Les menaces qui pèsent sur l’émission « Là-bas si j’y suis » sont un cas particulier et emblématique de menaces plus générales. C’est à ce titre qu’elle doit être défendue : pour défendre une conception exigeante du pluralisme et de la diversité - du Service public, tout simplement.
– Dès le 15 juin 2005 selon le compte-rendu de la Société des journalistes, le Pdg De Radio France, Jean-Paul Cluzel, tirant le bilan de la couverture de la compagne référendaire n’avait pas fait mystère de ses intentions en déclarant la guerre à une premier adversaire : « Les sommes allouées au reportage sont conséquentes. » Et de préciser . : « Un reportage ne saurait être autre chose qu’une photographie sans image ». Avant de défendre une conception novatrice (mais pas très neuve, hélas...) du journalisme : « Mieux vaut rester au bureau, lire un bon rapport, connaître un dossier, mener des investigations sur Internet que courir micro en main à La Courneuve ». Avec comme modèle, France Info : « Je n’ai entendu aucune critique sur cette disparition présumée de reportage. En tant qu’auditeur privilégié, je ne souffre pas d’un manque, en tout cas. . »
Lire : « Le reportage, voilà l’ennemi ! »
Les émissions fondées sur des reportages n’étant guère nombreuses sur France Inter, l’ « auditeur privilégié », ami d’Alain Juppé et des idées « de droite, catholiques et libérales », comme il l’a confié dans un entretien au Figaro Magazine, n’a rien trouvé de plus urgent que de les réduire ou de les supprimer...
– Quelques mois plus tard, à l’occasion de la présentation de ses vœux au personnel, Jean-Paul Cluzel, manifeste la volonté de « tirer les leçons du « désamour » temporaire qu’a connu la radio après le référendum européen, nombre de ses auditeurs lui reprochant un parti pris pour le oui à l’antenne. » (Libération, 18 janvier de 2006) D’ailleurs, « il faut éviter de servir du "prêt-à-penser" aux auditeurs », expliquait-il à Libération en se réclamant d’« un service public modeste et respectueux des convictions de ses auditeurs ».
Mais à bien lire les déclarations de Gilles Schneider, ce « respect des convictions des auditeurs » devait se traduire, non par un surcroît de diversité et de pluralisme, mais par leur neutralisation : sous couvert de satisfaire les goûts populaires, « être un peu plus drôles et légers » et dépolitiser de la politique. En clair : « à droite, toutes ».
Lire : « Où va France Inter ? »
– Le 2 mai 2006, Frédéric Schlessinger « débarque » à France Inter en qualité de directeur de la station. Venu du « Mouv’, cet ancien responsable du pôle radio du groupe Lagardère, n’a besoin que de quelques semaines pour annoncer un grand jeu de chaises musicales. Ainsi, après un an de « réflexion », la direction de Radio France semble sur le point de tenir ses promesses : du changement oui, mais en pire... Le remplacement prévu de Stéphane Paoli par Nicolas Demorand (animateur de la tranche matinale sur France Culture) n’est qu’un paravent : un « pédagogue » en chasse un autre. Les arrivées probables de Guy Carlier et de Marc-Olivier Fogiel contribuent à une « peopolisation » de l’information sur le modèle de RTL. La mise en place de magazines longs confirme la volonté de réduction des reportages. Et pour parachever cette normalisation mercantile (et très « droitière »), quelques symboles (et têtes) tombent et d’autres de reviennent. ...
Sur tout cela, nous reviendrons prochainement en détail. Mais sans attendre, contre le changement d’horaire et la mise en péril de « Là-bas si j’y suis », une pétition est en ligne sur le site non officiel de « Là-bas si j’y suis » : à signer, évidemment.
Pétition :
« Là-bas si j’y suis » ne reprendrait pas en septembre !
Contrairement à ce qu’avait annoncé le nouveau directeur de France Inter, l’émission de Daniel Mermet « Là-bas si j’y suis » ne figurerait pas dans la grille à la rentrée de septembre.
Actuellement programmée à 17 heures avec une excellente audience (500 000 auditeurs) « Là-bas » serait programmée à 15 heures ce qui lui ferait perdre plus de 50% de ses auditeurs, la tranche horaire de 15 heures étant traditionnellement beaucoup moins écoutée quelle que soit la radio considérée.
« Là-bas si j’y suis » n’est pas une émission neutre et cette relégation n’est pas neutre, surtout au lendemain de mobilisations sociales et au seuil d’une année électorale.
Faut-il rappeler que l’actuel président de Radio France Jean-Paul Cluzel, Inspecteur général des finances, longtemps collaborateur de Jacques Chirac, intime d’Alain Juppé et récemment reconverti au sarkozysme n’a pas fait mystère, dans un entretien au Figaro Magazine, de ses idées « de droite, catholiques et libérales ».
Depuis son arrivée marquée par une brutale reprise en main provoquant le départ de personnalités emblématiques comme Pierre Bouteiller et Jean-Luc Hees, c’est près de 400000 auditeurs qui ont quitté France Inter en moins de deux ans.
Ainsi avec la campagne pour le référendum sur la constitution européenne du 29 mai 2005 où la tranche « 7/9 » s’est distinguée par un soutien déchaîné et sans contrepartie au OUI, c’est environ 250 000 auditeurs qui ont quitté l’antenne et ne sont pas revenus. Dans le même temps « Là-bas si j’y suis » gagnait 45 000 nouveaux auditeurs.
Le 2 mai à la surprise générale, Frédéric Schlessinger, un nouveau directeur a été nommé à la tête de la station. Inconnu de France Inter qu’il reconnaît ne pas connaître d’avantage, cet ancien responsable du pôle radio du groupe Lagardère s’empresse de couper quelques têtes parmi les plus chères aux auditeurs. Le dernier en date étant Alain Rey une des voix les plus aimées d’Inter.
Mais n’en doutons pas les auditeurs seront sans doute consolés par l’arrivée de M.O.F. (Marc Olivier Fogiel).
Et tout cela dans quel but ? Sauver France Inter en faisant remonter par tous les moyens le chiffre des sondages d’audience.
Ces chiffres sont éminemment discutables et l’on ne fait pas de la radio avec des chiffres. Or même si l’on accepte d’entrer dans cette logique, pourquoi pénaliser « Là-bas » dont le très bon taux d’audience est un des rares en augmentation alors que plusieurs émissions qui ont perdu des auditeurs sont maintenues ?
Ces incohérences ne peuvent dissimuler une volonté politique et idéologique très claire de casser « Là-bas si j’y suis » avant d’en débarrasser la grille de France Inter.
Nous devons nous opposer vigoureusement à ces manipulations. Financée par la redevance, Radio France est un bien public, « la plus grande école de la République » et l’un des seuls espaces médiatiques en France qui n’ait pas pour but de vendre du temps de cerveau humain disponible aux annonceurs.
Cette relégation ne concerne pas seulement Daniel Mermet et l’équipe de Là-bas, c’est un mépris pour ceux qui depuis des années écoutent cette émission et peuvent simplement s’y faire une image différente du monde « à l’écoute de la différence ».
Mépris aussi et avant tout pour ceux dont les voix, ici et ailleurs, de charniers en chantiers, de souffrances en résistances, seraient encore un peu plus étouffées.
Limoges, le 16 juin 2006 à 21h30.
NON A LA DISPARITION DE « LÀ-BAS SI J’Y SUIS ! »
Signez dès maintenant la pétition sur le site non officiel de « Là-bas si j’y suis » !