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Une prestation estivale de Nicolas Sarkozy et de Carole Gaessler

par Denis Perais,

15 août 2006, journal télévisé de 20 heures sur France 2. Nicolas Sarkozy, interrogé par Carole Gaessler, est invité à s’exprimer sur la guerre du Liban, puis le « complot terroriste déjoué » à Londres et, plus longuement, la question de la régularisation des familles d’enfants scolarisés, mais qui ne disposent pas de titre de séjour [1] A aucun moment, les autres questions sociales ne sont abordées. Voici, transcrits et commentés quelques propos de Nicolas Sarkozy et deux questions posées en fin d’interview par Carole Gaessler. Symptomatiques...

Après avoir confirmé sa position sur la régularisation de tous les « sans titres de séjour », Nicolas Sarkozy ajoute : «  Vous avez vu ce qui s’était passé dans les banlieues . On voit les difficultés du système d’intégration français  ; c’est le résultat de quoi ? D’une politique d’immigration qui n’a pas été maîtrisée . »

Carole Gaessler, en direct, n’a pas réagi à cette affirmation, comme si elle allait de soi. La presse écrite du lendemain, après réflexion, non plus. Si l’on en croit les extraits d’éditoriaux sélectionnés le 16 août le nouvelobs.com, La République du Centre, L’Est Républicain, La Provence, Le Journal de La Haute - Marne et La République des Pyrénnées, ne mentionnent pas ce passage, omis également par l’article en ligne du nouvelobs.com. Le Monde, Libération, Le Figaro du 16 août 2006 et L’Humanité du 17 août 2006 relèvent bien tout ou partie de ces propos, mais sans les commenter. Et pourtant, en attribuant « ce qui s’était passé dans les banlieues » aux origines nationales des jeunes des quartiers populaires, alors que la plupart sont français et que leurs parents le sont souvent aussi, l’affirmation de Nicolas Sarkozy ne se distingue guère de l’explication par leurs origines proprement ethniques et flatte la xénophobie voire le racisme [2].

On mesure donc à quel point est parfaitement ancrée dans le cerveau de nombreux journalistes une certitude qui ne mérite même plus d’être discutée : les conditions d’existence dans les quartiers populaires relèvent du « problème de l’immigration ». C’est même une question ethnique. Inutile par conséquent de s’appesantir sur les effets du chômage et de toutes les discriminations proprement sociales [3]

Mais si Carole Gaessler ne réagit pas aux propos de Nicolas Sarkozy, ne serait-ce que pour lui demander de se prononcer sur une autre version possible, les échéances électorales, réduites à des querelles personnelles et subalternes, mobilisent son intérêt.

Avant dernière question : « Alors on va parler de la rentrée. La rentrée précédente était sous le signe de la désunion entre Dominique De Villepin et vous-même , celle de 2006, ce sera quoi, l’union ou la désunion, notamment avec des sujets délicats comme le projet de fusion Suez - GDF  ». La question politique pourtant fondamentale de la fusion Suez-GDF n’est pas posée pour elle-même. De quel poids pèse une privatisation du secteur énergétique par rapport au « grand sujet d’actualité » que continue d’être le « duel » Sarkozy-Villepin ? A l’évidence, pas lourd !

Dernière question : "Le rassemblement [elle reprend le terme de Nicolas Sarkozy qui ne pouvait évidemment faire autrement que de le préférer à "désunion"]. Alors cet été, on vous a beaucoup vu, on a aussi beaucoup vu Ségolène Royal, côte à côte, comme si le match était déjà engagé. Vous considérez que le match était déjà engagé ? Le PS et l’UMP n’ont pas encore désigné leur candidat  ».

Bien que Carole Gaessler précise que les candidats n’ont pas encore été désignés par leur parti, elle entérine les effets d’une « couverture médiatique » qui anticipe sur cette désignation et présente la campagne pour l’élection présidentielle comme un « match ». Cela promet...

Denis Perais
(avec Henri Maler)

 
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Notes

[1Ce sont, à proprement parler, des « sans titre de séjour » et non des « sans papiers » puisque, dans la très grand majorité des cas, ils disposent de papiers d’identité.

[2Et une certaine gauche, médiatique ou pas, n’est pas en reste. Elle a fait bien du chemin depuis les déclarations d’un certain François Mitterrand, à propos des révoltes urbaines de 1983 : « À l’origine de ses nombreux désordres sociaux, se trouvent ces fâcheuses et déplorables conditions de vie [...] Je veux absolument m’attaquer aux sources d’un malaise et d’un déséquilibre social  » (sont ici visés notamment le chômage et la discrimination). Ces propos ont été rediffusés lors de l’émission France Europe Express du 2 mai 2006 consacré à... « L’immigration, un enjeu électoral ? ».

[3Sur cette xénophobie rampante qui redouble l’ethnocentrisme de classe, lire notamment « Le langage des médias sur “ les cités ” » et « Quartiers populaires : la vision médiatique (1990-2005) », articles publiés respectivement les 10 janvier et 24 novembre 2005 sur le site d’Acrimed].

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