurrence dans la banque ou dans la distribution. », et ressasse son analyse du référendum du 29 mai sur le projet de TCE  :« l’argument [ faire sauter toutes les législations du travail et risquer d’engager une course vers le « moins disant social »] a alimenté la peur du plombier polonais et qui a alimenté le « non » à la Constitution en France. » (dans le même éditorial) D’un côté : la xénophobie et la peur. De l’autre, le libéralisme et la tolérance...

Claudine Girod

PS. Cet article a déplu à l’un des jourlistes mis en cause. Lire : M. Quatremer de Libération, n’est pas content (Acrimed)

 
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Notes

[1amendement 5, extrait, précisant le droit appliqué, par Marianne Thyssen, Malcolm Harbour, Othmar Karas, Jacques Toubon, pour le groupe EPP-ED et par Evelyne Gebhardt, Anne Van Lancker, Robert Goebbels, Johannes Swoboda, Harlem Désir pour le groupe PSE. Traduction de l’auteur

[2c’est l’auteur qui souligne

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