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M6 et la Française des Jeux : Quand le CSA avalise la censure

Petit rappel des faits

Un reportage intitulé « Loto : la grande saga des jeux de grattage », diffusé dans le magazine « Capital », d’une durée initiale de 28 minutes, a été revu et corrigé par le directeur de l’information, dans de conditions que résumait le communiqué de la Société des journalistes de M6 rendu public le lundi 6 février 2006 et publié ici même

« [...] samedi 4 février, veille de la diffusion, en désaccord complet avec la rédaction, de « Capital », sans même avertir l’auteur du sujet écarté de toute modification, le Directeur de l’Information de M6 venait en personne censurer gravement le sujet :

- « coupe » des 8 minutes les plus embarrassantes pour la Française des Jeux ;
- réécriture du commentaire par le Directeur de l’Information et utilisation orientée d’éléments d’information fournis pas des mathématiciens, professeurs et chercheurs à Polytechnique ou aux Écoles Normales Supérieures ;
- réenregistrement de la voix du commentaire samedi après-midi par un journaliste du « 6 minutes » appelé en urgence. Il ne saura rien des raisons pour lesquelles l’auteur du reportage n’enregistre pas lui-même le commentaire.

La censure visait notoirement à préserver les intérêts de la Française des Jeux. A travers les spots publicitaires achetés sur l’ensemble de la télévision française, la Française des Jeux est, à hauteur de 56 millions d’euros en 2005, le 14ème annonceur sur ce média. »

Le passage censuré, tourné en caméra cachée, a été diffusé le 5 février 2005 dans l’émission « Arrêt sur Images ». On y voit notamment des reporters de « Capital » qui se rendent chez un buraliste pour vérifier la théorie de Robert Riblet qui soutient que les jeux de grattage ne doivent pas grand chose au hasard : une théorie que les témoignages recueillis semblent conforter, « à 97% » risque le commentaire original. Dans la version expurgée, « les chances qu’elle ne soit fausse ne sont pas nulles »... Evaluer ainsi des probabilités relève sans doute des jeux de hasard, mais c’est sur un principe, et non sur un calcul que le CSA était appelé à se prononcer...

Le CSA « régule » !

Sur le site du Conseil supérieur de l’audiovisuel, on peut lire ceci :

« Émission Capital du 5 février 2006 : le Conseil répond à Me Collard

Date de publication sur le site : 29 mars 2006
Assemblée plénière du 1er mars 2006

Me Gilbert Collard a saisi le Conseil d’une plainte formulée par M. Robert Riblet à propos de l’émission Capital diffusée sur M6 le 5 février 2006, lors de laquelle celui-ci estime avoir fait l’objet d’une censure alors qu’il s’exprimait sur la question des jeux de grattage.

Le Conseil a répondu à Me Collard qu’il considérait que la séquence en cause n’était pas constitutive d’un manquement, par la chaîne, à ses obligations relatives à l’honnêteté de l’information, la problématique du caractère aléatoire de la distribution des lots dans les jeux de grattage ayant été clairement exposée et l’expression des différents points de vue assurée. »

Résumons : pour le CSA, une censure n’est pas une censure quand un reportage est coupé au montage et que son commentaire est réécrit, pour peu que demeurent la « problématique » et les « différents points de vue » ! Tout le reste est sans doute superflu : le droit moral de l’auteur du reportage sur le résultat de son travail ; le droit des téléspectateurs d’être informé. Ces deux droits, selon l’aveu implicite du CSA, sont la propriété privée des tenanciers de M6 et des publicitaires.

Faut-il en conclure que le magazine Entrevue est plus respectueux de la liberté de la presse et des droits des journalistes ? Nous n’irons pas jusque-là ! Mais dans le numéro d’avril 2006, on peut lire, sous le titre général « Les annonceurs font la loi sur M6 », 3 pages sur le sujet.

Qu’un véritable scandale puisse l’être aussi pour un journal à scandales n’est sans doute pas une surprise. Mais qu’il ne le soit pas pour le CSA est proprement ... scandaleux, sans être vraiment surprenant non plus. Quand un magazine comme Entrevue informe plus correctement que le CSA ne juge, il y a peut-être de quoi s’inquiéter et exiger qu’une institution réellement démocratique remplace cet organisme fantoche, jouet du pouvoir politique, des intérêts privés et des publicitaires.

 
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