À un an d’un scrutin déterminant, nous nous faisons un devoir de vous adresser ce bref « aide-mémoire du Pdg de Radio France en période de campagne pour l’élection présidentielle ». Ce document vous sera certainement très utile. N’hésitez jamais à le consulter.
Dans les vœux que vous avez formés le 17 janvier 2006, vous n’avez pas manqué de noter la « réelle indépendance » du service public de la radio. Après avoir énoncé les « principes » qui guident votre action, vous avez aussitôt déclaré : « MES directeurs de chaînes les partagent ». Cet adjectif possessif et cette citation ne souffrent aucune contestation. L’un et l’autre en disent long sur la « réelle indépendance » de Radio France sous votre présidence.
Dès votre arrivée dans notre société, il y a deux ans, vous avez de votre plein gré revendiqué votre choix politique, vous affirmant résolument « libéral » [1]. En décembre 2005, devant le bureau de la « Société Des Journalistes », le directeur de France Inter a brusquement souffert d’amnésie quand il a affirmé que vous n’étiez « pas engagé en politique ». Aux élus de la SDJ, Gilles SCHNEIDER a rappelé que vous étiez « un serviteur de l’Etat », comme si votre statut d’énarque pouvait, de facto, vous assurer une apaisante neutralité.
A nos yeux, « libéral + serviteur de l’Etat » = « serviteur de l’Etat UMP ». Ce n’est pas plus acceptable que si vous apparaissiez comme le « serviteur d’un Etat socialiste ». Pour les militants de SUD, l’Etat n’appartient ni à la droite, ni à la gauche, mais au Peuple de France dans toutes ses composantes. A « serviteur de l’Etat », nous aurions préféré la formule : « serviteur de l’information ».
Sans doute connaissez-vous déjà par cœur l’article 4 du « Cahier des charges de Radio France » (J.O. du 15/11/87, modifié par le décret du 12/10/00) ? Peut-être cet alinéa a-t-il inspiré votre couplet du 17 janvier sur « la réelle indépendance » du service public de la radio ? Il stipule : « La société assure l’honnêteté, l’indépendance et le pluralisme de l’information (...) dans le respect des recommandations du C.S.A. ».
Le « Cahier des charges de Radio France » ne peut être lu et approuvé qu’à la lumière de la « Déclaration des devoirs et des droits des journalistes », dite « Charte de Münich » [2]. Sa lecture nous enseigne que : « Reconnaissant le droit en vigueur dans chaque pays, le journaliste n’accepte, en matière professionnelle, que la juridiction de ses pairs, à l’exclusion de toute ingérence gouvernementale ou autre ». Cette charte fut signée les 24 et 25 novembre 1971 par les représentants des fédérations syndicales de journalistes de la Communauté européenne, de Suisse et d’Autriche, ainsi que par diverses organisations internationales, comme la FIJ et l’O.I.J. (Fédération Internationale des Journalistes et Organisation Internationale des Journalistes). L’article 3 de ce même texte affirme encore : « Le journaliste ne peut être contraint à accomplir un acte professionnel ou à exprimer une opinion qui serait contraire à sa conviction ou à sa conscience ». Les journalistes -VOS journalistes- travaillent donc « en conscience ».
En résumé, retenez ceci :
« En assurant l’indépendance de l’information, la société Radio France assure celle de ses journalistes sans qu’il puisse y avoir d’ingérence, notamment par l’intermédiaire d’un Pdg haut fonctionnaire qui revendique ouvertement sa fibre libérale. A Radio France comme ailleurs en Europe, les journalistes travaillent en conscience. Ils ne répondent de leurs choix et pratiques professionnels que devant leurs consoeurs et leurs confrères. Ils sont vigilants face aux points de vue et recommandations qu’expriment ceux d’entre eux -notamment VOS directeurs de chaînes- dont la liberté de jugement pourrait être altérée par les responsabilités qu’ils occupent auprès de vous ».
De son côté, le syndicat SUD Radio France s’attache à votre engagement essentiel du 17 janvier 2006.
Ce jour-là, face aux personnels de notre société, vous avez souligné : « Je tiens à vous redire ma solidarité à vos côtés lorsque vous êtes l’objet d’attaques ».
Nous ne demandons qu’à vous croire.
L’avenir, nous n’en doutons pas, nous offrira le loisir d’apprécier votre sincérité.
Paris, le 6 avril 2006