C’était le lendemain de l’annonce officielle de la candidature de José Bové. Jean-Claude Kiefer tenait, ce 2 février, la plume éditoriale. Sur la même page 3, on pouvait lire un autre article, informatif, sur cette candidature, non signé, provenant probablement d’une agence de presse. Le moins qu’on puisse dire est que la comparaison ne tourne pas à l’avantage de notre éditorialiste.
L’édito, titré : « L’ ’’exception française’’ », note d’abord, un peu rapidement, que « la France est le seul pays d’Europe occidentale à aligner une collection de partis d’extrême gauche se prévalant encore d’une idéologie du XIX e siècle sans oublier un parti communiste qui a gardé cette dénomination entachée d’opprobre partout dans le monde. »
Mais, pire, « voilà qu’un José Bové est candidat à la présidentielle ! » C’en est trop ! Faisant un temps, mine de défendre son droit à la candidature contre « Marie Georges Buffet qui craint l’émiettement du vote protestataire, comme si le PCF détenait un monopole. », il revient vite à ses moutons : « Mais José Bové, tout de même ! » Et Kiefer de s’indigner pour le compte de tous les lecteurs des très pluralistes DNA :« ...la moindre des choses est de représenter un courant d’opinions ou de se prévaloir de quelques idées bien définies ».
Le malheur pour Kiefer c’est que, juste en dessous de son édito au vitriol, dans l’article informatif, on peut lire ceci : « Son programme, inspiré des 125 propositions des collectifs antilibéraux, va de la ‘’réduction massive du chômage à la hausse des minima sociaux en passant par un nouveau modèle de développement‘’ », et « les questions du nucléaire et des OGM seront soumises au débat citoyen. » Déjà beaucoup pour quelqu’un qui n’a pas d’« idées bien définies ». L’ignorance n’est pas un argument, sauf pour le Prince des éditorialistes d’Alsace.
Dans un style que nous ne commenterons pas, José Bové, dans l’article non signé, est présenté ainsi : « porte-voix des sans voix », « ...star altermondialiste... », « ... 5e champion de la gauche antilibérale... », « ... ancien leader paysan... », « ... chemise bleu -jean-cadeau d’indépendantistes kanaks- manches retroussées... », « ...une des rares personnalités de la société civile à briguer l’Elysée... ». Le portrait dressé par Kiefer donne cela : « La gouaille, le picaresque, même l’aspect Jacquou le Croquant qui n’a pas peur des gendarmes ne suffisent pas. » Notre ignorantissime ne veut rien savoir des 125 propositions dont se prévalent d’ailleurs d’autres candidats, Marie-Georges Buffet ou Olivier Besancenot, provisoirement épargnés.
Avant d’aller plus loin, rappelons que les Dernières Nouvelles d’Alsace, en position de monopole sur la région, prétendent être sans parti-pris. Sans doute sont-elles un exemple de ce pluralisme raisonnable que célèbrent l’Institut Montaigne, le rapport Lancelot et la revue Médias [1]. Sans doute est-ce la raison pour laquelle la pédagogie à sens unique tourne peu à peu au pamphlet sans réplique possible.
Car José Bové serait lui aussi une exception française : « Se déclarer ‘’antilibéral’’ et ‘’altermondialiste’’ revient à gesticuler avec des concepts difficilement compréhensibles hors de France ». La suite n’est pas mal non plus : « Faucher des champs OGM sous l’œil des caméras, c’est laisser publiquement l’agriculture à la remorque du progrès ».
Et ce n’est pas tout. Alors que Bové est leader de Via Campesina, une organisation paysanne internationale, du Nord au Sud, Kiefer prétend que « Les ambiguïtés bovésiennes sur la Politique agricole commune de l’UE claquent comme une gifle aux paysans de l’hémisphère Sud.. ». Et, « l’OMC, elle est diabolisée. » Bové ne présenterait pas « la moindre alternative crédible ».
Mais le pire est gardé pour la fin. En effet, selon notre éditorialiste délicat : « le côté anarchiste de la mouvance Bové, mâtinée de terroir avec des relents de ‘’révolution nationale’’ à la sauce Vichy, plaît. »
Fermez le ban !
ColMar
NB. Faut-il le dire ? Alors disons-le : Acrimed ne soutient aucun candidat...