Accueil > Critiques > (...) > 2006 : Mobilisations contre le CPE et la précarité

Daniel Schneidermann s’emballe (post-scriptum)

par Henri Maler,

Sur son blog et sous le titre « Ciel, Acrimed n’a pas aimé le camembert d’Aurélie Windels ! [1] », Daniel Schneidermann répond à notre article sur ses « emballements »

Une réponse vraiment ?

Sur le ton badin qu’il affectionne, Daniel Schneidermann annonce la couleur de sa réplique en nous présentant comme des statues de cire staliniennes : « Pour ceux d’entre vous qui n’auraient pas connu les années cinquante, et se demanderaient ce que signifie le terme "procès en déviation idéologique" on peut, comme on va à Grévin, lire le dernier article d’Acrimed. »

Une accusation très « tendance », puisqu’elle est reprise au mot près - procès en « théorie du complot » en moins - d’un article de son collègue de Libération, M. Quatremer qui, lui aussi, avait trouvé ce « truc » - le prétendu « procès en déviation idéologique » - pour répondre à côté des questions que nous avions soulevées [2]

Le persiflage n’étant souvent qu’une invective policée et rarement un argument (aussi polémique soit-il), cette « entame » n’annonçait rien de bon. Qu’avions-nous osé écrire pour mériter une accusation aussi désinvolte ? Simplement que Daniel Schneidermann - qui récidive dans sa réponse - s’était emballé en deux occasions.

 Premier emballement : Quand, dans un article de Libération, Daniel Schneidermann présente des médias unanimes dans leur soutien sans réserve, ni nuances, ni contradiction à la mobilisation contre le CPE. En guise de réponse, Schneidermann réécrit partiellement, sur son Blog, l’article paru dans Libé :

« Je m’emballe, parce que j’ai écrit dans Libé que les télés, après avoir longtemps minoré le mouvement anti-CPE, quand seules quelques facs provinciales étaient en grève, se sont retournées comme une crêpe à partir du moment où les facs parisiennes ont elles-mêmes embrayé sur le mouvement, et pendant quelques semaines ont donné l’impression que la jeunesse entière, et la France elle-même, étaient toutes entières dressées contre Villepin l’Immonde (conformément au cycle désormais bien connu, omerta/emballement). »

Cette version corrigée (qui met l’accent, à juste titre, sur un certain « suivisme » des télés) ne répond nullement à nos objections.

 Deuxième emballement : quand, lors de l’émission « Arrêt sur images », Daniel Schneidermann, commentant le « camembert d’Aurélie » (dont nous n’avons jamais contesté l’exactitude [3]) le présente comme une « preuve » d’un « emballement » médiatique.

Nous avons longuement expliqué pourquoi une telle interprétation de ces chiffres était parfaitement contestable [4]

A nos arguments, Daniel Schneidermann ne répond pas. Pourquoi ? Parce qu’il sait par avance ce qu’il faut penser d’Acrimed. Vous avez dit « procès en déviation idéologique » ?

Et qu’est-ce que Daniel Scheidermann sait par avance ?

 Premier argument : ... A la différence du journaliste amoureux du divers, Acrimed [qui, soit dit en passant, compte de nombreux journalistes parmi ses adhérents...] saurait... par avance précisément, selon notre professionnel agacé, ce qu’il faut penser [5]. Ne pouvant soutenir cette affirmation péremptoire par le moindre exemple extrait de notre article, Daniel Schneidermann en assène une seconde.

 Deuxième argument : Acrimed n’aime pas les débats contradictoires. « Nous on aime bien le débat. [...] Eux, ils adorent le débat, mais entre eux, c’est tellement plus simple. ». C’est omettre une peu vite que nous aimons tellement les confrontations qu’il nous arrive de répondre... à Daniel Schneidermann, mais surtout de discuter avec toutes celles et tous ceux qui ont participé aux centaines de débats publics que nous avons organisés depuis 10 ans ou dans lesquels nous sommes intervenus [6]. Mais il est tellement plus confortable de rester derrière son ordinateur... et de mesurer l’intensité du débat démocratique au nombre de messages déposés sur la Toile !

Que retenir, « une fois l’article dépouillé de ses scories polémiques », de la non-réponse de Daniel Schneidermann ?

Qu’il adore tellement les débats qu’il les préfère à la confrontation des arguments ?

Ce serait curieux, non ?

Henri Maler

PS. Daniel Schneidermann semble chagriné sous prétexte qu’il nous arrive de nous appuyer sur les documents diffusés par « Arrêt sur images » et/ou de faire état d’un accord, plus ou moins prononcé, avec les enquêtes et commentaires proposés par cette émission. Nous en sommes désolés, mais nous continuerons.

 
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Notes

[1Hélas, le Big Bang blog n’est plus accesible (juillet 2010).

[2M. Quatremer : « La critique des médias est un exercice normal et souhaitable. [...] Le problème est que ce travail critique est loin, très loin, d’être toujours fondé. En particulier lorsqu’il émane de groupes qui confondent critique et procès en déviance idéologique . ». Lire sur le blog de M. Quatremer « Théorie du complot » et notre réponse : « M. Quatremer, de Libération, n’est pas content ».

[3Comme le reconnaît M. Schneidermann un paragraphe après avoir inventé le contraire.

[4C’est bien de problèmes d’interprétation dont il s’agit. C’est ce que nous avions souligné quand nous nous sommes appuyés sur les comptages proposés par « Arrêt sur Images » lors de la campagne référendaire de 2005, en soulignant qu’ils n’étaient que des indices (Voir par exemple :« Comptage des intervenants à la télé de janvier à mars 2005 (“Arrêt sur images”, F5) ».). C’est à plus forte raison comme des indices (et pas plus) que nous traitons les chiffres des sondages, notamment dans l’article qui a déplu à M. Schneidermann au point qu’il croit malin d’écrire que nous volons à leurs secours...

[5Puisque ce sont « des militants, qui se servent de la critique des médias pour étayer leur théorie ». Des militants ? Quelle horreur !

[6Sans autres moyens que ceux dont dispose une association exclusivement composée de bénévoles et qui ne reçoit, à ce jour, aucune subvention. A comparer à ceux dont dispose une émission comme « Arrêt sur Images »...

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