Premiers prix de vertu : les grands quotidiens nationaux édités à Paris.
Libération et Le Monde - ont pris la tête de la croisade contre les "gratuits" au nom de toute la presse. Comme la concurrence des "gratuits" ne les menace pas vraiment, on se doute que leurs vigoureuses protestations sont purement désintéressées...
La Croix et L’ Humanité - quotidiens beaucoup plus fragiles - ont de sérieux motifs de s’inquiéter.
Deux arguments - à prendre au sérieux - sont mis en avant. Les "gratuits" opposeraient à la presse payante :
– une concurrence déloyale : épargnés par les surcoûts omposé par la réglementation, les gratuits priveraient de surcroît la presse payante des ressources publicitaires et de lecteurs
– une information au rabais : réalisés pourt l’essentiel à partir de dépêches d’agence, les gratuits qui priverait les lecteurs du professionalisme d u journalisme de la presse payante.
Ainsi Bruno Frappat, dans La Croix, mêle ces deux arguments et dénonce :
"L’économie de cette presse " populaire " la voue à une " couverture " minimale de l’actualité, obsédée par le moindre coût, laissant à la presse payante (réservée aux élites, aux militants et aux fidèles) le soin de la dépense rédactionnelle après l’avoir, concurrence déloyale, privée d’une partie de ses ressources publicitaires ! " Et l’éditorialiste de conclure : " C’est aussi une certaine idée de l’information que l’on met à la poubelle."
Concurrence déloyale ?
Sur le coût, nos quotidiens pyants argumentent longuement.
Dans Libération, le directeur, Serge July, fustige :
" Les gratuits se conduisent en flibustiers... Ils créent une inégalité économique fondamentale entre les vrais quotidiens et le papier journal. Le respect des lois s’impose à tous. Il est dans les attributions des pouvoirs publics de les faire respecter, jusqu’à ce qu’on juge nécessaire de les changer."
Le Monde, dans un éditorial du 19 février 2002 argumente longuement en ce sens. Mais Le Monde n’est pas seulement une entreprise commerciale, c’est aussi une Académie de moralité publique. Aussi ne craint-il pas d’aller "au-delà des arguments économiques" :
"Au-delà des arguments économiques, une question de principe est posée : n’est-ce pas dévaloriser l’information que de la rendre gratuite ? N’est-ce pas induire que le journalisme n’apporte aucune plus-value ? Depuis le XIXe siècle, les journaux dépendent principalement de deux sources de revenus : la contribution des lecteurs et l’apport de la publicité. Renoncer à la première, c’est préparer le terrain d’une uniformité mortelle pour l’information." (Editorial du 19.02.2002).
Le choix des mots n’a rien d’innocent. Ainsi que le relève la rédaction d’Amnistia ( "Presse gratuite ou presse payante ?" - lien périmé) :
"Retenons bien les termes : "la contribution" pour les lecteurs et "l’apport" pour la pub. De nos jours, l’achat d’un titre de la part d’un lecteur ne peut s’apparenter à autre chose qu’à une simple "contribution"...! Car la seule véritable source de financement dont disposent la plupart des journaux est bel et bien "l’apport" publicitaire. C’est annonceur qui paye les journalistes ! Au "Monde", au "Figaro", à "Libé"... tout comme à "Metro"..."
La dévalorisation de l’information, pour Le Monde, c’est à la fois la perte de valeur marchande et la perte de sa valeur d’ usage. Indissociables ?
Reste cependant le deuxième argument :
Information au rabais ?
La défense de la presse payante coïnciderait avec la défense de la qualité, de la crédibilité et de la diversité de l’information. Soit... mais...
– Qualité ?
L’actualité, dans les gratuits, est condensée à partir des dépêches des grandes agences internationales (AFP, Reuters, AP) : avec ce gage - relatif - de sérieux, les "gratuits" sont-ils plus lamentables que certains quotidiens régionaux ?
Les informations sont présentées sous une forme facile et rapide à lire. Metro affirme qu’il suffit de 19 minutes et demie pour parcourir un numéro, soit 30 secondes de moins que 20 Minutes. Facile à manier, également : en format tabloïd (Metro) ou demi-berlinois (20 Minutes). Avec cette présentation, il est vrai, les "gratuits font une dommageable concurrence à des hebdomadaires qui, plombés pas la publicité sur les pages de droite, sont de véritables jeux de pistes pour les lecteurs acharnés à trouver les articles...
– Crédibilité ?
Les gratuits sont entièrement financés par la publicité et les petites annonces. On se doute que certaines informations risquent d’être oublmiées ou déformées. Mais il ne s’agit-là que d’une forme agfgravée de pratiques journalistiques qui sévissent dans d’autres organes de presse, multipliant "publi-reportages"" et suppléments "porte-pub".
– Diversité ?
Le Monde - on l’a vu - brandit une terrible menace : celle d’une " uniformité mortelle pour l’information". Comme si elle n’était pas déjà à l’oeuvre parmi les grands quotidiens et hebdomadaire nationaux...
L’Humanité comme La Croix font - il est vrai - entendre des voix différentes. Leur défense de la diversité doit être entendue.
Voici ce que l’on peut lire dans L’’Humanité, sous la plume de Claude Baudry et Dany Stive :
"Le débat est l’un des fondements du pluralisme. Les gratuits le gomment de leurs préoccupations. Ils risquent d’être les fossoyeurs d’un lien citoyen construit pas à pas entre un journal et ses lecteurs, ce fameux contrat dont parlait Jean Jaurès dans le premier éditorial de l’Humanité."
On pourrait souscrire au moins partiellement à ce souhait... si, au regard de la situation présente, il ne confondait pas le désir et la réalité. Débat ? Vous avez dit débat ?
A la guerre comme à la guerre
Plus directement menacés par la concurrence des "gratuits", certains quotidiens régionaux n’ont pas ces scrupules professionnels qui embarassent la presse nationale, mais qui ne leur coûtent rien ou presque.
Pour faire face à la concurrence,
– Le groupe Ouest-France a choisi de s’allier avec 20 Minutes ;
– La Provence, le journal régional du groupe Hachette, a décidé d’éditer un quotidien gratuit : Marseille Plus.
Selon Le Monde,
"Le journal est préparé par un responsable du service des sports, Guillaume Singer, qui est allé voir, à Milan et Barcelone, ce qu’il en était de ce type de presse, présente dans ces deux métropoles, et quelle part de marché elle ôtait aux quotidiens payants. Comprenant douze pages et des informations locales, elle serait entièrement réalisée par des journalistes deLa Provence."
A suivre...
En attendant, lire : Le double jeu du Monde ?