Lundi 3 avril, « Le Fou du Roi » recevait Franz-Olivier Giesbert, directeur du Point, propriété de François Pinault, grand ami de Stéphane Bern. Giesbert, dont la tournée de promotion de son livre sur Chirac bat tous les records du genre...
Mercredi 5 avril, Charlotte Bouteloup lit le courrier des auditeurs :
- Charlotte Bouteloup : « Toujours sur le même sujet, Frédéric : " Voilà plusieurs émissions que vous invitez des personnes polémiques traitant de sujets épineux. Dernier exemple en date, M. Giesbert pour son livre sur notre président. Est-ce le rôle d’une émission de divertissement de traiter de sujets lourds sur un ton plaisantin ?" »
A cette question sur le mélange des genres, la réponse de Stéphane Bern est pour le moins embarrassée. Mais il est immédiatement soutenu par ses comparses.
- Stéphane Bern : Enfin, sujet lourd, sujet lourd, c’est quand-même une biographie du Président, ça va, c’est... c’est pas non plus, heu, l’extermination heu, des, des, des voilà, des Tutsis ou des... au Rwanda, faut, faut... faut remettre les choses à leur juste place, hein. Il s’agit du Président de la République, on, on a le droit de... [S’adressant à sa cour :] Je ne sais pas. Qu’est-ce que vous en pensez, les uns les autres ? Martin ?
- Martin : Ben, moi, j’ai lu ce livre, puisque je devais être là. Euh, c’est un livre absolument jubilatoire, c’est un livre de parti pris, c’est un livre de journaliste. Y a pas de révélation insensée, mais il a une plume, c’est un polémiste"
Ainsi, sous prétexte que le livre de Giesbert serait jubilatoire, il mériterait qu’on en parle dans une émission de divertissement. Et cela serait d’autant plus justifié que ce livre n’apprendrait rien d’important. C’est l’auteur qui va être content...
Mais Stéphane Bern n’est pas complètement satisfait et rassuré par la réponse de Martin.
- Stéphane Bern : Y’a pas de quoi faire une polémique sur le fait de l’inviter ou de pas l’inviter ? C’est pas...
- Martin : Mais pas du tout, il essaye de décortiquer de son point de vue l’histoire du déclin de la France, bon ben il le fait, on est d’accord ou pas d’accord, c’est tout.
Ce propos, digne d’une émission littéraire animée par Franz-Olivier Giesbert, n’a plus aucun rapport avec la question initiale. L’intervention suivante, moins docile que les précédentes, non plus.
- Un autre chroniqueur, : Non, la seule polémique qu’on aurait pu faire, c’est demander à Giesbert pourquoi il avait mis son bouquin en couv’ de son propre canard...
- Stéphane Bern : Je lui ai demandé
- Le chroniqueur indiscipliné : ... en mettant son nom aussi...
- Stéphane Bern : ça y est, on lui a demandé, on lui a demandé, absolument !
Après ce rappel à l’ordre, un troisième chroniqueur ferme le ban par une boutade sarcastique qui dissimule à peine le mépris qu’elle affecte au second degré :
- Stéphane [probablement Stéphane Guillon] : Si les auditeurs en disent du mal, c’est que c’est certainement un très bon livre !
- Charlotte Bouteloup : Voilà, bien dit !
- Stéphane Bern : Merci Stéphane.
[Rires d’autosatisfaction]
Jusque là, rien que de très banal. Un auditeur est mécontent de l’invitation d’un journaliste politique, auteur d’un livre politique dans une émission de divertissement. Stéphane Bern et sa suite se justifient par un éloge de cet invité et de son livre. Mais la lettre de l’auditeur n’est pas finie. Et en lisant la suite, Charlotte Bouteloup rompt le charme des réponses désinvoltes et complaisantes.
- Charlotte Bouteloup : Et alors toujours concernant le choix des invités, Frédéric conclut : " Le choix des invités est-il vraiment libre ou y a-t-il des obligations relationnelles ..."
- Stéphane Bern : Aucune !
- Charlotte Bouteloup : " ... dues aux amitiés de Monsieur Bern et de Monsieur Pinault notamment ? "
Sans doute les « obligations relationnelles » ne dépendent pas toujours des « relations personnelles ». Et celles-ci ne suffisent pas à expliquer l’existence d’un univers de connivences. Mais en évoquant des « amitiés personnelles », l’auditeur s’est livré à une intrusion impardonnable pour Stéphane Bern qui déraille alors complètement.
- Stéphan Bern : Oh, ça y est, alors ça, c’est le complot, oui !
- Charlotte Bouteloup [essayant de faire de l’humour] : Vous avez des prix chez La Redoute ?
- Stéphane Bern : Oui oui oui... c’est même un complot judéo-maçonnique, hein. Ça... les gens, les gens qui écrivent ça sont vraiment attachés à toute l’idée du complot judéo-maçonnique... heu, c’est, c’est des, des vieilles...
- Une chroniqueuse qu’on n’avait pas encore entendue (mais combien sont-ils ?) : ...paranoïas super malsaines !
- Stéphane Bern : oui, c’est très malsain comme climat. On invite Giesbert parce que c’est un grand journaliste ! [1]
Résumons : Giesbert est invité chez Bern qui est l’ami de Pinault qui est le patron de Giesbert.
De quoi s’interroger... Et si ces relations personnelles n’expliquent pas la présence de Giesbert dans une émission de divertissement, pourquoi s’emporter au point d’attribuer la question d’un auditeur à une « paranoïa super malsaine » ? Parce que Stéphane Bern serait lui-même persécuté ?
Et Stéphane Bern de surenchérir sur l’usage infamant d’un terme psychiatrique, en accusant ceux qui, à l’instar de l’auditeur, lui soumettent une question indiscrète d’être « attachés à toute l’idée du complot judéo-maçonnique ». En clair : d’être des antisémites.
Ce crachat en dit plus long que de longs discours sur les procès en « théorie du complot ». Ceux-ci permettent de dissimuler les connivences qui se nourrissent de l’appartenance au même microcosme social : une commune appartenance qui, confortée ou non par des relations personnelles, explique pourquoi, aux yeux de Stéphane Bern, Giesbert est forcément un grand journaliste.
Johann Colin