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Philippe Val, propagateur de calomnies et docteur ès déontologies

par Henri Maler, Mathias Reymond,

Omniprésent dans les grands médias (pour vendre son journal, son livre, son CD, ses concerts, ses idées...) [1], Philippe Val n’a plus le temps de s’informer avant d’écrire... Mais il n’en a pas besoin pour infliger des leçons de journalisme et multiplier mensonges et calomnies. Ses dernières victimes en date ? L’extrême gauche et Noam Chomsky.

Propagateur de calomnies (1)

Dans un éditorial de Charlie hebdo, le 21 mars 2007, sous couvert de prendre la défense de Robert Badinter contre Robert Faurisson (qui nie depuis des décennies l’existence des chambres à gaz), Philippe Val ne peut pas s’empêcher de régler ses comptes avec tous les objets de ses détestations, au prix d’un amalgame mensonger : « À la porte du tribunal, des militants négationnistes venus soutenir Faurisson distribuent leur journal, La Vieille Taupe, du nom de la librairie d’extrême gauche où, dans les années 1970, la jonction s’est faite avec l’extrême droite. Et depuis, c’est sur la musique persistante de la haine du Juif qu’ils dansent ensemble sur un charnier, dont à la fois ils se réjouissent qu’il ait existé et dont ils nient l’existence. (...) Le négationnisme n’est pas apparu comme ça, une petite génération après la fin de la guerre, dans cette librairie du Quartier latin, où trotskystes et fascistes venaient se désaltérer ensemble dans l’égout de l’antisémitisme . Il n’a fait que ressurgir du fond de la tragédie nazie. »

Dans l’hebdomadaire Rouge, Fabien Granjon relève que cette dénonciation de « l’hitléro-trotkysme » est, somme tout, assez logique : « Le commissaire politique Val n’a eu de cesse, ces dernières années, de déverser son fiel sur une gauche radicale qu’il exècre au plus haut point. Le petit patron de presse autocrate vient seulement de franchir un pas supplémentaire dans le maniement de la calomnie et de l’amalgame. S’appuyant sur le spécieux principe des extrêmes censés se rejoindre, Val pose l’équivalence entre trotskysme et négationnisme, entre extrême gauche et antisémitisme. Mais les ignobles dérives de Pierre Guillaume (cofondateur de La Vieille Taupe, la librairie, puis la maison d’édition révisionniste) et de ses acolytes n’ont strictement rien à voir avec le mouvement trotskyste. » Mais pour Val c’est trop compliqué. Trotskystes, communistes, altermondialistes, nonistes, islamistes, tout ça, c’est la même chose : un ramassis d’antisémites à peine dissimulés.

Propagateur de calomnies (2)

Un second passage du même éditorial a échappé à la vigilance de Rouge. Le voici : « Le négationnisme fait partie intégrante du crime, en temps réel. L’effacement des traces n’est que la continuation du même geste qui tue. On le trouve dans tous les génocides du XXème siècle. Hitler par deux fois fait allusion au génocide arménien, afin d’y adosser son action. Noam Chomsky, qui a préfacé l’ouvrage de Faurisson, est également un négateur du génocide cambodgien. Les génocides sont liés entre eux par leurs négateurs ».

Chomsky préfacier de Faurisson ? Chomsky, négateur du génocide cambodgien ? Deux mensonges éhontés en une seule phrase [2].

Le premier est un mensonge par omission qui permet à Val de suggérer que Chomsky est lui-même négationniste. Or, s’il est vrai que Chomsky, se conformant en cela à une tradition états-unienne d’une totale liberté d’expression, a défendu celle de Faurisson, non seulement il n’a jamais soutenu le négationnisme de ce dernier, mais il fut son préfacier malgré lui, comme le rappelait Jean Bricmont : « Chomsky commit une erreur, la seule dans cette affaire. Il donna son texte à un ami d’alors, Serge Thion, en lui permettant de l’utiliser à sa guise. Or Thion le fit paraître, comme « avis », au début du mémoire publié pour défendre Faurisson. Chomsky n’a cessé de rappeler qu’il n’avait jamais eu l’intention de voir publier son texte à cet endroit et qu’il chercha, mais trop tard, à l’empêcher. » [3]

Le second mensonge est encore plus ignoble. Jean Bricmont cite de précises références qui auraient dû permettre d’en finir avec ce procès. En effet, « les écrits de Chomsky, souvent présentés comme une « défense de Pol Pot », ont cherché à comparer les réactions des gouvernements et des médias occidentaux face à deux atrocités presque simultanées : les massacres commis par les Khmers rouges au Cambodge et ceux des Indonésiens au moment de l’invasion du Timor -Oriental. » [4]

Rappelons la morale des fables de Philippe Val : « Hitler par deux fois fait allusion au génocide arménien, afin d’y adosser son action. Noam Chomsky, qui a préfacé l’ouvrage de Faurisson, est également un négateur du génocide cambodgien. Les génocides sont liés entre eux par leurs négateurs ». Comprenne qui pourra le rapport ainsi établi entre Hitler et Chomsky. La cohérence logique est le dernier souci de Philippe Val : seule lui importe la calomnie.

Si Philippe Val n’éprouve aucun besoin de s’informer avant d’écrire, il n’a pas besoin non plus de réfléchir avant de parler.

Docteur ès déontologies

Propagateur des rumeurs et des mensonges qui circulent depuis plus d’une décennie dans le microcosme des intellectuels de télévision auquel il n’appartient que depuis quelques années, Philippe Val s’acquitte avec constance de ses droits de séjour, en professant... des cours de journalisme !

La scène se passe le 7 mars 2007, lors de l’émission « Impertinences » , animée par le très pertinent Bruno Masure, sur « La Chaîne Parlementaire » (LCP-AN). Question impertinente et pertinente du jour : « La télé vote-t-elle à notre place ? » avec comme invités le surprenant Pierre-Luc Séguillon et l’inattendu Philippe Val. Extraits des propos de ce dernier [5] :

Philippe Val : « Il y a quelque chose qui devrait nous faire réfléchir, c’est que vous parliez du référendum européen où le non l’a emporté alors que les médias majoritairement étaient pour lui et d’ailleurs, moi-même à Charlie, j’ai défendu autant que j’ai pu le oui, mais ce qui nous a fait perdre on pourrait dire c’est Internet. Et, les gens font confiance à Internet alors que rien n’y est contrôlé, c’est le domaine de la paranoïa et du complotisme et il n’y a pas d’éthique comme il peut y en avoir dans une rédaction quelle qu’elle soit pratiquement en France. Et bien pourtant, c’est ça à quoi les gens ont adhéré plus facilement encore. [...] »

Passons sur l’explication de la victoire du « non » par le rôle pervers d’Internet : toutes les bêtises ne doivent pas être commentées. Et retenons la phrase soulignée. Sa densité est telle que Philippe Val éprouve le besoin de la préciser quelque temps après : « Je pense qu’il y a du souci à se faire, si c’est le cas [si Internet se substitue aux médias classique] parce que la presse est régie par des lois quand même et Internet c’est la jungle. C’est la jungle où le mensonge le plus hallucinant n’est sanctionné par pratiquement rien...  » [6] Mais ceux de Val dans « la presse » ne le sont apparemment pas non plus...


On peut en convenir : des rumeurs et des mensonges se propagent sur Internet. Mais on peut sourire, voire ricaner, quand nos journalistes éclairés (Philippe Val en tête) s’attribuent le monopole de l’éthique et de la vérification de l’information. Les caricatures propagées par le patron de Charlie hebdo sont les meilleures preuves de ce qui arrive dans la presse écrite quand « le mensonge le plus hallucinant n’est sanctionné par pratiquement rien...  » C’est pourquoi nous sommes ravis d’avoir fait circuler sur Internet, agrémentés, il est vrai, de quelques commentaires, deux des mensonges que Philippe Val réserve généralement à son propre journal et à ses prestations radiotélévisées.

Mathias Reymond et Henri Maler

 
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Notes

[2Sur les deux affaires, on peut lire l’excellent article de Jean Bricmont paru en avril 2001 dans le Monde Diplomatique. L’article, que Val ne peut ignorer compte tenu de sa haine démesurée à l’égard de Chomsky, revient sur les campagnes de désinformation et de disqualification dont Chomsky a fait l’objet. Il rappelle que le linguiste américain a publié « en 1984 ses Réponses inédites à mes détracteurs parisiens, compilation de lettres et d’un entretien, non publiés ou de façon tronquée et adressés à des journaux comme Le Monde, Le Matin de Paris, Les Nouvelles littéraires, pour répondre, entre autres, à des attaques de Jacques Attali et de Bernard-Henri Lévy. » « Entre autres »... Lire également ici même « Noam Chomsky et les médias français ».

[3article cité. Précision : La tentative de séparer son texte du livre de Faurisson pouvait être interprétée comme un recul de Chomsky dans sa défense inconditionnelle de la liberté d’expression. Telle est sans doute la raison pour laquelle, dans « Les médias et les illusions nécessaires », il déclare, à ce propos : « A posteriori, je pense que probablement je n’aurais pas dû faire cela. J’aurais dû dire “Ok, laissez le paraître ainsi, car il doit paraître”. Mais cela mis à part, je considère [ma prise de position] dans cette affaire comme non seulement anodine, mais surtout insignifiante comparée à d ’autres positions que j’ai prises sur la liberté d’expression. » (Précision d’Acrimed, le 2 juin 2007)

[4article cité.

[5Transcription de Jamel Lakhal.

[6Et Pierre-Luc Séguillon de surenchérir : «  Je crois qu’il faut dire très clairement que Intern ... enfin, les blogs et Internet ne font pas la distinction entre la rumeur et l’information. Pour un journaliste, l’information c’est quand même quelque chose qui se vérifie et qu’il ne délivre qu’une fois qu’il l’a vérifiée. Sur Internet vous pouvez faire n’importe quoi [ces deux derniers mots sont prononcés à l’unisson avec Philippe Val] ».

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