Le 2 septembre 2006, sur TF1, Claire Chazal répliquait à François Bayrou : [2] : « ... sur cette antenne [TF1] toutes les personnalités politiques de droite et de gauche s’expriment, avec des temps de parole strictement équivalents, contrôlés par le CSA, vous le savez bien ».
Contrairement à ce qu’affirme Claire Chazal, le CSA ne veille à une « stricte équivalence » - et encore... - que pendant la durée de la campagne officielle. Pour toute la période antérieure, demeure la « règle » des trois tiers : 1/3 pour le gouvernement, 1/3 pour la majorité parlementaire, 1/3 pour l’opposition : règle à peine tempérée par un impalpable « souci d’équité ». De fait, l’observation de la couverture par TF1 des universités d’été des partis politiques, tenues entre le 25 août et le 10 septembre 2006, contredit Mme Chazal. Aucun représentant du Front National, de la LCR ou des Verts, partis qui ont pourtant organisé leurs universités d’été pendant cette même période, n’a été convié à s’exprimer dans les journaux télévisés de TF1.
Cette partialité dans la sélection des invités politiques est révélatrice d’une disproportion qui ne s’explique pas seulement par la représentativité électorale de chaque formation mais peut-être aussi parce que la préparation d’un hypothétique second tour favorise les grands partis, les spéculations des sondologues et des sondomaniaques, comme la propagation des « petites phrases », des rumeurs de désistement, des alliances, des annonces de ralliement,...
La chaîne de Claire Chazal n’est toutefois pas seule en cause. Les séquences des JT de France 2 et France 3 consacrées aux universités d’été se sont également caractérisées par une iniquité certaine dans la place accordée aux manifestations des différents partis politiques.
Ce constat se fonde sur l’analyse de trois critères : le temps d’antenne accordé à la couverture de l’université d’été de chaque parti, le nombre de fois que l’université d’été d’un parti est mentionnée en titre du JT et la durée des interviews des invités. Nous avons considéré le traitement de 7 universités d’été (FN, LCR, MPF, PS, Les Verts, UDF et UMP) dans les JT de TF1, France 2 et France 3 sur la période allant du 25 août au 10 septembre 2006.
Le temps d’antenne accordé à chaque parti
L’examen du temps accordé aux 7 universités d’été (voir ci-dessous) [3] montre que les deux grands partis ont été les mieux servis.
Dans le détail, France 2 a consacré plus de 44% de son temps de couverture au seul PS mais a ignoré la LCR. Cette organisation a également été oubliée par TF1 qui, en revanche, a consacré un reportage à l’université du club « Debout la France », proche de l’UMP. Si la chaîne du groupe Bouygues n’a accordé qu’un peu plus de 33% du temps d’antenne au parti de Nicolas Sarkozy, soit 8% de plus qu’au PS, elle a consacré près de 69% du temps de couverture aux partis dits de droite : plus de 21% pour l’UDF, 10,80% pour le MPF et 3,38% au FN [4]. Enfin, comme France 2, France 3 a consacré plus de 60 % de son temps d’antenne au PS et à l’UMP. Rappelons que les candidats de ces deux organisations ont rassemblé, au total, moins de 36% des suffrages exprimés au premier tour des élections présidentielles de 2002
Annonces dans les titres du JT
En comptabilisant le nombre de mention d’un parti ou de l’un de ses représentants dans les titres du JT (cf. ci-dessous), on constate également une sur-représentation des deux grands partis. Le PS et l’UMP cumulent 10 citations sur TF1 contre 5 pour tous les autres partis considérés sur la même chaîne. Sur France 3, les deux grands partis ont également été cités 10 fois pour 4 mentions de tous les autres partis. L’université d’été de la LCR n’a pas du tout été citée en titre, toutes chaînes confondues.
Durée des interviews de personnalités
Enfin, l’examen des entretiens et de leurs durées confirme (cf. ci-dessous) les résultats déjà obtenus. TF1 a accordé le plus long entretien à Nicolas Sarkozy : 635 secondes, soit 37% du temps total d’interview pour les JT de cette chaîne sur cette période. De même, France 2 a accordé le plus long entretien à Ségolène Royal : 510 secondes, soit 53% du temps total d’interview pour les JT de cette chaîne sur cette période.
L’examen de ces trois critères met donc en évidence une inégalité de traitement considérable que la campagne officielle ne compensera nullement. Elle renforce la tendance à la bipolarisation encadrée de la vie politique, observable, en particulier, dans la projection systématique vers un second tour opposant Ségolène Royal à Nicolas Sarkozy. Elle alimente une présentation « politicienne » des enjeux de la présidentielle et elle s’en nourrit.
« Politicienne », vraiment ? Très politique, en fait. Au sens où le sont les conséquences des automatismes, entretenus plus ou moins volontairement, du journalisme de télévision.