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Le double jeu du Monde ?

par Henri Maler,

« Au-delà des arguments économiques, une question de principe est posée : n’est-ce pas dévaloriser l’information que de la rendre gratuite ? N’est-ce pas induire que le journalisme n’apporte aucune plus-value ? Depuis le XIXe siècle, les journaux dépendent principalement de deux sources de revenus : la contribution des lecteurs et l’apport de la publicité. Renoncer à la première, c’est préparer le terrain d’une uniformité mortelle pour l’information. »
Editorial, "Le prix de la gratuité, Le Monde du 18 février 2002

Quand Le Monde pose une "question de principe", on s’attend à une défense farouche des principes. Surtout quand il nous demande de prendre la mesure d’un péril majeur : le risque d’une "uniformité mortelle pour l’information. Pourtant ...

Une rumeur dans fondement ?

L’Expansion n°662, Avril 2002 titre : "Le Monde présente la facture à 20 Minutes " ...

S’agit-il d’une folle rumeur ? Libération du vendredi 22 mars 2002, en tout cas, propage cette confraternelle information sous le titre : "Le Monde accusé de double jeu" :

"Le quotidien de l’après-midi avait dénoncé avec force, dans un éditorial, l’arrivée en France des deux quotidiens gratuits Metro et 20 Minutes. Il a pourtant envisagé d’entrer dans le capital du second. C’est ce qu’affirment les magazines l’Expansion et l’Express cette semaine.
On savait déjà que le Monde avait proposé ses rotatives à 20 Minutes (Libération du 12 novembre 2001). Mais les discussions sont allées plus loin.
Selon l’Expansion, le Monde réclame 875 000 euros au quotidien gratuit du groupe Schibsted pour le temps passé à étudier cette prise de participation. De son côté, l’Express explique que cette somme constituait le coût de la « caution morale » qu’aurait représenté l’entrée du Monde dans le tour de table de 20 Minutes. Interrogé hier par Libération, le quotidien de l’après-midi ne confirmait ni n’infirmait. Dans son éditorial, en date du 19 février, il avait dénoncé « le dumping économique et social » des gratuits. " [1]

L’éditorial du Monde, daté du 19 février, posait une "question de principe : n’est-ce pas dévaloriser l’information que de la rendre gratuite ? " Cela n’empêcha pas Le Monde de proposer à 20 Minutes de l’imprimer sur ses propres rotatives puis d’entrer dans le capitalde l’entreprise, exigeant 10% du capital et 875 000 euros en échange de sa caution morale.

Charlie Hebdo, 3 avril 2002, interroge :
"Si les responsables de 20 Minutes avaient accepté la proposition du Monde, est-ce que les lecteurs du Monde auraient eu le plaisir de lire le même éditorial enflammé sur les dangers de la presse gratuite ? Ou, au contraire, un vibrant plaidoyer sur les bienfaits de la libre concurrence ?"

Dans le même numéro de Charlie Hebdo, un dessin de Luz montre Edwy Plenel, cigare au bec, qui menace un représentant de 20 Minutes  : " Si vous ne vous laissez pas acheter, je vous traite de vendus !.".

Dans Correspondance de la presse, 4 avril 2002, on lit :
"Interrogé sur les négociations passées entre Le Monde et 20 Minutes, M Colombani a affirmé : " Cette histoire de négociations avec 20 Minutes est une plaisanterie. Nous avons discuté comme d’autres. Si ces journaux étaient imprimés dans les conditions de la presse parisienne, ce serait une distorsion de moins. Quant à imprimer20 Minutes, c’est une question qui n’a aucun sens. ""

Apparemment peu convaincue par le démenti de Colombani, Correspondance de la Presse indique alors :
"Il faut rappeler que selon l’accord trouvé la semaine dernière entre le CILP et la direction de 20 minutes, le titre s’engageait " à solliciter des entreprises de presse parisienne pour effectuer des essais d’impression ", des tests sur les rotatives du Monde ayant même été évoquées à plusieurs reprises par des sources concordantes."

Résumons : Le Monde n’ a pas négocié ("c’est une plaisanterie"), mais a discuté..(c’est plus sérieux...), pour éviter des "distorsions". Il n’a pas imprimé ("c’est une question qui n’a aucun sens. "). Mais il aurait effectué des tests (c’est totalement différent ...). Autrement dit, Le Monde a envisagé de contribuer à " la mort du journalisme ". Mais moyennant 875 000 euros. En attendant le démenti...

Le Monde va-t-il imprimer une "uniformité mortelle" ?

"Les élus rotativistes du Livre CGT ont décidé de "suspendre leurs actions syndicales jusqu’au 17 mai, date à laquelle un accord formel devra être conclu entre la direction de 20 Minutes et celle de l’imprimerie du Monde". Cette branche du Livre CGT indique que "les engagements concernant les essais d’impression le 30 avril 2002, l’intégration du quotidien 20 Minutes au rythme des possibilités techniques de l’imprimerie du Monde et la possibilité d’une reprise totale du contrat d’impression constituent la base d’une avancée significative." Le Figaro, 25 avril 2002.

Retour au début :

" Au-delà des arguments économiques, une question de principe est posée : n’est-ce pas dévaloriser l’information que de la rendre gratuite ? N’est-ce pas induire que le journalisme n’apporte aucune plus-value ? Depuis le XIXe siècle, les journaux dépendent principalement de deux sources de revenus : la contribution des lecteurs et l’apport de la publicité. Renoncer à la première, c’est préparer le terrain d’une uniformité mortelle pour l’information.". Editorial, "Le prix de la gratuité, Le Monde du 18 février 2002

 
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Notes

[1Lien vers le site de Libération périmé (Acrimed, 13/04/2009) - Egalement sur le sujet, L’Expansion n°662, avril 2002 : " Le Monde présente la facture à 20 Minutes ".

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