S’appuyant sur le communiqué de presse du CSA du 4 janvier dernier [2], l’auteure de l’article rejoint le constat d’une inégalité de traitement des candidats : « Et alors ? Alors c’est vrai. Le CSA a récemment pointé la "bipolarisation excessive" de la campagne sur certaines chaînes. »
La journaliste s’insurge-t-elle contre cette inégalité de traitement ? Pas du tout. Non seulement ce phénomène n’est « pas nouveau », mais il est « inévitable ». Pourquoi ? Entre autres raisons, parce que le marché en a décidé ainsi. En effet, personne ne peut empêcher les journalistes de vouloir vendre du papier. Or « un duel entre deux "stars" est plus vendeur qu’une partie de tarot à sept »... [C’est nous qui soulignons.]
Puis, après avoir une nouvelle fois reconnu l’injustice faite aux petits candidats, Emmanuelle Anizon assène un argument massue :
« C’est peut-être injuste. Ce n’est en tout cas, contrairement à ce que clame François Bayrou, pas déterminant. Avec la multiplication des canaux, l’essor d’Internet, des blogs et des podcasts, les minutieuses règles de comptage du CSA semblent bien dépassées (lire article page 38 [3]). Les candidats ont toutes les tribunes alternatives possibles pour faire passer leurs idées. Et les grandes chaînes hertziennes ne font plus l’opinion, encore moins l’élection. » [C’est nous qui soulignons.]
En effet, cette inégalité d’accès aux médias de masse (télévision, radio et presse écrite) est-elle réellement un problème puisque les « petits » sont entièrement libres de s’exprimer sur internet ? C’est un type de raisonnement analogue que l’on peut retrouver chez les dirigeants états-uniens de conglomérats médiatiques. Selon Eric Klinenberg, ceux-ci « arguent de la diversité de l’information sur Internet pour prétendre que les lois réglementant les moyens de communication traditionnels (old media) seraient devenus inutiles » [4].
Cet argument est cependant bien étrange lorsque l’on sait comment les électeurs s’informent sur la politique. Un rapide coup d’œil sur des statistiques du « Baromètre Politique Français (2006-2007) CEVIPOF - Ministère de l’Intérieur » permet de constater qu’internet est loin d’être le média privilégié [5]. A la question « Pour vous informer en matière politique, quel média utilisez-vous le plus souvent ? », 58% donnent pour première réponse la télévision, 17% la radio et 19% la presse écrite. Pour ce qui est d’internet, il est mentionné par... 5% des enquêtés [6].
Si « les candidats ont toutes les tribunes alternatives possibles pour faire passer leurs idées », c’est également le cas pour les journalistes. A n’en pas douter, Emmanuelle Anizon ne manquera pas d’appliquer à elle-même son remède miracle en quittant le petit hebdomadaire qu’est Télérama pour dispenser ses brillantes analyses aux milliards d’individus (potentiels) d’internet.
Anna Ploos