Accueil > Critiques > (...) > 2006 : Mobilisations contre le CPE et la précarité

Lyonplus : un « gratuit » se penche sur le « malaise » des jeunes hostiles au CPE (7 mars)

par Matthieu Vincent,

Propriété du Progrès, le journal gratuit Lyonplus est l’un des trois quotidiens diffusés dans l’agglomération lyonnaise avec metro et 20 Minutes, il tire à plus de 70000 exemplaires et se présente comme le « premier quotidien gratuit de Lyon » selon son site Internet [1]. Le mardi 7 Mars, journée de mobilisation oblige, le quotidien se penchait sur les facs lyonnaises et le mouvement anti-CPE.

On pouvait lire en « une » ce titre intrigant : « CPE : les facs lyonnaises hésitantes ». Le titre de l’article en page 2 enfonçait le clou : « Mobilisation floue à Lyon ». Mais qu’est-ce qui n’allait pas dans les facs lyonnaises ? En un cours article, surmonté d’une photo et accompagné de deux encadrés (l’un sur les lycéens et l’autre sur les « perturbations » annoncées dans les transports), le bon docteur Lyonplus, allait nous éclairer.

« Dans les universités lyonnaises, l’ambiance est confuse et le mouvement peine à s’organiser », nous dit l’accroche de l’article. Mais pour quelles raisons ? Suivent alors quelques explications plutôt... confuses. Ainsi : « la journée [du 6 Mars] sur le campus de Lyon 2 illustre ce climat d’incertitude ». On sent pointer une explication. Elle ne vient pas. Un comité d’organisation a été élu, mais signe évident de « confusion » : « les représentants ne donnent ni nom, ni prénom (sic) ».

Autre signe de confusion chez les étudiants lyonnais : « les tracts évoquent le CPE, mais aussi tous les signes du malaise d’une génération, des difficultés de logement au contrôle social [2] ». Tout est dit. Les étudiants n’ont pas nourri une réflexion leur permettant de lier le CPE à un cadre plus important de recul des droits sociaux. Ils ne se sont pas organisés démocratiquement et n’ont pas débattu. Ils vivent un « malaise » et sont en pleine « confusion ».

La légende de la photo illustrant l’article enfonce le clou. Au dessus d’une foule de jeunes, on voit une pancarte proclamant : « avenir précaire, réplique révolutionnaire ». Ce n’est pas le fruit d’une réflexion en vue d’élaborer un slogan dont on peut penser ce que l’on veut par ailleurs : « C’est aussi le malaise d’une génération qui s’exprime », dit la légende.

En un court article, notre quotidien gratuit n’a à la fois rien dit de la mobilisation et réussi à multiplier les erreurs et les approximations [3]. Dans une posture plutôt méprisante pour la jeunesse, un journaliste confus (ou très pressé...) a préféré voir dans les mobilisations lyonnaises les marques d’un « malaise », « flou » et « confus ».

Un dernier exemple. Dans l’encadré consacré aux lycéens, le journaliste de Lyonplus affirme : « Plusieurs estiment que la participation des enseignants au mouvement de grève déterminera pour beaucoup la présence des élèves ». Parlant comme Gilles De Robien, « plusieurs » pensent que les lycéens ne sont pas capables de décider eux-mêmes de manifester. Heureusement que le bon docteur Lyonplus est là pour les éclairer.

Mathieu Vincent

 
Acrimed est une association qui tient à son indépendance. Nous ne recourons ni à la publicité ni aux subventions. Vous pouvez nous soutenir en faisant un don ou en adhérant à l’association.

Notes

[1www.lyonplus.com, voir la rubrique « espace annonceurs ».

[2Souligné par nous

[3De rapides exemples : « CGT, FO, CFE-CGC, SUD, Solidaires appellent à manifester ». A notre connaissance, il semblerait que les syndicats SUD font partie de « Solidaires », Lyonplus , n’est pas encore au courant. Ou encore « Treize universités sont en grève partielle à Lyon ». Pour ceux qui ne le savent pas, nous rappellerons que Lyon ne compte que trois « universités » et un grand nombre de « facultés ». Notre journaliste ne semble pas faire la différence.

A la une

Portraits de journalistes dans Libération : entre-soi et complaisance

Starification et dépolitisation.